Pièce montée, expositions des étudiants de l’isdaT beaux-arts, Toulouse

Pièce montée, expositions des étudiants de l’isdaT beaux-arts, Toulouse

Depuis deux ans, les étudiants de troisième année (option art) de l’isdaT beaux-arts de Toulouse sont invités à développer un projet en corrélation avec le cours « Déplacement » dirigé conjointement par Jean-Pierre Castex et Patrick Mellet. Après Côté cour, côté jardin en 2017, ils proposent Pièce montée, une exposition en deux parties, visible à la médiathèque José Cabanis et au musée des Augustins.

Un déplacement entendu comme la sortie de la stricte mais féconde pratique d’atelier pour se confronter aux exigences non d’un white cube mais de lieux publics soumis à de multiples contraintes imposées tant par l’architecture, l’agencement de l’espace, les horaires d’ouverture que par les règles de sécurité. Un déplacement entendu aussi de manière littérale pour les étudiants qui sont poussés à défendre leur démarche et projet auprès des responsables des lieux.

Un déplacement rendu possible grâce à la confiance des responsables des sites accueillant les expositions qui, plutôt que de chercher à préserver à tout prix l’intégrité des espaces, ont laissé aux artistes cette liberté toujours enrichissante de faire des propositions. Que ce soit à la médiathèque José Cabanis, comme au Musée des Augustins, les étudiants ont su séduire les chargés de communication ou de médiation des publics et les conservateurs au point de déborder des espaces initialement prévus pour s’approprier leur périphérie immédiate et occuper les trois étages de la médiathèque ainsi que les différents espaces d’exposition du musée des Augustins. Un investissement de l’espace qui a su répondre à l’esprit des lieux comme Pol Izity qui a placé son personnage Tristan sous l’escalier principal de la médiathèque, répondant à la dimension ludique que prêtent les enfants à cette « cachette » tandis que Lola Fontanié propose Culture, un assemblage de bacs potagers dans le patio créant une possible interaction avec les personnels de la médiathèque, ou encore comme Clara Jude dont les essences de parfum inspirées de titres de roman viennent titiller les sens des usagers des trois ascenseurs de la médiathèque.
Par le poème Ephémère, flottant et empreint de douceur sur une vitre de la bibliothèque du premier étage de la médiathèque et qui répond à l’aquarelle Apparaître répétant un motif unique se propageant sur le papier créant un territoire mental au rythme d’une temporalité indéfinie, Maeghan Leith Mourier s’adresse aux visiteurs. Un dialogue qui, chez Louise Truc, prend la forme d’un bureau des passeports d’un état fictif alors que la peinture de Lauren Sié duplique l’agent de sécurité Alison Enki pour qu’elle veille nuit et jour sur les oeuvres exposées, comme veillent aussi, autour de l’oeuvre Promis, je ne coulerai pas de Florine Berthier, les figures saintes du musée des Augustins sur ces migrants ayant péri en mer équipés par des gens sans scrupules de faux gilets de sauvetage.

Lieu de lecture, de réflexion ou d’écoute, la médiathèque est un entre-deux paisible où l’on peut se laisser aller à flotter à la manière des corps de Guy Ben Chetrit, dans la profondeur des images célestes des Cavernes Lumineuses d’Eléonore Verger, accéder à l’intime dans les plis des Ponchos d’Adrien Julliard ou créer son propre monde avec les volumes kaléidoscopiques de Noanne Adam issus de macro de paysages urbains et de reflets que le visiteur est invité à déplacer.
Évitant de répondre de manière littérale aux spécificités des lieux ainsi qu’aux notions d’archivage, de documentation ou de conservation, les artistes proposent un prolongement dans l’imaginaire. Ils ont su utiliser supports, socles, vitrines ou cartels pour rendre leurs oeuvres signifiantes sur des territoires autres. Au musée des Augustins, la sculpture Paresse de Jade Marchandeau, tout en répondant dans sa forme au gisant, s’ouvre au mouvement, au réveil des formes en gardant toutefois l’idée du corps reposant, sa lourdeur. Un prolongement dans l’imaginaire médiéval pour Steven Ravary qui, par un travail de gravure, a recréé les Bouts manquants d’une statue de Saint-Michel terrassant le démon, de même que Paul Rigaud & Eléonore Verger qui ont donné forme à Baby, une créature hybride endormie, semblant appartenir à un bestiaire légendaire. Un déplacement qui répond aussi de manière directe avec la pratique d’un artiste comme Benjamin Coudol qui a porté son attention à la surface vitrée de la médiathèque dont il a transformé le nettoyage en performance, intervenant sur la baie vitrée dans un geste comparable à celui employé dans sa technique de peintre. Un rapport entre intérieur et extérieur que l’on retrouve dans sa pièce La Gargouille et moi où un bloc de béton de sa taille vient continuer l’alignement des gargouilles du musée des Augustins. Un prolongement dans l’imaginaire qui peut être aussi musical et festif comme dans le projet de Benjamin Julienne, Grande fête du soleil invaincu et dans le livre pour enfants de Ilyess El HabchiMax le Dino et son frère font de la techno.

Le déplacement c’est aussi tisser un lien entre les lieux, la médiathèque José Cabanis et le Musée des Augustins, définir un parcours culturel, mais aussi relier des quartiers très différents. Une préoccupation qui a animé les travaux de Diane Réa qui a demandé aux usagers de la médiathèque de lui confier des objets dont elle a assemblé puis moulés les moitiés. Des moulages qu’elle présente dans les vitrines mobiles de la médiathèque et dans des caisses en plexiglas montées sur des socles rappelant l’arche de la médiathèque au musée des Augustins. Une mise en correspondance qui relient les âges et les pratiques, le réel à l’imaginaire, le croyant au non croyant. Inspirée par les arcs brisés des architectures romanes, Emmanuelle Pozzo crée des modules ludiques que le visiteur peut empiler, déplacer, recomposer. Le Sujet_17 de Lucas Hadjam se fait lui le réceptacle dans le jardin des Augustins de « ces formes de vie étranges » qui peuplent les chapiteaux et bas-reliefs du musée. L’idée de répondre à l’architecture des deux lieux qui ont chacun dans leur registre des caractéristiques fortes, spirituelles, a été un sujet inspirant pour les étudiants comme pour l’empilement Dessus/Dessous de Victor Duzelier ou Tête de noeuds de Lorraine Vernot qui vient matérialiser une figure tutélaire en suspension au coeur de l’espace architectural ou encore Julia Solans qui place ses images, ses plâtres et autres empreintes dans les 11 mètres de la vitrine de la salle d’exposition de la médiathèque.

Des oeuvres qui pour certaines s’intègrent avec tant d’à propos dans les espaces qu’on les souhaiterait pérennes et qu’elles fassent l’objet d’une politique d’acquisition. Une réflexion qui reste encore à mener mais qui concrétiserait cette effervescence et créativité de la scène toulousaine qui mérite une plus ample visibilité sur le plan national.

Valérie Toubas et Daniel Guionnet © 2018 Point contemporain

 

Infos pratiques

06/04▷13/05 – PIÈCE MONTÉE – MUSÉE DES AUGUSTINS & MÉDIATHÈQUE JOSÉ CABANIS TOULOUSE

Les expositions Pièce montée réunissent les artistes Noanne Adam, Guy Ben Chétrit, Florine Berthier, Benjamin Coudol, Cécile Dumas, Victor Duzelier, Ilyess El Habchi, Lola Fontanié, Clara Jude, Lucas Hadjam, Adrien Julliard, Benjamin Julienne, Romane Laillet, Charlène Levasseur, Maeghan Leith Mourier, Jade Marchandeau, Emmanuelle Pozzo, Steven Ravary, Diane Réa, Paul Rigaud, Paloma Sanchez, Lauren Sié, Julia Solans, Alizée Trincat, Louise Truc, Éléonore Verger, Lorraine Vernot, Nina Vial Mouillet.

 

Vue de l'exposition Pièce montée des étudiants de l'isdaT beaux-arts, Toulouse. Médiathèque José Cabanis.
Vue de l’exposition Pièce montée des étudiants de l’isdaT beaux-arts, Toulouse. Médiathèque José Cabanis.

 

Vue de l'exposition Pièce montée des étudiants de l'isdaT beaux-arts, Toulouse. Médiathèque José Cabanis.
Vue de l’exposition Pièce montée des étudiants de l’isdaT beaux-arts, Toulouse. Médiathèque José Cabanis.

 

Vue de l'exposition Pièce montée des étudiants de l'isdaT beaux-arts, Toulouse. Médiathèque José Cabanis.
Vue de l’exposition Pièce montée des étudiants de l’isdaT beaux-arts, Toulouse. Médiathèque José Cabanis.

 

Julia Solans, Sans titre. Vue de l'exposition Pièce montée des étudiants de l'isdaT beaux-arts, Toulouse. Médiathèque José Cabanis.
Julia Solans, Sans titre. Vue de l’exposition Pièce montée des étudiants de l’isdaT beaux-arts, Toulouse. Médiathèque José Cabanis.

 

Adrien Julliard, Les ponchos et Lauren Sié, Alison Enki.Vue de l'exposition Pièce montée des étudiants de l'isdaT beaux-arts, Toulouse. Médiathèque José Cabanis.
Adrien Julliard, Les ponchos et Lauren Sié, Alison Enki.Vue de l’exposition Pièce montée des étudiants de l’isdaT beaux-arts, Toulouse. Médiathèque José Cabanis.

 

Ilyess El Habchi, Max le Dino et son frère font de la techno ! Vue de l'exposition Pièce montée des étudiants de l'isdaT beaux-arts, Toulouse. Médiathèque José Cabanis.
Ilyess El Habchi, Max le Dino et son frère font de la techno ! Vue de l’exposition Pièce montée des étudiants de l’isdaT beaux-arts, Toulouse. Médiathèque José Cabanis.

 

Vue de l'exposition Pièce montée des étudiants de l'isdaT beaux-arts, Toulouse. Médiathèque José Cabanis.
Vue de l’exposition Pièce montée des étudiants de l’isdaT beaux-arts, Toulouse. Médiathèque José Cabanis.

 

Maeghan Leith Mourier, Éphémère. Vue de l'exposition Pièce montée des étudiants de l'isdaT beaux-arts, Toulouse. Médiathèque José Cabanis.
Maeghan Leith Mourier, Éphémère. Vue de l’exposition Pièce montée des étudiants de l’isdaT beaux-arts, Toulouse. Médiathèque José Cabanis.

 

Noanne Adan, sans titre. Vue de l'exposition Pièce montée des étudiants de l'isdaT beaux-arts, Toulouse. Musée des Augsutins
Noanne Adam, sans titre. Vue de l’exposition Pièce montée des étudiants de l’isdaT beaux-arts, Toulouse. Musée des Augsutins

 

Emmanuelle Pozzo. Vue de l'exposition Pièce montée des étudiants de l'isdaT beaux-arts, Toulouse. Médiathèque José Cabanis.
Emmanuelle Pozzo. Vue de l’exposition Pièce montée des étudiants de l’isdaT beaux-arts, Toulouse. Médiathèque José Cabanis.

 

Emmanuelle Pozzo, Jeu de formes. Vue de l'exposition Pièce montée des étudiants de l'isdaT beaux-arts, Toulouse. Musée des Augsutins
Emmanuelle Pozzo, Jeu de formes. Vue de l’exposition Pièce montée des étudiants de l’isdaT beaux-arts, Toulouse. Musée des Augsutins

 

 

Jade Marchandeau, Paresse. Vue de l'exposition Pièce montée des étudiants de l'isdaT beaux-arts, Toulouse. Musée des Augsutins
Jade Marchandeau, Paresse. Vue de l’exposition Pièce montée des étudiants de l’isdaT beaux-arts, Toulouse. Musée des Augsutins

 

Steven Ravary, Bouts manquants. Vue de l'exposition Pièce montée des étudiants de l'isdaT beaux-arts, Toulouse. Musée des Augsutins
Steven Ravary, Bouts manquants. Vue de l’exposition Pièce montée des étudiants de l’isdaT beaux-arts, Toulouse. Musée des Augsutins

 

Benjamin Coudol, La Gargouille et moi. Vue de l'exposition Pièce montée des étudiants de l'isdaT beaux-arts, Toulouse. Musée des Augsutins
Benjamin Coudol, La Gargouille et moi. Vue de l’exposition Pièce montée des étudiants de l’isdaT beaux-arts, Toulouse. Musée des Augsutins

 

Paul Rigaud & Eléonore Verger, Baby. Vue de l'exposition Pièce montée des étudiants de l'isdaT beaux-arts, Toulouse. Musée des Augsutins
Paul Rigaud & Eléonore Verger, Baby. Vue de l’exposition Pièce montée des étudiants de l’isdaT beaux-arts, Toulouse. Musée des Augsutins

 

 

 

 

Visuels tous droits réservés artistes. Photos Valérie Toubas.

Visuel de présentation : au premier plan : Guy Ben Chetrit, What would happen if the walls started to cry ?
au second plan : performance de Benjamin Coudol.
à l’arrière plan : Lola Fontanié, Culture.