Miguel LOYOLA – RÉSIDENCE #53 USINE UTOPIK

Miguel LOYOLA – RÉSIDENCE #53 USINE UTOPIK

Les œuvres de Miguel Loyola sont belles. Mot presque proscrit dans le monde de l’art aujourd’hui. Souvent conceptuelles, les installations, notamment lorsqu’elles ne sont pas destinées à durer, ne sont qu’une étape formalisée et non un aboutissement. Mais les sculptures de ce jeune artiste mexicain, qui portent sa « signature » sans qu’il soit besoin de la préciser autrement, parlent de raison, de travail, de rigueur, d’harmonie et d’équilibre, suspendues ou reposant à terre comme les « mobiles » et les « stabiles » de Calder, avec le « je ne sais quoi » qui leur confère poésie, sensualité et humanité.

Il y a quelques années, Miguel Loyola consacrait plutôt son art à l’observation des sentiments et des comportements humains, souvent contradictoires. Il dénonçait, notamment, les violences qui secouent encore la vie quotidienne de son pays. Les petits volumes géométriques qu’il rassemble dans une structure complexe pouvaient être la métaphore de ce dialogue continu entre des forces contraires. L’artiste apporte à son travail une part poétique, parfois fantastique : dans une œuvre d’une grande beauté formelle, l’artiste oppose une expansion entropique de la matière à la hiératique présence organique de deux grandes ailes déployées, forme de « chaos ailé »; parfois morbide comme ces brouettées de crânes ou encore ces membres de « poupées » en céramique, enchevêtrés en un sinistre bouquet… La mort est présente au quotidien dans la culture mexicaine, jusque dans ses fêtes. Il délivre encore un message de compassion et d’espoir après les attentats terroristes de 2015 en envoyant dans les pays concernés, grâce à son réseau internet, un coeur sculpté…

Plus récemment, si ses créations sont dans la continuité de sa démarche plastique (de petits volumes géométriques assemblés autour de tiges de bois ou de métal) , le sujet s’est déplacé. L’artiste, bien au-delà de l’Homme, interroge les origines de l’Univers, s’intéressant depuis longtemps aux hypothèses (encore) contradictoires proposées par les philosophes et les scientifiques depuis l’Antiquité. L’explosion originelle, le « big bang », semble être un thème récurrent tant ses « structures » parlent d’expansion et génèrent l’idée de la présence ou non d’un « vide » intégral . Bien avant lui les artistes se sont penchés sur le concept du vide et de « l’occupation de l’espace », thème aussi poétique que philosophique, religieux, métaphysique ou scientifique ! Oteiza, le grand sculpteur basque, passa les cinquante dernières années de sa vie à explorer l’idée dans ses Boîtes métaphysiques.

Les formes harmonieuses des sculptures éphémères de l’artiste sont désormais dénuées de toute expressivité. Eléments de passage dans l’espace dépendant du hasard, elles ne sont là que pour l’altérer, semblant isoler un vide aléatoire alors qu’elles ne feraient que le cerner : en s’installant dans des lieux différents, la sculpture« visible» enferme un espace supposé vide, en réalité chargé aussi de l’histoire du lieu. À l’Usine Utopik, Miguel Loyola, après une étude systématique des éléments de sa « sculpture » temporaire par le dessin puis la construction de maquettes en volume, introduit l’une d’elles dans une réplique de l’Usine Utopik à petite échelle. Une fois l’œuvre définitive réalisée, elle sera suspendue dans l’angle adéquat : là, l’artiste tient compte d’une donnée particulièrement importante, la fonction de la lumière du jour, qui, à partir des verrières, plus ou moins obstruées, s’introduit dans les interstices et les espaces « non occupés », et apporte une autre vision de l’œuvre qui s’ajoute à l’histoire du lieu elle-même, une ancienne serre horticole… Les spectateurs eux-mêmes font partie intégrante de l’installation en occupant une partie de l’espace, puisque celui-ci est aussi bien la partie non matérialisée de la sculpture, son espace interne ou externe. Après son temps de présence, elle sera détruite, telle une boîte vide : une photo en gardera la mémoire, trace du parcours fugace de sa courte existence.

Texte Odile Crespy © 2018 Usine Utopik

Visuel de présentation : Miguel Loyola, Expérimentation du vide/ Le manoir de l’ours, installation, 2018 © Usine Utopik

 

Infos pratiques

13/07▷26/08 – MIGUEL LOYOLA ET YOUNGDON JUNG – DE L’AIR – USINE UTOPIK TESSY-BOCAGE

USINE UTOPIK
Centre de création contemporaine

Relais culturel régional

Route de Pont-Farcy – 50420 Tessy-Bocage 
Accès libre – merc, sam et dim de 14h30 à 18h

02 33 06 01 67

www.usine-utopik.com

 


Miguel Loyola
Né en 1986 à Querétaro (Mexique)
Vit et travaille à Querétaro

www.miguelloyola.com

 

Miguel Loyola, Expérimentation du vide/ Mourocq de Bas, installation, 2018
Expérimentation du vide/ Mourocq de Bas, installation, 2018