202 432 KILOMÈTRES, URDLA

202 432 KILOMÈTRES, URDLA

 « une oie plisse le paysage » (souvenirs de chrétien de troyes)

Super F-97

Super F-97, c’est une Ford Escort 1.6 L 16V de 1997 qu’hérite Rémi De Chiara. En 2019, après son échec au contrôle technique, l’auto qui perd son droit à la mobilité est transformée par Laura Ben Haïba et Rémi De Chiara. Du capot jusqu’au coffre, l’intégralité de la caisse se mue en un habitacle d’art contemporain voué à l’expérimentation plastique. Sortie de la catégorie des véhicules terrestres à moteur, Super F-97 rejoint celle des artists-run-spaces, des micros lieux d’expositions. La proposition 202 432 kilomètres ouvre le premier garage du véhicule dans le chemin du 207, rue Francis-de-Pressensé, aussi était-ce l’occasion de déplier le propos du micro-espace à travers le fonds et les salles de l’URDLA. 

Empreinte

Le nombre de kilomètres parcourus par la voiture sert le déploiement étoilé & tendu par la métaphore littéraire et plastique. L’échelle de l’exposition rejoue ce qui compose le trajet et le voyage. Chacun, à sa mesure, nécessite que le mobile s’alourdisse des impédiments que le visiteur trouvera dans la Super F-97, dès l’entrée ; mais leur nature poétique allégera son voyage plutôt que de l’entraver. Les unités de mesure qui nomment les pièces de Rémi De Chiara, les titres des oeuvres de Laura Ben Haïba dessinent les premiers fils que le parcours tissera : l’empreinte écologique, qui occupe le monde passé à l’anthropocène & l’empreinte intrinsèque aux pratiques de l’URDLA.

Chemins

Assis dans l’habitacle, c’est le regard du pilote qui compte. Quel cadre doit-il retrancher du paysage pour que la route se suive ? Quant aux passagers, non soumis à la même attention, qu’attrapent-ils de leur rêverie ? Quelles lignes choisissent-ils de suivre aux dépens de quelles autres ? Depuis Freud, on sait que ces impressions tracent des chemins, des voies rapides, parfois des impasses dans le système neuronal. Qu’en restera-t-il le voyage achevé ? Quelles images seront érigées au rang de souvenirs ? Quel refoulement viendra les trouer ?

Sillons

Roman Signer, dans Action avec une bicyclette et papier (1991), conjoint à son point le plus radical ce qu’il convient de nommer « l’empreinte du paysage » : après avoir déposé sur un chemin de campagne des feuilles de papier A4 – leur blancheur immaculée troue le paysage –, il enfourche son véhicule et roule, empreinte le chemin qu’il vient de tracer… Ici, l’exposition propose au visiteur de circuler de l’empreinte (prise par la polysémie) au sillon du parcours (matériel ou non), au sillon de la gravure qui fait de l’image un tampon. 

Impact

Se déploie dès lors, comme une nappe qui teint la première, l’impact. Impact amoureux de la matrice et de la feuille de papier, impact sec du choc. Apanage du contingent, l’accident vient déranger le trajet quotidien, les lignes dessinées à l’avance. De ce voisinage d’avec la mort (du petit animal aplati sur la route) sourd l’épuisement annoncé des ressources naturelles dilapidées par la consommation humaine. Où sont passés les insectes écrasés sur les pare-brises ?

Extraction

C’est dans cette pratique des sciences du monde contemporain, soucieuse de l’impact de la présence de l’homme sur terre que se rencontrent les pratiques plastiques de Laura Ben Haïba et Rémi De Chiara qui non seulement puisent dans les images produites par les scientifiques mais aussi investissent certains des protocoles – notamment de collectes – pour réaliser leurs oeuvres. Talon-pointe, impression éditée à l’occasion de l’exposition par l’URDLA, constitue une tentative de fixer l’empreinte d’une archéologie du futur. 

En route

C’est à un voyage d’exposition, que sont invités les amateurs. La circulation rendue possible depuis Super F-97 jusque dans les salles d’exposition de l’URDLA écrit les phrases de ce récit grâce au montage, à la résonance entre les oeuvres de Laura Ben Haïba, de Rémi De Chiara et de la sélection opérée dans la collection URDLA.

Texte Cyrille Noirjean

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