DOCUMENTA 14 ATHENES – CHAP. 4 Hors les murs

DOCUMENTA 14 ATHENES – CHAP. 4 Hors les murs

Moyra Davey, Portrait Landscape, Installationview EMST National Museum of Contemporary Art, Athènes Documenta 14. Photo Mathias Völzke.

EN DIRECT / DOCUMENTA 14 ATHENES – CHAP. 4 Hors les murs

DANS LE CADRE DE « PERSPECTIVES SUR L’ART CONTEMPORAIN GREC »
PAR MARIA XYPOLOPOULOU

TOUT L’ÉTÉ RETROUVEZ SOUS FORME D’ÉPISODES HEBDOMADAIRES LE COMPTE-RENDU DE NOTRE CONTRIBUTRICE GRECQUE MARIA XYPOLOPOULOU SUR DOCUMENTA 14.

 
Un regard de l’intérieur porté par cette doctorante en art contemporain, en contact avec les artistes et autres professionnels locaux. Alors que le pays est en crise, que dire des propositions des promoteurs de l’art contemporain qui littéralement font d’un pays en ruine leur terrain de jeu, qui scénarisent dans un décor si authentique et si bienvenue, leurs propos sur le monde contemporain. Quelle distance peut avoir un discours quand il correspond si parfaitement à son contexte ? « Documenter » le monde est-il véritablement un geste artistique ? Qu’apporte la contextualisation au concept artistique ? Eléments de réponse avec Maria Xypolopoulou…
 

« Malgré les bonnes intentions de Adam Szymczyk, cette délocalisation de la 14ème Documenta, a parfois été perçue par les Grecs comme impérialiste, et n’a pas manqué de faire polémique comme le montre la biennale d’Athènes se déroulant simultanément qui est intitulé « en attendant les barbares… ». Certains ne manquant même pas de dénoncer une sorte de « tourisme de crise » et de parler de relents impérialistes et d’un néo-colonialisme culturel. » Maria Xypolopoulou

CHAP. 4 Hors les murs

Adam Szymczyk a fait le choix de ne pas enfermer cette 14ème édition de Documenta dans les seuls musées et autres institutions promettant de faire d’Athènes une ville ouverte sur l’art contemporain jusqu’au 16 juillet. Sur une quarantaine de sites, les nombreuses expositions parsèment la ville investissant tous les espaces disponibles : librairies, cinémas, espaces publics… 

Une balade dans la ville permet de découvrir Athènes comme une ville de contrastes avec beaucoup de maisons vides, abandonnées et tout autant de sans-abris. Maria Eichhorn transforme un bâtiment vide au centre d’Athènes en une « propriété à usage protégé de « sans usage » et donc sans droit aux droits de propriété exercés ». L’idée de cette œuvre Building as unowned property fait écho à l’absence de nation pour des milliers de réfugiés qui se trouvent actuellement dans des camps en Grèce. 

Un nouveau type d’habitat situé dans le Kurdistan irakien se trouve au centre du projet photographique One room apartment (2017) de l’artiste Hiwa K. Le bâtiment représente les mutations du style de vie, à l’origine très communautaire, qui sont survenues en Irak après la Guerre du Golfe avec l’avènement d’un nouvel ordre politique et de l’application de l’économie de marché mondiale. Des nouveaux modèles économiques qui ont transformé en profondeur la structure sociale provoquant la montée de l’individualisme et des modes de vie singuliers.

Athènes, comparée aux autres capitales occidentales, a une faible visibilité féministe, queer ou homosexuelle. La question du genre est abordée dans les différentes expositions de la manifestation allemande. Deux propositions se distinguent, la première est The portrait (2015) du groupe africain iQhiya qui évoque le traitement des femmes noires victimes de discrimination, et d’autre part, le projet poignant Landscapes (2017) de Moyra Davey montrant des photographies qu’elle avait pliées comme des enveloppes et envoyées de sa maison de New York aux curateurs de la Documenta à Athènes. 

Si toutes les pratiques artistiques, de la peinture et de la sculpture à l’installation sonore et spatiale, de la vidéo art et de la performance à l’art conceptuel, sont représentés dans cette 14e édition, la stratégie curatoriale de Szymczyk pour la dimension politique dans l’art est concrètement présente dans la sélection des peintures. Au Musée Benaki, les toiles expressives de Miriam Cahn font référence aux problèmes de l’immigration et des identités sexuelles. Dans les mêmes axes de recherche, se trouve le travail poétique du jeune artiste grec Andreas Ragnar Kassapis exposé au Conservatoire National.

Évoquer la crise actuelle des réfugiés semble être inéluctable dans Documenta 14. Certains artistes ici ont répondu poétiquement comme Peter Friedl qui filme une adaptation de scène du « Report to a Academy » de Kafka dans lequel le narrateur est joué par des acteurs et des non-acteurs de différentes races, langues et âges. 

Les cabanes en contreplaqué et les tentes pitoyables, inefficaces contre la pluie, sont des images fortes présentées dans Glimpse, le film muet de 20 minutes du polonais Artur Zmijewski, présenté  à l’École des Beaux-Arts d’Athènes. Certains réfugiés regardent la caméra. Une jeune fille sourit, tandis que son père regarde vers le bas. L’artiste entre dans le champ de l’objectif pour offrir un manteau à un réfugié. Au centre de l’histoire du film se trouve le camp de Calais, en France, connu pour abriter un grand nombre de migrants. 

Parmi les travaux les plus intéressants présentés se trouve le film Tripoli Canceled de l’artiste néo-zélandais Naeem Mohaiemen qui s’est installé sur un vieux 747 stationné à l’aéroport Hellenikon en ruine d’Athènes. Le pilote fait l’annonce du temps de vol, mais ne décolle jamais. Comme la myriade de migrants à Athènes dont les mouvements sont bloqués par la réglementation de l’Union Européenne, l’avion est bloqué en Grèce. 

Une autre vidéo, langoureuse, créée par les artistes britanniques Rosalind Nashashibi et Lucy Skaer, revisite les sites peints par Paul Gauguin à Tahiti, mais les femmes qu’ils filment n’attirent que rarement leur regard. Vivian’s garden (2016) met en question la façon de représenter les autres cultures de manière éthique.

Texte Maria Xypolopoulou © 2017 Point contemporain

 

Maria Eichhorn, Building as unowned property. Documenta 14. Courtesy Maria Eichhorn/VG Bild-Kunst, Bonn 2017. Photo Mathias Voelzke
Maria Eichhorn, Building as unowned property. Documenta 14. Courtesy Maria Eichhorn/VG Bild-Kunst, Bonn 2017. Photo Mathias Voelzke

 

iQhiya, The Portrait, 2016. Performance at Athens School of Fine Arts (ASFA) - Pireos street ("Nikos Kessanlis" Exhibition Hall, Documenta 14. Photo Stathis Mamalakis.
iQhiya, The Portrait, 2016. Performance at Athens School of Fine Arts (ASFA) – Pireos street (« Nikos Kessanlis » Exhibition Hall, Documenta 14. Photo Stathis Mamalakis.

 

 

 

Miriam Cahn, installation, 15 works on paper, Benaki Museum - Pireos street Annexe Athènes Documenta 14. Photo Stathis Mamalakis.
Miriam Cahn, installation, 15 works on paper, Benaki Museum – Pireos street Annexe Athènes Documenta 14. Photo Stathis Mamalakis.

 

Andreas Ragnar Kassapis, Things That Bend, 2017, Installation Athens Conservatoire (Odeion), Documenta 14. Photo Mathias Voelzke.
Andreas Ragnar Kassapis, Things That Bend, 2017, Installation Athens Conservatoire (Odeion), Documenta 14. Photo Mathias Völzke.

 

Mohaiemen Naeem, Tripoli cancelled (2017). Digital video, color, sound 1:28. Courtesy Mohaiemen Naeem and Experimenter Kolkata
Mohaiemen Naeem, Tripoli cancelled (2017). Digital video, color, sound 1:28. Courtesy Mohaiemen Naeem and Experimenter Kolkata