Tony Regazzoni

Tony Regazzoni

ENTRETIEN / Tony Regazzoni
par Léo Marin

 » (…) je suis sidéré que nous ne décimions pas les rues pris de folie meurtrière et qu’ayant passé toute notre vie à une pareille époque nous restions capables de gestes d’amour. « 

 » Il ne faut jamais s’en remettre aux médias pour refléter nos personnalités, nos besoins ou notre état d’esprit ; au fond, si nous sommes suffisamment nombreux nous parviendrons à brouiller les satellites et à écarter les rideaux qui protègent la tour de contrôle. « 

David Wojnarowicz – Au bord du gouffre, 1991

Smalltown Boy Tony Regazzoni

Contrairement à ce qui s’en dégage au premier coup d’œil, le travail de Tony Regazzoni n’est pas qu’un son et lumière performatif bien rodé et divertissant et malgré l’utilisation récurrente des codes de la fête et de la nuit, il serait dommage de passer à côté d’une pensée bien plus construite qu’on a voulu nous le montrer. Bon goût, lutte des classes et kitsch, réappropriation de l’original par la copie et critique d’une morale bien-pensante, déconstruction des archétypes, sont autant d’engagements que l’artiste mène en utilisant les références qu’il connaît le mieux, celles qui l’ont fait grandir.

Elle est belle cette réécriture de la notion d’universalité, en tout cas ce point de vue repensé et tirant ses leçons dans la culture décriée des deux dernières décennies d’un siècle révolu. 

Leo Marin : Bonjour Tony. Ils ont été nombreux déjà les textes sur ton travail, qui traitent de la boîte de nuit, de la fête et de ce rapport au rituel païen que tu mets en exergue dans tes installations ou lorsque tu les performes. Mais je n’arrive pas à m’empêcher de penser à ces clubs de bords de routes, à la sortie des villes. Ces endroits presque hors du temps, où se mélangent différentes esthétiques, très marquées, de la fête au goût douteux, ou parfois même, encore bloquée dans une première moitié des années 90. Cette esthétique si particulière. Pourrais-tu nous parler un peu plus de ces choix esthétiques et du rapport que tu entretiens avec eux ?

Tony Regazzoni : Bonjour Léo. Tu commences très fort en faisant référence à la notion de goût, ce qui me fait penser à cette citation d’Abraham Moles « Le bon goût n’est qu’une des formes du mauvais goût, à laquelle on est incapable de reprocher quelque chose. »

La discothèque (rurale ou provinciale selon les appellations) est pour moi symptomatique de cette imperméabilité toujours prégnante entre les différentes classes sociales et qui s’affirme ici par la notion de bon ou mauvais goût. De ce qui est écoutable, dansable ou faisable (en termes d’architecture et de décoration) de ce qui ne l’est pas. C’est le jugement souvent péjoratif et négatif de l’urbain.e sur le/la rural.e. D’une élite bourgeoise sur un milieu populaire.

Tony Regazzoni, Boîte de nuit, 2017 Vue de l’exposition  Studio 13/16 - Centre Pompidou, Paris © Diane Arques - ADAGP, 2017
Tony Regazzoni, Boîte de nuit, 2017
Vue de l’exposition Studio 13/16 – Centre Pompidou, Paris
© Diane Arques – ADAGP, 2017

Dans l’histoire des discothèques il y avait une véritable volonté de créer un temple dédié à la vie nocturne. Ce qui m’intéresse, ce sont les dérivés successifs qui se sont emparés de la notion de temple, notamment par l’utilisation de citations empruntées à l’Antiquité : la pyramide, les colonnades, les jardins, les fontaines, etc…, mais réalisés dans des matériaux pauvres (plâtre, bois, peinture en trompe l’œil…) ce qui nous ramène directement à la définition du kitsch.

Ces établissements ont éclos au même moment que le postmodernisme en architecture, style qui, pour rentrer en résistance contre le Style International qui dominait alors la pensée occidentale, a ré-insufflé du décoratif et de l’ornemental par des jeux de citations plus ou moins humoristiques (notamment à l’Antiquité) que l’on a souvent qualifié de « mauvais goût ». L’architecture postmoderniste s’est particulièrement acclimatée à ce que l’on nomme « l’architecture de loisir » : parcs d’attractions, de jeux, villas, etc.

Outre le lien affectif que j’entretiens avec ces discothèques, leur patrimoine historique et architectural m’interpelle car je me rends compte de l’importance sociale et politique qu’elles véhiculent aujourd’hui, tout comme l’histoire du kitsch me semble être un terrain intéressant pour critiquer voire lutter contre le modèle bourgeois dominant et bien-pensant ce qui peut paraître paradoxal, quand on sait que le kitsch est né de la bourgeoisie.

Tony Regazzoni, Living on Video, 2016 Vue de l’exposition CAC Brétigny Production CAC Brétigny et Théâtre Brétigny © Aurélien Mole 2016
Tony Regazzoni, Living on Video, 2016
Vue de l’exposition CAC Brétigny
Production CAC Brétigny et Théâtre Brétigny © Aurélien Mole 2016

LM : Le kitsch pour lutter contre la bourgeoisie bien-pensante. Que combats-tu ? Ou plutôt que cherches-tu à mettre en lumière ? Puisque l’on sait toi et moi que le kitsch s’opère également par glissement et que ce qui est de bon goût pour une certaine classe sociale maintenant ne le sera immanquablement plus passé un certain temps. Le mauvais goût n’est qu’une distillation du bon goût qui se dilue dans le temps …

TR : C’est en effet toujours un peu périlleux de parler de bon ou de mauvais goût. C’est une valeur fluctuante, encore plus aujourd’hui, car la mode et le cool brouillent complètement les pistes. Il en va de même pour le kitsch. N’est pas forcément kitsch ce qui l’était il y a un siècle, car le kitsch possède désormais son histoire. Il y a des choses dont on sait, historiquement, qu’elles sont kitsch, mais on le sait tellement bien qu’elles finissent par perdre cette valeur intrinsèque. Car ce qui est fondamentalement kitsch, enfin je pense, c’est le kitsch qui s’ignore, qui ne se revendique pas. Par exemple, d’après toi, entre une table basse dauphins surmontés d’une plaque de verre et une table basse style design scandinave en faux bois achetée 20€ chez GIFI ou Conforama, laquelle des deux est la plus kitsch ? Pour moi il ne fait aucun doute que c’est la table de style scandinave, quand bien même ses lignes sont complètement épurées. Pourquoi ? Parce qu’elle rentre dans la définition des fondements du kitsch, à savoir un objet d’un certain style reconnu et apprécié par une classe dominante, copié et dépourvu de son essence et de ses matériaux originels pour être dupliqué et vendu en masse et à bas prix à une classe qui souhaite s’entourer des mêmes objets que cette classe dominante, mais qui n’en a pas les moyens.

C’est ce qui se passa dans la seconde moitié du 19ème siècle lorsque la bourgeoisie naissante, beaucoup moins fortunée et cultivée que la vieille aristocratie, souhaitait jouer le jeu du simulacre de classe par la possession des objets. C’est ce qui se passa après la seconde guerre mondiale, lorsque les classes populaires ont eu les moyens de jouer ce même jeu. 

Tony Regazzoni, Equinox, 2013 Bois, aluminium, acier, béton, PVC, peinture acrylique, lumières noires  Œuvre réalisée et produite dans le cadre de la 20ème biennale d'art contemporain de Sélestat © Tony Regazzoni, 2013
Tony Regazzoni, Equinox, 2013
Bois, aluminium, acier, béton, PVC, peinture acrylique, lumières noires
Œuvre réalisée et produite dans le cadre de la 20ème biennale d’art contemporain de Sélestat © Tony Regazzoni, 2013

De ce fait, je pense que même si les notions de bon ou mauvais goût fluctuent, les jugements de valeur persistent par le niveau culturel et de richesse des individus.

Une copie n’aura jamais la même valeur monétaire ou symbolique qu’un orignal. Un meuble en faux marbre plastifié rendra moqueur celui qui possède la version en marbre de carrare. Une image d’un tableau de Van Gogh imprimée sur toile fera sourire le conservateur de musée ou le collectionneur qui possède la toile originale. Et c’est justement là que le kitsch m’intéresse et où je pense qu’il peut devenir un outil politique, quand il fait péjorativement sourire ou qu’il fait « mal aux yeux » à celles et ceux qui se pensent supérieurs (en termes de culture et de richesse). Alors certes, cela n’a pas la portée d’une bombe lacrymogène, mais à chacun ses outils pour revendiquer et s’engager à sa façon.

Tony Regazzoni, Je sors ce soir, 2019 Vue de l’exposition  Glassbox Montpellier - Halle Tropisme, Montpellier © Tony Regazzoni - ADAGP, 2019
Tony Regazzoni, Je sors ce soir, 2019
Vue de l’exposition Glassbox Montpellier – Halle Tropisme, Montpellier
© Tony Regazzoni – ADAGP, 2019

LM : « Un outil politique » ? Es-tu en train de nous dire que tu utilises le kitsch comme l’ont fait d’autres avant toi avec la satire ou la caricature ? Idéalement, quelle.s réaction.s aimerais-tu provoquer ?

TR : Il y a deux histoires dans le kitsch que je trouve intéressantes et qui sont corrélées à mon histoire de smalltown boy. Ce rapport de classes, dont nous parlions précédemment et celle du Camp.

Sontag (la première à avoir théorisé sur le style » Camp »), écrivait “It goes without saying that the Camp sensibility is disengaged, depoliticized – or at least apolitical”. En argumentant que l’aspect sensible, pour ne pas dire naïf du Camp le rendait par essence dépourvu de tout engagement ou de toute pensée politique. Cette théorie a été déconstruite, notamment par Butler, en affirmant que le Camp, quand bien même il conservait toujours cette esthétique (caricaturale, artificielle, etc) très kitsch, pouvait au contraire avoir un côté très subversif car c’est justement par la caricature que l’on pouvait s’attacher à déconstruire et critiquer le modèle dominant (Butler faisait notamment référence au Drag, mais pas que).

Je trouve cela excitant, pour ne pas dire pervers, qu’en s’emparant d’une esthétique plutôt censée « divertir » on puisse incorporer d’autres grilles de lecture. Et tout mon travail se construit comme cela. Il y a le décor et l’envers du décor. Il suffit de se donner les moyens de gratter un peu pour enlever la couche superficielle. Mais j’accepte également qu’on ne se satisfasse que du premier effet, même si je sens souvent un certain discrédit. Cela fait parti du jeu. La série d’images, de sculptures et d’expositions intitulée « The Lost Opera » que j’ai commencée en 2014 et qui s’emparait au départ d’une imagerie de posters, de puzzles, ou style Saint-Sulpice, a été pensée sur ce modèle. L’enjeu, pour moi, était de m’attacher à déconstruire ce sacrosaint mythe du Progrès à travers lequel l’occident s’est autorisé et s’autorise toujours tout un tas d’atrocités sous couvert d’évolutions : technologiques, libérales, etc.

Tony Regazzoni,The Lost Opera (Aérotrain), 2014 Impression sur Dibond®  75 x 50 cm © Tony Regazzoni - ADAGP, 2014
Tony Regazzoni, The Lost Opera (Aérotrain), 2014
Impression sur Dibond® 75 x 50 cm © Tony Regazzoni – ADAGP, 2014
Tony Regazzoni,The Lost Opera (Mirage 2000), 2017 Impression sur bâche PVC  640 x 300 cm Œuvre produite par CAC Brétigny et Théâtre Brétigny © Tony Regazzoni - ADAGP, 2017
Tony Regazzoni, The Lost Opera (Mirage 2000), 2017
Impression sur bâche PVC 640 x 300 cm Œuvre produite par CAC Brétigny et Théâtre Brétigny © Tony Regazzoni – ADAGP, 2017

Actuellement je travaille sur un nouveau projet intitulé « Sans contrefaçon » pour lequel j’ai souhaité m’associer avec des Drag et où, par la création de décors et de performances, nous allons nous attacher à déconstruire les codes déjà bien caricaturaux de la Sitcom, qui nous bercent ou nous ont bercés depuis les années 80/90.

LM : Ah ! Nous y voilà, tu t’inspires beaucoup de la culture populaire des années 90, une époque bien particulière et sur le fil de la nostalgie, pourquoi montrer autant d’intérêt et de références à cette période ?

TR : Le mot nostalgie, comme celui de kitsch d’ailleurs, a cette particularité d’être très négativement connoté. Au départ, le mot « nostalgie » était employé pour définir « le mal du pays » que pouvaient éprouver les soldats ou marins délocalisés de par leurs fonctions. Mais le mot s’est enrichi d’autres connotations qui font qu’aujourd’hui on le perçoit beaucoup plus négativement car il exprimerait une sorte de ressentiment passéiste, le fameux « c’était mieux avant » et qui va à l’encontre de l’idéal progressiste sur lequel s’est construite toute la société occidentale depuis le 18ème siècle. Je ne me sens ni épris du mal du pays ni d’une mélancolie passéiste. Cependant, je veux bien accorder une valeur nostalgique dans ma manière d’aborder les choses, dans la mesure où je me réfère principalement à un vocabulaire de formes, d’objets, d’inventions… qui sont intimement liées à mon vécu, et pour lesquels il y a des liens affectifs et donc subjectifs.

De ce fait, j’en reviens une fois plus à l’idéologie occidentale qui, par le modus scientifique, fait primer l’objectivité sur le subjectif. N’a le mérite d’être exposé/étudié/travaillé que ce qui est objectif, rationnel, bref « universel » et donc dépourvu d’affect, etc. 

J’ai envie une nouvelle fois de me référer aux théories Queer mais aussi Post-coloniales qui se sont attachées à démontrer que le modèle universel de pensée est bien sûr corrélé au modèle de domination occidental. L’universalité est tout de même un concept érigé uniquement par des hommes, et des hommes blancs qui plus est. A partir de là, j’ai envie d’écrire LOL (je n’écris jamais LOL, mais là je trouve que ça s’y prête particulièrement bien).

De plus, je ne me sens légitime que lorsque j’aborde des sujets dont je me sens très proche et que j’ai l’impression de maîtriser. N’ayant jamais eu cette culture universitaire, c’est plutôt par le vécu que ma pensée prend forme. C’est sans doute là que l’on retrouve l’idée de nostalgie, car il y a forcément de l’affect dans le vécu. Cependant, si le vécu permet l’émergence, il essaime à travers tout un tas de questionnements plus larges et qui se rattachent de fait à quelque chose de sans doute plus objectif.

Tu parles des 90’s, j’ai envie de rectifier en élargissant aux 80’s et 90’s. 

Historiquement, je trouve que cette période est d’une richesse incroyable. Elle me semble être un moment charnière dans l’histoire de l’humanité : avec l’avènement du modèle néo-libéral et l’émancipation du capitalisme-consumérisme jusque dans les sociétés communistes, les derniers « grands travaux » en France sous Mitterrand, la naissance de l’italo-disco, la disco high NRG, la transe, la house et la techno (petite parenthèse musicale enchantée) et l’invention de nouveaux modes de fêtes et donc d’émancipations, l’invention d’Internet (qui passe aussi par celle du Minitel)… Un moment où, il me semble, l’Histoire a basculé. Que je sois arrivé dans le monde à ce moment-là, n’est que pure coïncidence :)

Tony Regazzoni,MANT (Motorola Dynatac 8000X), 2018 Impression sur papier  120 x 80 cm © Tony Regazzoni - ADAGP, 2018
Tony Regazzoni, MANT (Motorola Dynatac 8000X), 2018
Impression sur papier 120 x 80 cm © Tony Regazzoni – ADAGP, 2018

LM : Je sais que tu t’attaches dans certains projets à faire l’archéologue de ces moments qui ont marqué cette culture… Crois-tu que nous puissions tirer de cette « richesse culturelle incroyable » encore considérée de mauvais goût par beaucoup, des leçons ou des outils pour demain ? 

TR : Comme tu le remarquais au début, la notion de mauvais goût est variable car aussi affaire de modes. Je me souviens, par exemple, il y a une quinzaine d’années, le style Memphis était complètement décrié et ne valait pas grand-chose. Peu de monde s’intéressait aux objets design des 80’s. Aujourd’hui cela vaut une fortune.

C’est un peu pareil pour l’italo-disco. Quand on en passait dans les soirées à la fin des années 2000 avec des ami.e.s, souvent on se foutait de notre gueule. Aujourd’hui ça passe crème et on retrouve aussi bien des influences de Memphis dans beaucoup de travaux d’artistes (et designers, mais je ne fais pas vraiment de différences) comme l’on retrouve beaucoup de sonorités italo dans les productions musicales actuelles. 

Tony Regazzoni, MANT, 2018 Vue de l’exposition  Paronrongo, Auckland, New-Zealand This exhibition was presented after a residendy program, hosted by Auckland City Council and the French Ambassy in Wellington, New-Zealand. This exhibition was part of Novembre Numérique, an international program by Institut Français. © Tony Regazzoni - ADAGP, 2018
Tony Regazzoni, MANT, 2018
Vue de l’exposition Paronrongo, Auckland, New-Zealand
This exhibition was presented after a residendy program, hosted by Auckland City Council and the French Ambassy in Wellington, New-Zealand. This exhibition was part of Novembre Numérique, an international program by Institut Français. © Tony Regazzoni – ADAGP, 2018

Après, là où je pense qu’il y a de vraies leçons à tirer, c’est d’un point de vue politique, social et écologique. Car ces deux décennies ont aussi été celles d’une casse sociale et environnementale au service de l’économie et d’un productivisme et consumérisme insensé et absurde. Et c’est aussi pour cela qu’elles sont intéressantes (non comme modèle, mais comme contre modèle).

L’art n’échappe pas à cette absurdité et j’en éprouve souvent une forme de dégoût qui me fait prendre beaucoup de recul. Non seulement avec le « milieu », que je trouve encore vraiment trop inconscient et en mode « hors-sol », mais surtout avec ma propre façon de travailler et d’envisager l’art. Je ne me consacre quasi uniquement qu’au recyclage d’images et à la réalisation de films depuis plus d’un an. Le fait que je n’aie presque rien produit de matériel depuis la première ébauche de mon Musée des Anciennes Nouvelles Technologies fin 2018 n’est pas anodin. Créer de l’expérience, visuelle, sensible, cognitive, prime désormais sur la création d’objets, même si bien sûr les deux ne sont pas antinomiques. Le modèle de l’artiste qui doit « poser ses couilles » un peu partout pour s’affirmer, non seulement je trouve cela dépassé, mais surtout ridicule. Je ne me reconnais plus dans ces modèles qui incitent à la surproduction et la sur-visibilité pour tenter de créer de l’émulation qui nourrit l’ « industrie culturelle ». Je n’ai pas envie d’être un ouvrier de cette industrie. D’autant plus qu’on sait toujours très bien à qui elle profite. J’ai envie de prendre le temps, de kiffer aussi, et de laisser le moins possible de traces car c’est devenu pour moi quelque-chose d’anxiogène. C’était le pari qu’on s’était donné avec Glassbox pour l’exposition « Je sors ce soir ». Que l’expo soit entièrement recyclée. Même la « 205 GTI » a trouvé une nouvelle vie. Ça demande une défétichisation de l’œuvre que je trouve pour ma part intéressante.

Peut-être que la crise actuelle va permettre une vraie décélération. Je relisais les écrits de William Morris dernièrement. Il y avait cette phrase tirée d’une de ses conférences : « Comment pouvons-nous supporter d’utiliser un objet, comment pouvons-nous tirer quelque plaisir, si l’on sait que sa fabrication n’a causé que souffrances et chagrins à celui qui l’a fabriqué ? » 

Ces souffrances et ces chagrins peuvent également se reporter à la Terre et tout ce qui la peuple et constitue.

Je prends personnellement de moins en moins de plaisir à voir une exposition ou même une œuvre dont les modes de productions et d’exploitations sont totalement mondialisés, déshumanisés et à des années-lumière des préoccupations écologiques.

 tony-regazzoni.net

Tony Regazzoni,The Lost Opera (Pluto), 2018 Impression sur Dibond® 75 x 50 cm © Tony Regazzoni - ADAGP, 2018
Tony Regazzoni, The Lost Opera (Pluto), 2018
Impression sur Dibond® 75 x 50 cm © Tony Regazzoni – ADAGP, 2018
Tony Regazzoni,The Lost Opera (TGV), 2014 Impression sur Dibond®  75 x 50 cm © Tony Regazzoni - ADAGP, 2014
Tony Regazzoni, The Lost Opera (TGV), 2014
Impression sur Dibond® 75 x 50 cm © Tony Regazzoni – ADAGP, 2014