Le Grand bazar, Château d’Oiron

Le Grand bazar, Château d’Oiron

Jackie Kayser, Les Autruies, 1992 et Michel Blazy, Animaux en voie de disparition, 2000. Collection Antoine de Galbert, Paris. Photo : Julia Andréone

EN DIRECT / Exposition Le Grand bazar
Jusqu’au 3 octobre 2021, Château d’Oiron

par Pauline Lisowski

Le château d’Oiron accueille un cabinet de curiosités d’art contemporain, Curios & Mirabilia ainsi que d’autres œuvres qui s’inscrivent subtilement et en harmonie avec les éléments de décor de cette bâtisse édifiée au XVIe siècle. En 1993, Jean-Hubert Martin s’est inspiré du lieu pour proposer l’exposition « Mirabilia ». Il revient cette année à Oiron avec une exposition collective conçue à partir de la collection d’Antoine de Galbert1. Notre regard circule et se laisse happé par la profusion d’œuvres éclectiques, qui reflètent la sensibilité du collecteur passionné et avide de découvertes.

Jean-Hubert Martin se positionne en tant que maître de cérémonie en réunissant des artistes de différents horizons et leurs travaux artistiques de divers médiums. Celles-ci composent des atmosphères qui appellent au rêve ou à un voyage dans le temps. La collection d’Antoine De Galbert, qui fut récemment présentée à la Fondation Landerneau à l’occasion de l’exposition « Cabinets de curiosités »2 reflète l’esprit d’ouverture d’un passionné de créations provenant des différentes contrées. Les goûts du curateur et ceux du collectionneur se rejoignent ici pour une exposition qui réunit plus d’une centaine d’œuvres : Des objets de cultures populaires, des œuvres d’artistes émergents et de renommée internationale, d’autres des représentants de l’art brut, dialoguent ensemble pour nous ouvrir sur le monde. Ce goût pour la diversité des approches artistiques ravive la mémoire de l’humaniste Claude Gouffier, seigneur d’Oiron au XVIe siècle, qui a laissé la devise Hic Terminus Haeret inscrite sur les murs du château. Pour le curateur, le cabinet de curiosité est « un microcosme et un théâtre du monde, en quête de merveilleux, qui couvre tous les domaines. Il ne connaît pas la division en catégories de la connaissance qui s’est imposée au siècle des lumières. En ce sens, il répond aux aspirations des artistes qui veulent transmettre leurs sensations d’un monde en mutation qu’il est important de pouvoir appréhender dans sa totalité. »

Au fur et à mesure de la visite de ce lieu historique, des présences semblent l’habiter. Les œuvres sont inscrites dans une telle osmose et correspondance avec l’architecture qu’il est nécessaire de prêter attention aux cartels, et à chaque recoin afin de les déceler. Les choix artistiques des œuvres, ainsi mises en scène, font écho aux usages anciens des salles et ajoutent un mystère à celles-ci. Jean-Hubert Martin a privilégié « une recherche de la surprise et de l’émerveillement, toujours en accord avec le château, son décor et son histoire, dans la mesure où nous pouvons imaginer ce qu’était la vie d’un château ancien. »

Par endroit dérangeantes ou provoquant un certain enchantement, elles font surgir diverses réactions, parfois ambivalentes, chez le visiteur qui prend le temps de les regarder de près. Une nouvelle histoire contemporaine se découvre alors au fil du parcours. 

Les œuvres composent une exposition d’art contemporain où nous pouvons tisser de nombreux fils conducteurs et s’inventer de multiples histoires. Certaines nous incitent à nous arrêter un instant, à réfléchir à notre posture de spectateur et nous amènent à méditer sur les relations entre art et science. Notre perception s’affine au fur et à mesure de nos traversées des salles de ce château immense et grandiose. 

Des artistes sont présents dans les deux collections, Hubert Duprat, Markus Raetz, Wim Delvoye, Annette Messager, Christian Boltanski, Marina Abramovi, Bertrand Lavier, Nicolas Darrot… 

L’installation From here to ear de Céleste Boursier-Mougenot constitue une ode au vivant animal et nous convie à une attention aux réactions d’oiseaux vis-à-vis des sons d’instruments de musique.

Coup de cœur également pour les œuvres de Nicolas Darrot, pantins articulés et autres petites constructions qui s’animent lorsqu’on s’en approche. Des œuvres d’Hubert Duprat m’ont enchanté, un plaisir de retrouver son travail artistique à Oiron. La sculpture de Gerda Steiner & Jörg Lenzlinger rend hommage à une nouvelle nature. L’installation de Zilvanas Kempinas captive notre regard par son mouvement.

« Chaque période réinvente le passé en fonction de désirs et de nécessités. » telle est la réflexion que m’a livré Jean-Hubert Martin en réfléchissant à l’art contemporain dans les lieux de patrimoine. Au château de Oiron, les œuvres activent notre curiosité et nos envies de comprendre l’histoire de ce lieu tout en nous laissant surprendre par les émotions qu’elles provoquent. Cette exposition nous invite alors à une expérience visuelle quelque peu surprenante. Nous ressortons du château avec la tête remplie d’images et après avoir éprouvé tant de sensations qu’il faut ensuite pouvoir se poser et garder en mémoire ce qui nous a le plus marqué.

1 Fondateur de la Maison rouge à Paris.
2 A lire l’article sur l’exposition :

https://pointcontemporain.com/cabinets-de-curiosites-esprit-de-collectionneurs-et-de-lieux-de-collections/

Pauline Lisowski

Vestibule d’entrée, galerie des Portraits. Christian Boltanski, Les Écoliers d’Oiron, 1993-2000. Collection Cnap. Théo Mercier, Le Solitaire, 2010 et Gilles Barbier, La petite danseuse (Pawn), 2013. Collection Antoine de Galbert, Paris. Photo : Julia Andréone
Vestibule d’entrée, galerie des Portraits. Christian Boltanski, Les Écoliers d’Oiron, 1993-2000. Collection Cnap.
Théo Mercier, Le Solitaire, 2010 et Gilles Barbier, La petite danseuse (Pawn), 2013. Collection Antoine de Galbert, Paris. Photo : Julia Andréone
Céleste Boursier-Mougenot, From here to ear, 2009. Collection Antoine de Galbert, Paris. Photo : Julia Andréone
Céleste Boursier-Mougenot, From here to ear, 2009. Collection Antoine de Galbert, Paris. Photo : Julia Andréone
alle de la Peinture ultime. Claude Rutault, Niele Toroni, Intervention blanche pour les gris d’Oiron. Collection Cnap. Claude Rutault, Définition/méthode, diptyque Leroy/Rutault, 2011. Collection Antoine de Galbert, Paris. Photo : Julia Andréone
Salle de la Peinture ultime. Claude Rutault, Niele Toroni, Intervention blanche pour les gris d’Oiron. Collection Cnap. Claude Rutault, Définition/méthode, diptyque Leroy/Rutault, 2011. Collection Antoine de Galbert, Paris. Photo : Julia Andréone
Salle d’Armes. Daniel Spoerri, Corps en morceaux, 1993 et Fauteuils de John M. Armleder, Furniture-Sculpture FS 270, 1993. Collection Cnap. Benoit Huot, Shaman à tête de cerf, 2011, Benoit Huot, Tête de taureau, 2012, Thomas Grünfeld, Misfit (mouton-autruche), 1998, Christophe Touzot, Crash test - 2, 2000 et Ben, J’aime pas jeter, 2015. Collection Antoine de Galbert, Paris. Photo : Julia Andréone
Salle d’Armes. Daniel Spoerri, Corps en morceaux, 1993 et Fauteuils de John M. Armleder, Furniture-Sculpture FS 270, 1993. Collection Cnap.
Benoit Huot, Shaman à tête de cerf, 2011, Benoit Huot, Tête de taureau, 2012, Thomas Grünfeld, Misfit (mouton-autruche), 1998, Christophe Touzot, Crash test – 2, 2000 et Ben, J’aime pas jeter, 2015. Collection Antoine de Galbert, Paris. Photo : Julia Andréone
Wim Delvoye, Sans titre (Rabbit Slippers), 2005. Collection Antoine de Galbert, Paris. Photo : Julia Andréone
Wim Delvoye, Sans titre (Rabbit Slippers), 2005. Collection Antoine de Galbert, Paris. Photo : Julia Andréone
Stéphane Thidet, Rencontre, 2019. Collection Antoine de Galbert, Paris. Photo : Julia Andréone
Stéphane Thidet, Rencontre, 2019. Collection Antoine de Galbert, Paris. Photo : Julia Andréone