VERENA LOEWENSBERG, Rétrospective

VERENA LOEWENSBERG, Rétrospective

Verena Loewensberg, Sans titre, 1972. Huile sur toile79 x 157 cm. coll. particulière

EN DIRECT / Exposition Rétrospective de Verena Loewensberg organisée par Lionel Bovier
jusqu’au 19 juin 2022, MAMCO Genève

Verena Loewensberg
Nuanc·i·er

par Clare Mary Puyfoulhoux

« Elle ne doit rien recevoir des données formelles de la nature, ni de la sensualité, ni de la sentimentalité. » Manifeste pour l’art concret, 1930, Carlsund, Doesbourg, Hélion, Tutundjian, Wantz

On a décidé elle, minoritaire absolue, et on dit : femme du mouvement des concrets, l’une des quatre de Zurich, gagnant sa vie dans l’import musical, écoute du jazz, possède un jukebox. Parce qu’elle n’avait pas jusque-là eu de rétrospective francophone parce qu’elle fait queue de comète parce qu’elle peint et que ce n’est pas, matériellement, toute sa vie. On dit : au-delà de la grille, complètement le motif, quelque chose explosé. Évidemment, le rythme. De 1936, date de sa première huile concrète1, jusqu’à la fin, s’agence une constellation de points qui peuvent être peu et qui sont partition à partir de laquelle la main s’emploie à placer la couleur. D’emblée cela de la gamme chromatique qu’elle n’est pas vulgaire, qu’elle n’est pas préconçue. 

L’accrochage au MAMCO* situe sans cadrer. 

Il y a des salles, qui sont celles du bâtiment, qui rappellent son histoire extra-artistique (siège de la Société Genevoise des Instruments de Physique jusqu’en 1989). Il y a un plateau de musée, au premier étage du MAMCO, à travers lequel se déploie l’exposition de Verena Loewensberg, voyage qui mène aux vingt dernières années de sa vie qui seront recherche tendue et subtile de rythme dans des formats qui sont les mêmes, qui sont la transition, le contraste. Qui sont, indéniablement, le déploiement. A chaque fois, et à cause des points qui sont l’entrée dans la toile, à cause de l’huile, tout est faux : les lignes, les bords, la mécanique, l’agencement, partout la main se trahit, semble se plaire à cela. Partout la formule pour déjouer, le cadre pour l’animer. C’est un vertige, d’abord, mais un vertige ouaté, à cause de l’huile, à cause des teintes qui ne sont pas des couleurs. C’est un vertige si fort qu’elle invente la toile-tige (comment nommer autrement ces formats élancés qu’elle conçoit pour explorer la torsion ?). 

Des efforts pour la rattacher. Citons, Mondrian, citons Albers, citons le Bauhaus, citons Max Bill – partout rôde le fantôme de Paul Klee. 

C’est un art, s’il est savant, s’il est calcul, s’il est forme, est un jeu. C’est un bonheur à confronter. Il y a à dire, manifeste : une femme qui peint comme on tisse. Entendre : ne réduire en rien. Reprendre : il y a à dire, manifeste « une femme qui peint comme on vit ». Entendre : accompagner le geste (le juke box dans l’espace du musée, s’il situe et illustre un peu frontalement une activité – trop souvent minorée – mercantile, permet surtout de comprendre ce que les œuvres ont gagné d’être arrachées à une vie déjà pleine).

Cela est une exposition post-mortem, retour sur une chose définitivement passée. Cela sait : que nous ne sommes pas au tombeau, et qu’il s’agit de penser. Serait ici à dire l’importance du musée, sa chance. 

1 En 1936, j’ai commencé à peindre des tableaux concrets et je n’ai pas arrêté depuis » https://www.lemonde.fr/culture/article/2021/05/19/en-images-au-centre-pompidou-les-femmes-dans-l-histoire-de-l-abstraction_6080770_3246.html

Clare Mary Puyfoulhoux
membre AICA-France
comité de rédaction Possible
rédaction en chef du B!B!
also takes pictures
also shoots pictures
all narratives are good
really

* Que l’on doit à la pertinence de Lionel Bovier – directeur du musée et auteur des nécessaires propos suivants : « Il faut se souvenir qu’avant d’être une structure patrimoniale se débattant avec des figures du divertissement ou (…) un instrument de « démocratisation inclusif et polyphonique », le musée est un lieu de recherche. En ce sens, il a plus à voir avec l’université ou le laboratoire que le domaine des loisirs ou du tourisme – n’était-ce qu’il présente ses réflexions aux publics sans discrimination académique ni vulgarisation. Et, plutôt que de proposer des interactions ou des formes de participation sur le mode de la simulation, il entend promouvoir une forme « d’actionnalité » (agency) du visiteur, en livrant non seulement les résultats mais également le contexte de sa recherche, en toute transparence de ses outils. »
https://www.mamco.ch/fr/1829/2022

Avec le soutien de la Stanley Johnson Stiftung, de la Ernst Göhner Stiftung et de la Georg et Josi Guggenheim Stiftung

Exposition Rétrospective de Verena Loewensberg organisée par Lionel Bovier jusqu'au 19 juin 2022, MAMCO Genève
Exposition Rétrospective de Verena Loewensberg organisée par Lionel Bovier jusqu’au 19 juin 2022, MAMCO Genève
Exposition Rétrospective de Verena Loewensberg organisée par Lionel Bovier jusqu'au 19 juin 2022, MAMCO Genève
Exposition Rétrospective de Verena Loewensberg organisée par Lionel Bovier jusqu’au 19 juin 2022, MAMCO Genève
Verena Loewensberg (1912-1986) Sans titre, 1974 huile sur toile 60 x 60 cm coll. particulière
Verena Loewensberg (1912-1986) Sans titre, 1974 huile sur toile 60 x 60 cm coll. particulière
Exposition Rétrospective de Verena Loewensberg organisée par Lionel Bovier jusqu'au 19 juin 2022, MAMCO Genève
Exposition Rétrospective de Verena Loewensberg organisée par Lionel Bovier jusqu’au 19 juin 2022, MAMCO Genève
Verena Loewensberg (1912-1986) Sans titre, 1966 huile sur toile 225 x 41 cm coll. particulière
Verena Loewensberg (1912-1986) Sans titre, 1966 huile sur toile 225 x 41 cm coll. particulière