[FOCUS] Rebekka Deubner, On The Soft Edge, festival ManifestO #13 Toulouse
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Focus sur l’oeuvre On The Soft Edge de Rebekka Deubner photographe plasticienne lauréate du festival ManifestO #13
Oeuvre présentée : On The Soft Edge, installation de photographies.
Artiste lauréate : Rebekka Deubner, née en 1989 à Munich (Allemagne). Vit et travaille à Paris. Diplômée de l’Ecole des Gobelins, Paris (2013).
Festival : ManifestO, du 18 septembre au 03 octobre 2015, Village ManifestO, Cours Dillon, 31000 Toulouse.
Invité d’honneur et président du jury du 13ème festival ManifestO : Laurent Millet, photographe et plasticien, né en 1968. Vit et travaille à La Rochelle. Il est diplômé de l’école nationale supérieure de la photographie. Laurent Millet a une approche pluridisciplinaire dans sa manière de travailler l’image qui passe notamment par la mise en situation d’objets. Il compose ainsi avec ceux-ci, qui peuvent être d’origines très diverses, des paysages réels ou imaginés.
Directeur artistique du festival : Jacques Sierpinski.
« Surprise, telle pourrait être l’empreinte que le collectif ManifestO souhaite révéler à chaque édition du festival. Surprise au double sens du mot, du trouble de l’étonnement et du cadeau attendu. » Jacques Sierpinski, Directeur artistique du festival ManifestO
Rebekka Deubner fait partie avec Olivier Brossard, Lise Dua, Bérangère Fromont, Joseph Gallix, Zacharie Gaudrillot-Roy, Emilie Gomez, Karolin Klüppel, Sandra Mehl, Matthias Pasquet et Heiko Tiemann des 11 artistes sélectionnés cette année sur les 400 dossiers reçus.
« Avant même d’avoir eu l’occasion de le visiter, je connaissais le Festival ManifestO pour sa bonne réputation. S’il est toujours plaisant et gratifiant de participer à un jury, au-delà de l’invitation, j’ai été séduit par le fait que ce festival réunisse de jeunes artistes photographes. C’est l’occasion de découvrir des émergences, des démarches. Il y a de ce fait un caractère inédit ou presque dans ce qui est montré. D’autre part, la sélection est d’un bon niveau ce qui rajoute à l’intérêt. » Laurent Millet, invité d’honneur et président du jury du 13° festival ManifestO

Entretien avec Rebekka Deubner, photographe plasticienne :
« Je suis partie au Japon aux mois de juillet et août 2014 pour réaliser des images à Fukushima dans une perspective au départ assez documentaire. Les articles et documents que j’avais pu lire sur cette préfecture du Japon étaient tous conçus comme des reportages et avaient un point de vue unique relatant tous les mêmes sujets : la contamination et les risques encourus à se rendre sur le lieu de la catastrophe. J’ai voulu m’y rendre pour voir ce que je pouvais exprimer alors que je n’ai pas une pratique photographique documentaire.
Au début, j’ai envisagé de travailler sur l’idée de frontière, celle entre la zone habitée et la zone interdite. Une frontière invisible si ce n’est sur les routes où ont été placés des barrages. Une fois arrivée là-bas je me suis rendue à Kōriyama puis à Motomiya, des villes situées à une quarantaine de kilomètres de la centrale nucléaire. Or, sans aucun moyen de transport pour aller vers la zone interdite, je suis restée une dizaine de jours dans ces villes sans pouvoir m’approcher et sans donc pouvoir faire le sujet que j’avais en tête.

Plutôt que de persister à réaliser mon projet initial et m’obstiner à essayer de pénétrer la zone interdite, j’ai choisi d’évoquer la limite et la frontière dans des espaces beaucoup plus réduits et se situant plutôt à l’échelle de matières et d’objets. J’ai voulu parler de contrastes, de déstructurations et de limites en prenant en photo des objets quotidiens, des bâches déchirées, des flaques dans lesquelles se reflétaient le paysage. J’ai recréé l’environnement de Fukushima à une échelle réduite.

La série présentée à ManifestO parle de la matérialité des choses, un sujet très présent dans mes travaux, de cette matière qui a été déconstruite par le nucléaire. Une déconstruction invisible qui passe par l’évocation, et par le fait de se retrouver face à des images que l’on ne comprend pas forcément au premier abord. J’aime le fait que les images soient un peu mystérieuses et qu’il y ait plusieurs niveaux de lecture. Si on peut voir en premier lieu l’idée d’un feu, le spectateur peut ensuite d’une manière active projeter sur elle l’idée qu’il se fait de Fukushima et qu’ainsi se crée un cheminement. J’ai fait des gros plans, pris des images de façades et de fenêtres occultées comme des écrans sur lesquels se projettent l’imaginaire. De même, l’emploi du calque permet de fixer une limite mais aussi de voir l’image des deux côtés.

L’installation, une structure en bois de 4m de long sur 2m de haut et 1m de large, placée dans un container de transport maritime, retrace bien cet empêchement d’accéder à un intérieur, d’avoir une vue totale. Elle questionne la limite, celle géographique, du visible, du tangible et de ce que la photographie peut ou non représenter.
De la même manière que je n’ai pu accéder à la centrale et ai dû rester à la limite de la zone interdite, l’installation forme elle-même un noyau impénétrable dans le container. Le container n’étant pas beaucoup plus grand que l’installation, celle-ci remplit presque entièrement l’espace contraignant le spectateur dans sa déambulation mais aussi dans son regard sur les images. Les images deviennent les parois de la structure de l’installation, participent à son architecture.
Le container n’est pas en soi un espace d’exposition mais une sorte de non lieu dans lesquelles les images pourraient être transportées du Japon jusqu’à la France. C’est pour cela que j’ai choisi de ne pas accrocher les photographies aux parois, mais de les présenter plutôt sur une structure interne à la dimension du container. »