HUGO AVIGO, COLD OPEN

HUGO AVIGO, COLD OPEN

Vue de l’exposition Cold Open, Hugo Avigo, GALERIE CHLOE SALGADO, 2021 – Photo © Gregory Copitet

EN DIRECT / Exposition Cold Open de Hugo Avigo,
jusqu’au 13 février 2021, Galerie Chloé Salgado Paris
par Katia Porro 

 « Les choses ne m’ont pas attendu pour avoir leur signification. La signification s’inscrit objectivement dans la chose : il y a du fatigant, par exemple, et c’est tout. Ce gros soleil rond, cette route qui monte, cette fatigue au creux des reins. Moi je n’y suis pour rien. Ce n’est pas moi qui suis fatigué. Moi je n’invente rien, je ne fais rien venir au monde, je ne suis rien, pas même un néant, surtout pas : rien qu’une expression. Je n’accroche pas sur les choses mes petites significations. L’objet n’a pas une signification, il est sa signification : du fatigant. »1 

C’est ainsi que Gilles Deleuze commence son article, non pas sur la fatigue, mais sur la féminité. En parlant de son propre épuisement venant de nulle part, n’ayant rien à voir avec son objet d’analyse, il nous propose un ‘cold open’ (ouverture à froid, ou séquence teaser), une tactique narrative utilisée à la télévision et au cinéma consistant à amener le.la spectateur.trice au beau milieu d’une intrigue, ou encore, à raconter une histoire indépendante de la narration. 

Pour son exposition personnelle à la GALERIE CHLOE SALGADO, Hugo Avigo nous offre également un ‘cold open’. Mais ici, le soleil est carré, la route qui monte nous échappe, et le creux des reins est transporté au milieu d’un coeur. Décoratives de l’ordre du pop, et inquiétantes de l’ordre de l’absence, les oeuvres d’Avigo nous basculent dans une histoire qui ne fut jamais, une narration sans début ni fin, un ‘cold open’ à l’ambiguïté et au doute. 

Il ne faut pas aller chercher plus loin la signification des choses ici présentes – couchers (ou levers ?) de soleil, ascenseurs – car elles évoquent quelque chose d’intangible : un état liminal et transitoire, le seuil de quelque chose. La fatigue ? Peut-être. Ou une oscillation entre l’optimisme et scepticisme. Mais ce qui est en jeu, c’est la fugacité – qu’il s’agisse d’une évasion en mer, de l’embarquement pour un voyage dans le sommeil, de la montée ou de la descente, ou encore, d’un amour avant qu’il ne soit advenu. 

L’on retrouve cette même fugitivité dans les gestes. Les toiles s’échappent de leurs formes habituelles, le soleil de la sienne, laissant donner l’impression que le créateur de ces scènes à la fois « feel-good » – avec leurs palettes de couleurs qui rappellent les dégradés lumineux des couchers de soleil – et troublantes – avec leurs formes vertigineuses, à la limite de l’abstraction – se prépare pour une folle aventure, ou un déplacement désespéré. 

L’incertitude fatigue. Rêvons donc d’un ‘cold open’ qui pourrait nous réchauffer, nous bercer à l’heure du crépuscule, sans se demander où nous sommes, ni quand ce sera fini. 

1 Gilles Deleuze, « Description de la femme, Pour une philosophie d’autrui sexuée », Poésie 45, Paris, Pierre Seghers, 1945, p. 29.

Katia Porro

Closing Credits, Hugo Avigo, Fibre de bois, laque polyuréthane, acrylique, toile de lin et cuivre, 54 x 69 x 3 cm, 2021, GALERIE CHLOE SALGADO - Photo © Gregory Copitet
Closing Credits, Hugo Avigo, Fibre de bois, laque polyuréthane, acrylique, toile de lin et cuivre, 54 x 69 x 3 cm, 2021, GALERIE CHLOE SALGADO – Photo © Gregory Copitet
Collateral, Hugo Avigo, Fibre de bois, PMMA, laque polyuréthane et acrylique. 61,5 x 111,5 x 3,5 cm, 2021, GALERIE CHLOE SALGADO - Photo © Gregory Copitet
Collateral, Hugo Avigo, Fibre de bois, PMMA, laque polyuréthane et acrylique. 61,5 x 111,5 x 3,5 cm, 2021, GALERIE CHLOE SALGADO – Photo © Gregory Copitet
Hey Moon, Hugo Avigo, Fibre de bois, contre-plaqué, PMMA, paillettes métallisées, laque polyuréthane et inox, 55,5 x 22 x 21,5 cm, 2021, GALERIE CHLOE SALGADO - Photo © Gregory Copitet
Hey Moon, Hugo Avigo, Fibre de bois, contre-plaqué, PMMA, paillettes métallisées, laque polyuréthane et inox, 55,5 x 22 x 21,5 cm, 2021, GALERIE CHLOE SALGADO – Photo © Gregory Copitet
How to Train Yourself to Think Differently and Permanently Rewire Your Brain, Hugo Avigo, Fibre de bois, PMMA, laque polyuréthane et acrylique, 59 x 40,5 x 3 cm, 2021, GALERIE CHLOE SALGADO - Photo © Gregory Copitet
How to Train Yourself to Think Differently and Permanently Rewire Your Brain, Hugo Avigo, Fibre de bois, PMMA, laque polyuréthane et acrylique, 59 x 40,5 x 3 cm, 2021, GALERIE CHLOE SALGADO – Photo © Gregory Copitet
Try Your Luck On The Suspended Light 2, Hugo Avigo, Contre-plaqué, sable, acrylique, laque polyuréthane, acier, fer à béton, cordons de cotton ciré et anneaux en inox, dimensions variables, 2021, GALERIE CHLOE SALGADO - Photo © Gregory Copitet
Try Your Luck On The Suspended Light 2, Hugo Avigo, Contre-plaqué, sable, acrylique, laque polyuréthane, acier, fer à béton, cordons de cotton ciré et anneaux en inox, dimensions variables, 2021, GALERIE CHLOE SALGADO – Photo © Gregory Copitet

HUGO AVIGO – BIOGRAPHIE
Né en 1988, Hugo Avigo vit à Paris et travaille au sein des ateliers de l’Orfèvrerie à Saint-Denis. Après un diplôme à la Central Saint Martins School à Londres en 2011, Hugo Avigo sort diplômé de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris avec les félicitations du jury en 2015. 

Dès lors, il développe une pratique audacieuse jouant sur une exagération maîtrisée des codes de la sculpture, de la peinture et de l’installation. Ses oeuvres, à l’échelle souvent extravagante, habitent l’espace de façon inattendue et viennent bousculer nos idées préconçues sur les corps et leurs pesanteurs, les lieux et leurs fonctions, et plus généralement, sur la représentation, afin de déstabiliser notre perception du quotidien. 

Il présente sa première exposition personnelle, European Painter Tour, dans l’artist-run space Tonus, à Paris en 2017. En 2018, il co-curate la première édition de Feÿ, Rencontres d’Arts, au Château du Feÿ à Villecien, et en décembre 2020, il présente Le syndrome du sommier à Poush à Clichy, une projet soutenu par la Région Île-de-France dans le cadre du dispositif (FoRTE). Parmi ses expositions collectives, on retient notamment sa participation à Rêvez ! #2, à la Collection Lambert en Avignon (2017), à la foire d’art contemporain Paris Internationale au côté de Tonus (2017), à So Close à la galerie Guido Romero Pierini (2020), à Your Friends and Neighbors à la galerie High Art (2020), et plus récemment à La Totale, au Studio Orta – Les Moulins (2020). 

http://hugoavigo.com