JEAN-MICHEL COMTE, L’ASSAUT

JEAN-MICHEL COMTE, L’ASSAUT

EN DIRECT / Exposition L’Assaut de Jean-Michel Comte jusqu’au 31 octobre 2020, Galerie Henri Chartier Lyon
par Céline Muzelle commissaire de l’exposition

Dessiner, c’est « se frayer un passage à travers un mur de fer invisible  […] disait Van Gogh, entre ce que l’on sent et ce que l’on peut », un mur à « miner et traverser à la lime, lentement et avec patience»*.

2020, Lignes : dans cette série hypnotique de Jean-Michel Comte apparait cette érosion de la paroi du sentir, éruption ordonnée,  subtile, raffinée presque, non moins puissante et offensive. L’Assaut. Sous le treillis, l’insulte, l’injure, l’invective. Émergence d’un cri, é-crit recouvert par ses lignes mêmes, de l’identité niée, du trauma enfoui, de l’humiliation expectorée.

En surface, un maillage, une toile de fines lamelles patiemment tissée, comme une peau striée-pansée qui recouvre et rappelle la tradition séculaire de la stéganographie : l’art du caché et l’invitation à le décrypter. Devant ces lignes, aucune dérobade: on sent, on sait la force du dessous. Elles sont les adjuvants du dit, renforçateurs du cri; glaives acérés de l’affront.

La brèche ouverte, on pouvait s’attendre à un déferlement, à un éboulis de mots, à la révélation du tabou. Mais la ligne en a décidé autrement, laissant l’artiste presque coi devant l’apparition de figures diaphanes. Silhouettes isolées, groupées, entières ou fragmentaires, émergeant telles des spectres, elles ne laissent d’autre choix que de les laisser poindre. Éclairs d’être.

Puis, le créateur reprend les rènes. Refaire surface au bout de la mine, performer, repousser les limites du possible, et du temps. Dans sa série Ruminations, le trait se met à bouillonner, à emplir frénétiquement la surface, jusqu’à suspension du souffle. La feuille se couvre et se découvre,  révélant son  potentiel vibratoire;  la ligne frémit, imprimant le support de sa course. Chaque pièce répond à ses voisines en autant de vagues signifiantes. Condensés synergiques.

Côte à côte, les trois séries exhalent une immanente parenté. On voit surgir ce que les mots ne savent décrire, la vie psychique dans son épaisseur et son impalpable turbulence.

L’œuvre de Jean-Michel Comte a la succulence  de  l’inclassable, bravant les étiquettes en démontrant leur ineptie. « Nul n’a  jamais écrit ou peint […] que pour sortir […] de l’enfer» écrivait Antonin Artaud. Sans aucun doute, les dessins de Jean-Michel Comte puisent à l’encre de l’ombre donnant à voir l’art dans sa complexe nudité: langage autocréé, réalité recomposée, sauvagerie organisée.

*Lettre de Vincent Van Gogh à Theo Van Gogh, dimanche 22 octobre 1882

Céline Muzelle, juin 2020

Jean-Michel Comte, SANS TITRE, 2020 stylo sur papier, 65 x 50 cm
Jean-Michel Comte, SANS TITRE, 2020 stylo sur papier, 65 x 50 cm

JEAN-MICHEL COMTE – BIOGRAPHIE
« Jean-Michel Comte est né en 1975 à Nice, où il a résidé jusqu’à l’âge de 21 ans. La lumière du pays niçois l’inspire pour toujours, tout autant que les violences vécues à l’adolescence. Il s’engage dans des études d’arts plastiques en 1994 au sein de la Villa Thiole à Nice, puis aux Beaux-Arts de Toulon de 1996 à 2000. À cette époque, il montre son travail dans différents lieux du Sud de la France et son trait se libère sous l’influence d’une exposition sur Freud et Bacon et du film Basquiat par le peintre Julian Schnabel qui selon lui «élève le graffiti et l’immédiateté au rang d’art « légitime »». S’ensuit un cursus de 3 ans à la HEAD de Genève, dans l’atelier de Peter Roesch, et plusieurs expositions en Suisse, où il s’installe définitivement dans les années 2000. Depuis lors, ses créations évoluent en parallèle d’une activité dans le prêt-à-porter de luxe. » Céline Muzelle

Source : https://www.henrichartier.com