[FOCUS] Dominique Koch, Maybe We Should Rejuvenate the Words rather than the Bodies

[FOCUS] Dominique Koch, Maybe We Should Rejuvenate the Words rather than the Bodies

« Mes projets partent toujours d’idées assez théoriques ou philosophiques que j’essaye de traduire par des installations aux Settings sculpturaux dans l’espace. » Dominique Koch

Prenant comme point de départ la capacité d’une variété de méduses à se régénérer en continu, Dominique Koch discute, avec le sociologue Maurizio Lazzarato (« La Fabrique de l’homme endetté », « Gouverner par la dette ») et le philosophe Franco « Bifo » Berardi qui a notamment commenté les désastres dus au développement incontrôlé du capitalisme mondial, le phénomène d’une boucle infinie, afin d’analyser le modèle capitaliste financier qui régit notre société contemporaine et qui, au moment de chuter, trouve toujours un moyen de perdurer.

La méduse Turritopsis dohrnii a la particularité de pouvoir perpétuer indéfiniment sa durée de vie. Elle a, à l’approche d’un danger ou quand se termine son cycle de vie, cette propriété de retourner à un stade intermédiaire de polypes grâce à une fonction cellulaire spécifique et ainsi de retarder indéfiniment sa mort. Les scientifiques ont ainsi pu conserver des spécimens pendant près de deux ans et assister à 14 cycles de régénération. En condition optimale, ce phénomène pourrait être infini. Le scientifiques tentent de déterminer non sans difficultés quels sont les gènes ADN responsables de cette fonction cellulaire et en même temps les conditions ou facteurs qui pourraient les rendre inopérants.

L’artiste s’est appuyée sur cette idée assez théorique de boucle perpétuelle pour la porter par analogie sur d’autres terrains d’analyse et la confronter à d’autres recherches et discours, notamment dans le domaine social ceux de Maurizio Lazzarato, en faisant le parallèle avec notre système économique qui est capable, dans des conditions favorables, de se régénérer indéfiniment à l’approche de toute crise.

Dominique Koch s’est rendue au Japon dans le seul laboratoire capable cultiver ces méduses afin d’en réaliser un film Perpetual Operator (2016, HD video, sound, 19 min, loop) dans lequel elle a juxtaposé le discours du philosophe et les manipulations des méduses par les scientifiques. La première partie du film porte sur l’idée d’accumulation et de destruction continue qui fait continuellement vivre le système tandis que, dans la deuxième partie, Franco Benardi s’attache plus à une réflexion sur nos moyens d’action dans un système tel que nous l’avons construit.

Dominique Koch a conçu “Maybe We Should Rejuvenate the Words rather than the Bodies”, une installation sous la forme d’un laboratoire. Un flacon de formol contenant une méduse est posé sur un module central duquel part tout un réseau de câbles et de tuyauteries sur lesquels est gravée la séquence ADN de l’animal. Un réseau complexe qui échappe au regard, se poursuit au travers de multiples ramifications et qui semble porteur d’un flux continu d’informations qui alimente des enceintes.
Ces circuits évoquent tout autant les flux de marchandises, les flux financiers, réseaux d’influences et plus globalement les différents circuits économiques, occultes ou visibles, qui alimentent tout le système économique mondialisé.

Lors de la présentation de son dispositif à l’espace d’art RINOMINA, l’artiste a invité le poète et musicien japonais Seijiro Murayama a faire une interprétation vocale improvisée du code ADN de la méduse Turritopsis dohrnii dont l’enregistrement a été diffusé en boucle tout au long de l’exposition. La performance DNA Poetry Reading marque la volonté de l’artiste de répondre au propos de Franco Berardi considérant que la seule issue possible pour sortir du capitalisme financier serait la poésie. Ainsi interprété par le poète, le code ADN, aussi abscons que les fondements sur lesquels s’appuie notre économie, acquiert une plasticité et même, par la dimension corporelle et vocale, une échelle humaine.

Texte Point contemporain © 2017

 

Dead Immortal Jellyfish. Detail view at Rinomina Paris, 2016. Photo: Quentin Dubret.
Dead Immortal Jellyfish. Detail view at Rinomina Paris, 2016. Photo: Quentin Dubret.

 

Maybe We Should Rejuvenate the Words rather than the Bodies. Installation view at Rinomina Paris, 2016. Photo: Quentin Dubret.
Maybe We Should Rejuvenate the Words rather than the Bodies. Installation view at Rinomina Paris, 2016. Photo: Quentin Dubret.

 

Partial Sequences II. Detail view at Rinomina Paris, 2016. Photo credit: Quentin Dubret
Partial Sequences II. Detail view at Rinomina Paris, 2016. Photo credit: Quentin Dubret

 

Dominique Koch
Née en 1983 à Lucerne. Vit et travaille à Bâle.
A étudié à l’2cole des Arts Visuels de Leipzig (2004 – 2011).

www.dominiquekoch.com