SALVATORE ARANCIO, PIERO GILARDI, ABRAHAM POINCHEVAL, ROCK GARDEN, GALERIE SEMIOSE PARIS

SALVATORE ARANCIO, PIERO GILARDI, ABRAHAM POINCHEVAL, ROCK GARDEN, GALERIE SEMIOSE PARIS

Adieu « Catégories » : ici, les règnes et les domaines s’entremêlent et se confondent pour donner lieu à des formes hybrides, à la fois inquiétantes et séduisantes, au croisement du naturel et de l’artificiel, de l’humain et du non-humain, de la science et de l’ésotérisme. Soit trois artistes que réunit un certain tropisme pour des « devenirs-autre » et une approche holistique du monde, faite de réseaux infinis d’interdépendances entre les êtres et les choses.
À commencer par Piero Gilardi, l’un des fondateurs de l’Arte Povera. Chez lui, nul retour à une vie prétendue brute et sauvage, mais au contraire l’invention d’une nature artificielle, toujours déjà informée par la culture. Ainsi de ses célèbres imitations de morceaux de nature en mousse polyuréthane peinte, dont fait partie l’arbre fléchissant intitulé « Poiesis » (2004), mais aussi de ses dessins de paysages bucoliques comme trempés dans des substances hallucinogènes. Si la collusion du champêtre et de l’industriel peut ici paraître quelque peu toxique, sinon catastrophique, les choses sont plus ambigües pour l’artiste, adepte d’une pensée post-humaniste, celle de l’hybridation de tous les phénomènes, aussi bien naturels, humains, animaux que technologiques.
Il s’agit là d’une « vision systémique de la vie 1» qui semble également innerver la pratique de Salvatore Arancio, située entre science, mythologie et mysticisme. C’est du moins ce que donnent à penser ses sculptures en céramique, inspirées par des grottes de cristaux géants situées au Mexique et par un phénomène géologique des îles d’Hawaï, où des arbres ont été recouverts par une coulée de lave au XVIIe siècle. Enduites d’émail de couleurs pastel et acidulées, leurs formes ambigües évoquent à la fois des stalagmites, des totems phalliques et d’étranges champignons, dans une sorte de fusion des éléments et de transmutation des matières propre à l’alchimie.
Une manière de faire passer des entités a priori antinomiques les unes dans les autres qui n’est pas sans lien avec les performances d’Abraham Poincheval. Ainsi, par exemple, pour « Gyrovague, le voyage invisible » (2011), l’artiste a poussé sur trois cents kilomètres un cylindre métallique qui lui servait à la fois d’abri et de camera obscura, enregistrant l’image des paysages parcourus comme s’il s’agissait d’une « épopée cosmique dans une espèce de véhicule extraterrestre 2». Dans un autre registre, l’artiste a également entrepris des voyages « à la vitesse du minéral 3», enfermé à l’intérieur d’une pierre calcaire dont le centre était creusé pour épouser sa silhouette (« Pierre », 2017), ou encore assis durant une semaine dans un trou de soixante centimètres de diamètre dont l’entrée était bouchée par un rocher (« 604800s », 2012). Autant de façons de repousser ses limites physiques et mentales, tout en se mettant à l’épreuve de conditions d’existence non-humaines.

Texte de Sarah Ihler-Meyer pour galerie Semiose Paris –  janvier 2018.

 

1 Entretien entre Piero Gilardi, Stéphane Corréard et Timothée Chaillou, Particules n°26, octobre-décembre 2009
2 Thomas Schlesser, « Abraham Poincheval, l’Humanité en suspens », Abraham Poincheval, Palais de Tolyo, Paris, 2017
3 Entretien entre Abraham Poincheval et Adélaïde Blanc, Abraham Poincheval, Palais de Tokyo, Paris, 2017

 

INFOS PRATIQUES
http://agenda-pointcontemporain.com/exposition-06-01-▷-17-02-rock-garden-semiose-galerie-paris/

 


Piero Gilardi
Né en 1942 à Turin

Vit et travaille à Turin

Abraham Poincheval
Né en 1972.

Vit et travaille à Marseille

Salvatore Arancio
Né en 1974.

Vit et travaille à Londres

 

Vue de l'exposition Rock Garden Semiose Galerie Paris. Photo : A. Mole
Vue de l’exposition Rock Garden Semiose Galerie Paris. Photo : A. Mole

 

Vue de l'exposition Rock Garden Semiose Galerie Paris. Photo : A. Mole
Vue de l’exposition Rock Garden Semiose Galerie Paris. Photo : A. Mole

 

Visuel de présentation : Vue de l’exposition Rock Garden Semiose Galerie Paris. Photo : A. Mole