Du haut d’un arbre au milieu de la tempête

EN DIRECT / Exposition collective Du haut d’un arbre au milieu de la tempête du 29 novembre 2019 au 07 janvier 2020 à L’Artothèque de Caen
par Antoine Duchenet, commissaire d’exposition
À court de titre ?
Aveu de bon sens, non sens, défi, bon mot, code générique, citation savante, injonction up-to-date, ou pirouette adressée au happy few… à chacun son style, modérément convenu, contenu, sous l’exhaustivité chatouillante de ce qui agrégera.
À l’heure où j’écris ces lignes, un commun accord avec Pierre Tatu confirme que le commissaire n’aura pour cette fois pas à donner le titre, admettant qu’en donnant le ton, il commente encore, surtitre… Aussi ai-je fait le choix de confier le titre à Pierre, que je sais disposé à saisir avec une plus grande acuité ce que je serai surpris d’avoir présumé, et trouverai à sa faveur ce titre, aussi parfait qu’il sera là, juxtaposé à ces quelques lignes auxquelles il échappera sans aucun doute avec une grâce manifeste.
Si les artistes indiquent un plus grand intérêt pour les réponses trois, quatre, 12, 6, ou pire encore, délaissent l’art de la combinatoire en dépit de la question 2, s’abstiennent de répondre à ce que j’apprécierais discerner sans cerner et devinent que chaque occurrence ici dans le texte pèse et frôle sa dangereuse rétractation en tract, en must, en motif… Comment défendre alors, -non- comment honorer, les qualités de ces artistes lorsque guette la dérision qui risque de gagner celui qui cantonne le mot au trophée ? Que dire sinon dire qu’ici, c’est meubler pour ne pas ?
Que dire lorsque les couleurs changent à chaque saison, se renouvellent doucement et jamais ne transgressent la courtoisie de la prévisibilité. Cueillette tranquille, sans tracas. Entre les Chrysanthèmes et les Clématites, Thématiques ferait un très joli nom de fleurs. On s’appliquerait alors à les mettre -les fragiles thématiques– à l’abri de l’hiver, de peur que leurs racines ne gèlent trop vite.
Thomas dirait qu’on tâtonne, John qu’on bégaie et Andy béguerait lorsque d’aucuns s’inquiéteraient d’un profond manque d’articulation, cherchant à tout prix à scanner les étiquettes avant même de considérer le produit. Lucas aurait raccroché, interrompu par Edz, et on constaterait du côté de Beverly Hills la collision qu’aurait provoqué Jordan en balançant de plein fouet son Iphone contre le pare-brise teinté d’une idol en Hummer. Pierre aurait pris la tangente. Pauline scintillerait2 derrière des Dolce & Gabbana dorées à cristaux et livrerait les plates-bandes fleuries à la merci de son lisseur. Mark aurait, de l’autre bout du fil, étranglé le pantomime que Marine avait habilement livré à un silence anonyme. Airwan aurait tracé, entre Anvers, Pont Neuf et Pont Marie d’autres lignes pour nous faire vibrer, beaucoup plus qu’il n’en faudrait à Jérôme pour égarer la rigueur méthodique de ces tableaux par quelques frivoles, sauvages et exquises révérences…
Reste à vous dire que Benjamin Britten sonne mieux en automne, que l’autobiographie de Lesly Dust quoi qu’entièrement rédigée au conditionnel comporte tout de même en épigraphe : Qu’ils aient de l’allégresse et de la joie, ceux qui prennent plaisir à mon innocence et que je me fais une joie de célébrer les circonstances qui auront concourues à réunir ici un florilège de conceptions distinctes et de discours passionnément inconciliables, irréconciliables sur l’art, qu’ils peuvent bien s’affronter, s’adosser ou se tirer la langue, qu’ils n’en seront pas moins.

Photo Antoine Duchenet

Photo Antoine Duchenet

Photo Antoine Duchenet









DU HAUT D’UN ARBRE AU MILIEU DE LA TEMPÊTE – 29/11 AU 07/01 – L’ARTOTHÈQUE DE CAEN
John Armleder, Thomas Auriol, Jérôme Boutterin, Marine Coullard, Jordan Derrien, Airwan Isle Groove, Mark Rakotoarivelo, Pauline Rima, Lucas Semeraro, Pierre Tatu, Andy Warhol