[PORTRAIT] LIONEL SABATTE
![[PORTRAIT] LIONEL SABATTE](https://pointcontemporain.com/wp-content/uploads/2015/10/Banquise-Lionel-Sabatte-portrait-pointcontemporain.jpg)
« Certaines formes sont reconnaissables sans pouvoir en déterminer la nature, qu’elle soit animale, minérale, microbienne… L’important est que l’on ressente le lien avec le vivant. » Lionel Sabatté
Si les œuvres de Lionel Sabatté mettent au défi les codes de la peinture traditionnelle et le « confort » visuel que le spectateur est habitué à en retirer, celles-ci nous replongent également à l’époque des cabinets de curiosité. Constituant le cœur de plusieurs de ses œuvres et utilisés en tant que médiums, les éléments organiques font en effet partie intégrante du travail de l’artiste. Peaux mortes, ongles, cheveux…, ils sont ces outils naturels qui permettent de créer ce que l’on nommait au XVIème siècle les artificialias, littéralement des objets produits par l’Homme.
Contrairement à cette époque où ils étaient distingués des naturalias, l’artiste opère dans ses œuvres une rencontre entre nature et artifice, et tout à la fois entre mort et résurrection, instant présent et intemporalité. Les huiles sur toile de Lionel Sabatté nous évoquent ainsi des univers fantastiques et organiques, sorte de cosmogonie propre à l’artiste. L’aspect tantôt liquide, tantôt solide des éléments de la représentation vivifient ces formes et confèrent à la toile une dimension presque minérale.
Les Loups de poussière, les Figures féminines faites de cheveux, ou bien encore les Papillons constitués d’ongles et peaux mortes, frappent quant à elles par leur apparente fragilité. Par l’utilisation de ces matériaux, Lionel Sabatté évoque dans ses œuvres sur papier comme dans ses sculptures des notions de chute, de renouveau, d’éphémère, et de cycle. S’en dégage alors un rapport au temps particulier, dans lequel l’artiste abolit la part de négativité qui lui est habituellement associée.
Le travail de Lionel Sabatté est en effet l’occasion de suggérer la présence de l’Homme tout autant que sa disparition, en le réconciliant avec les éléments de son organisme qu’il rejette par usage. L’art devient alors cette revanche sur la société et sur tout ce qu’elle laisse de côté par la seconde vie offerte à ces déchets de l’organisme, sorte de reflets de nos mœurs mais aussi de nos craintes. Eléments organiques mais aussi matériels obtiennent alors une force nouvelle une fois rassemblés. La poussière devient meute de loups, les pièces de un centime engendrent une créature inquiétante, faisant ainsi de la multiplicité une notion clé du travail de l’artiste et un moyen pour lui de s’interroger sur le corps social et de le réinventer.
« Je travaille sur le groupe avec cette idée de représenter le corps social. Hormis pour le serpent, je compose généralement des populations et forme un troupeau, une meute. »1 Lionel Sabatté
Lionel Sabatté redonne ainsi ses lettres de noblesse à tous ces éléments propres à notre système tégumentaire et dont leurs rôles en terme de communication, de protection et d’échange, entrent considérablement en résonance avec le rôle même de l’art.
(1) Citation extraite de l’entretien réalisé le 11 octobre 2015 avec l’artiste.
Texte de Lisa Toubas initialement publié dans la revue Point contemporain #1 © 2016 Point contemporain
Né à Toulouse en 1975.
Vit et travaille à Paris et Los Angeles.
Représenté par la Galerie Eva Hober Paris et Galerie C Neuchâtel.
www.evahober.com
www.galeriec.ch

Papillon abimé, ongles, peaux mortes, épingle et boite à spécimen, 26 x 19,5 x 7 cm
Collection particulière.

Solution à base de fer et bronze oxydé sur papier Arches, 46 x 61 cm.

Ferraille, béton, fibres végétales, curcuma, 300 x 176 x 146 cm.

Huile sur toile, 195 x 195 cm.

Moutons de poussière sur structure en métal, 75 x 150 x 60 cm.

Ferraille, béton, fibres végétales, épices, pigments, dimensions variables.

Mues de cigale, caillou, ongles, peaux mortes, 13 x 21 x 17 cm.
Crédit photo David Richalet.
Visuels tous droits réservés artiste.
Visuel de présentation : Lionel Sabatté, Banquise, 2015. Huile sur toile, 230 x300 cm. Courtesy artiste