Rémi de Chiara

Rémi de Chiara

Entre-temps

Rémi De Chiara, en amateur curieux, développe une pratique dont la genèse réside en ce qu’il qualifie d’abandon à une forme de « vertige » induit par la capacité des sciences dites « dures » à produire des images.

Si la biologie, la physique ou l’astrophysique proposent de multiples tentatives de représentations imagées de l’infiniment grand comme de l’infiniment petit, l’artiste, fasciné, s’essaie à son tour à la formulation d’hypothèses cette fois graphiques. Il procède par prélèvements. Qu’il s’agisse d’un fragment de photographie, ou de la modélisation d’un phénomène physique, les images et les formes que réalise Rémi De Chiara, fruits d’un assemblage ou sujets d’un isolement, nous semblent familières. Ici un végétal, un minéral, un atome ou une galaxie. Peut-être est-ce encore autre chose, une potentialité.

Au sein de la série Réitération(s)1, l’économie de moyens dont fait preuve l’artiste, utilisant des outils quasi archaïques, laisse percevoir l’ampleur incommensurable de l’entreprise : répertorier méthodiquement et à la manière d’une encyclopédie, les formes à la limite de la représentation. Si les sujets oscillent entre le gigantisme et l’infinitésimal, les dessins n’en restent pas moins à la mesure de l’artiste, de son mince trait de crayon qu’il couche inlassablement sur la feuille de papier. C’est un labeur auquel Rémi De Chiara s’astreint librement et cela prend du temps. L’ajout systématique d’un exemplaire à la série ne rend que plus complexes les jeux formels qui en découlent et plus vaste le champ des interprétations possibles.

Dans cette série de dessins, comme dans les USB (unités structurelles de base), l’artiste s’attache à rendre visible l’essence ou l’histoire de la matière. Le graphite sur papier2 ou les briques de charbon compressées3 évoquent ainsi l’aspect formel de l’agencement des atomes de carbone. Ailleurs les plaques de plâtre enduites de graisse4 laissent apparaître les traces de leur séjour dans l’atelier. Quelles que soient les pièces, leur matérialité ne semble paradoxalement pas nier l’aspect photographique de la démarche, il s’agit de révéler.

Dans la série Post-carbone5, quelques éléments d’un paysage singulier sont rapprochés pour être ensuite « imprimés » sur la surface d’une plaque en plâtre dont l’irrégularité des contours atteste d’une vie faite d’accidents. Aussi, le graphite apposé comme une empreinte, ne mord pas le support, mais donne à voir les traces de sa préparation minutieuse. Ici, l’aspect archéologique des formats rappelant les fragments de bas-reliefs ou de fresques murales est contredit par la non-fixation du dessin. À l’heure de l’Anthropocène, de l’omniprésence de l’activité humaine et de son impact déjà perceptible, les Post-carbones de Rémi De Chiara sont voués à disparaître en toute discrétion. À travers ces fossiles potentiels et autres érosions reproduites6, l’artiste questionne la notion du temps, à l’échelle géologique, qui passe sous les yeux des stratigraphes, en reproduisant, dans une temporalité qui est la sienne, quelques phénomènes millénaires. On ne sait alors si les œuvres font ici office de quelques traces, restes ou ruines post-apocalyptiques ou bien si elles feignent les prémices d’une ère en devenir. 

(1) Réitération(s), 2017
(2) USB (unités structurelles de base), 2015
(3) Affleurement, 2012
(4) Miroir de faille, 2014
(5) Post-carbone, 2016
(6) Erosion (FiFaCheChaK), 2016

Texte Leila Couradin © 2018 Point contemporain

 

Rémi de Chiara 
Né le 8 juillet 1987.
Vit et travaille à Lyon.
Diplômé de l’ESAD SaintÉtienne, DNSEP Art 2011

 

Rémi de Chiara, Miroir de faille, graisse mécanique, graphite et charbon sur plâtre, dimensions variables,  2016 - vue de l'exposition Post-carbone, à L'Angle Art Contemporain (74)
Rémi de Chiara, Miroir de faille, graisse mécanique, graphite et charbon sur plâtre, dimensions variables, 2016 – vue de l’exposition Post-carbone, à L’Angle Art Contemporain (74)

 

Rémi de Chiara, Post-carbone, lithographie sur papier, 30x42cm, 2016 - édition URDLA
Rémi de Chiara, Post-carbone, lithographie sur papier, 30x42cm, 2016 – édition URDLA

 

Rémi de Chiara, Réitération(s), pierre noire, graphite et encre sur papier, 30x42cm, depuis 2017
Rémi de Chiara, Réitération(s), pierre noire, graphite et encre sur papier, 30x42cm, depuis 2017

 

Rémi de Chiara, Réitération(s), pierre noire, graphite et encre sur papier, 30x42cm, depuis 2017
Rémi de Chiara, Réitération(s), pierre noire, graphite et encre sur papier, 30x42cm, depuis 2017

 

Rémi de Chiara, USB (Unités Structurelles de Base), graphite sur papier, 105x80cm, 2015 - vue de l'exposition Echo(s))), une église, une usine, un musée...  église Saint Pierre à Firminy / Musée d’Art Moderne de Saint-Etienne (42).
Rémi de Chiara, USB (Unités Structurelles de Base), graphite sur papier, 105x80cm, 2015 – vue de l’exposition Echo(s))), une église, une usine, un musée… église Saint Pierre à Firminy / Musée d’Art Moderne de Saint-Etienne (42).

 

Visuel de présentation : Rémi de Chiara, Affleurement, charbon, dimensions variables, 2014 – vue de l’exposition Echo(s))), une église, une usine, un musée…  église Saint Pierre à Firminy / Musée d’Art Moderne de Saint-Etienne (42)