Nature contre nature, Julia Gault et Morgane Porcheron

Vue d’exposition Nature contre nature de Julia Gault et Morgane Porcheron à La plus petite galerie du monde (OU PRESQUE) à Roubaix
Photo Florence-Traullé
EN DIRECT / Exposition Nature contre nature de Julia Gault et Morgane Porcheron à La plus petite galerie du monde (OU PRESQUE) à Roubaix jusqu’au 23 novembre 2019
par Clotilde Boitel, commissaire de l’exposition
Le titre « Nature contre nature » évoque à la fois l’ensemble du milieu terrestre constitué par le relief, le sol, le climat, l’eau, la végétation et l’action de l’homme sur les écosystèmes. De nos jours, la nature ne peut plus être considérée comme un fragment de paysage, un objet observable de l’extérieur ou comme une image que l’on dépeindrait. La nature est l’objet de connections à la fois dépendantes et interdépendantes d’influences humaines, organiques, vivantes et autres. L’humain est devenu une composante de cette nature et n’en est plus le centre. On n’oppose plus « nature » et « culture ». Touché par les dérèglements climatiques et les diverses pollutions, le monde dans lequel on vit a changé.
L’activité humaine aurait atteint un tel degré de développement, impactant l’écosystème terrestre, qu’une nouvelle ère géologique se serait développée : l’Anthropocène. Depuis l’émergence de ce concept, un autre terme est apparu : le Capitalocène, qui prend comme point de départ l’idée que le capitalisme serait le principal responsable des désordres et déséquilibres environnementaux actuels.
Aujourd’hui de nombreux artistes, attentifs au devenir de la planète, donnent forme à de nouvelles configurations du réel en prenant en considération et pour objet d’étude les interférences et actions de l’homme sur la nature.
Dans cette dynamique, deux jeunes artistes Julia Gault et Morgane Porcheron, chacune diplômée en 2016, respectivement par l’ENSAD et l’ENSBA, orientent leur démarche artistique et leurs recherches plastiques vers ces questions environnementales.
Pour Julia Gault, l’homme a le pouvoir d’élever, de construire, mais aussi de détruire. La nature, quant à elle a le pouvoir de croître, de nourrir, mais aussi d’engendrer des cataclysmes. Ce qui intéresse l’artiste, c’est le point de rupture entre équilibre et déséquilibre ; tenir debout, c’est être vivant, résister. La verticalité donnée par l’attraction terrestre sert de point de départ aux œuvres qui défient la pesanteur, finissent par s’effondrer ou s’affaisser, mettant en scène des catastrophes naturelles : éboulements de terrain, crues, inondations, sécheresses, incendies… Narratrice, Julia Gault invente des situations éclairant l’absurdité humaine : éviter une inondation en créant un barrage de sacs d’eau par exemple(Prendre l’eau /2019) ! Elle choisit la démonstration comme mode de réalisation artistique en associant et additionnant, l’eau à la terre crue, le feu au paysage, l’eau à la construction. L’artiste, en concevant des paysages instables, des situations précaires, nous donne à voir très concrètement la fragilité de notre terre, notre univers.
Morgane Porcheron, quant à elle, analyse, expérimente, souvent à partir de collectes dans son proche environnement ou en utilisant des images photographiques. Ensuite, elle engendre des situations nouvelles mettant en scène des matériaux de construction comme le béton cellulaire, le plâtre, l’acier, le fer qu’elle confronte à la terre crue, des graines, des végétaux. Elle élabore des connections entre les réalisations de l’homme et les réactions de la nature sur celles-ci, effets pouvant mener jusqu’à la ruine toute construction humaine. La nature fabriquée par l’artiste semble parfois incongrue comme ce béton cellulaire devenu terreau fertile (Les sauvages / 2019). Dans ce sens, Morgane Porcheron développe des recherches antinomiques, un peu comme un chercheur ou un sorcier, inversant les propriétés de la nature et de l’artificiel, créant des duels ou des duos pouvant aboutir à l’osmose. La nature, est traduite comme capable d’intégrer, d’ingurgiter, d’absorber les fabrications humaines ; elle dépasse l’homme !
Clotilde Boitel
« Si la peinture est peinture avant tout et la poésie, poésie, tous les arts, quels qu’ils soient, ne nous intéressent en définitive que dans la mesure où ils nous parlent de l’homme et de son destin » Claude Roger Marx (citation extraite de « Les frères voyants, anthologie des écrits sur l’art – Paul Eluard – 1952 »)

Bâche imprimée, tubes de cuivre Dimensions variables Pièce unique
Photo Caroline Robe

Terre vivante 70 x 230 x 160 cm Pièce unique
Photo Caroline Robe

Plâtre et treillis métalliques 61,5 x 42 x 4,5 cm
Photo Florence Traullé

Photographies, matériaux divers 49 x 38 cm Photo Florence Traullé

Photo Clotilde Boitel

Photo Florence Traullé

Photo Caroline Robe