Bernard Pagès / Jocelyne Alloucherie / Yang Jung-Uk / Tal Coat – Domaine de Kerguéhennec [EN DIRECT DE L’EXPOSITION]

Bernard Pagès / Jocelyne Alloucherie / Yang Jung-Uk / Tal Coat – Domaine de Kerguéhennec [EN DIRECT DE L’EXPOSITION]

Si la collection de Tal Coat du Domaine de Kerguéhennec n’est plus à présenter, elle est réactualisée cette saison et mise en perspective avec l’art préhistorique. À cela s’ajoute un joli dialogue avec la poésie de l’auteur également breton Eugène Guillevic, dont le travail s’est nourri des paysages mégalithiques.

Mais au delà de l’exposition Tal Coat, Guillevic et la Préhistoire, la saison estivale du Domaine de Kerguéhennec est riche en diversité. L’ultime volonté d’Olivier Delevallade, le directeur de Kerguéhennec, est d’associer le triptyque art, architecture et paysage qui forge l’identité du domaine. Ainsi trois artistes, aux pratiques et origines diverses ont investi Kerguéhennec : Le parc et l’ancienne écurie pour le sculpteur français Bernard Pagès, le château pour la photographe canadienne Jocelyne Alloucherie et enfin la chapelle pour l’artiste coréen Yang Jung-Uk.

Dispersion – Bernard Pagès

Si le domaine de Kerguéhennec, est un haut-lieu de la sculpture en France jamais il n’y avait eu une exposition de Bernard Pagès— malgré de nombreuses tentatives de voir un jour le projet aboutir, tentatives vaines jusque là. Mais cette saison, enfin, sont exposées les sculptures de Pagès qui retracent les vingt dernières années de son travail. Si elles sont donc déjà connues du public, tout l’enjeu de cette exposition réside dans le dialogue qui pouvait être mis en place avec l’espace du domaine. Tenir compte des contraintes de hauteur, des surfaces pour créer une harmonie. Une ambition qui a toujours été chère à l’artiste, figure phare du mouvement Support/Surface. Habitué à travailler avec le triptyque béton-métal-bois, Bernard Pagès sublime les matériaux et dessine ainsi l’espace : « Je me sers des qualités des matériaux. J’aime montrer leur souplesse quand ils sont à l’origine solides. » Cette notion de dessin, loin d’être anecdotique, façonne en fait tout le travail de l’artiste. Peintre, à l’origine, Bernard Pagès ajoute graphisme et picturalité à ses constructions : « Je continue de regarder le travail des peintres. En réalité il m’intéresse plus que celui des autres sculpteurs. Les matériaux sont aussi des couleurs. Le bois n’est pas que du bois, c’est du noir. Le bois texturé, par exemple, est une ombre et une lumière. » Avec ces formes et ces couleurs, Bernard Pagès redéfinit l’espace aussi bien que le rapport qu’entretient le visiteur avec celui-ci. Ses sculptures se découvrent au travers d’une multitude de points de vue. Le spectateur, est rarement devant l’objet mais à l’intérieur même. En fin de compte, c’est une belle triangulation qui se met naturellement en place à la sortie du château et dans l’ancienne écurie entre les œuvres de Bernard Pagès, l’architecture et le paysage de Kerguéhennec.

 

Bernard Pagès, Fléaux, 1994, ensemble de sept sculpture béton coloré, tôle, acier torsadé et oxydé, bois de châtaigner, 285 x 1250 x 310 cm. Photo Domaine de Kerguéhennec
Bernard Pagès, Fléaux, 1994, ensemble de sept sculpture béton coloré, tôle, acier torsadé et oxydé, bois de châtaigner, 285 x 1250 x 310 cm. Photo Domaine de Kerguéhennec

 

La chambre des ombres – Jocelyne Alloucherie 

En résidence trois mois au domaine de Kerguéhennec durant l’année 2015, Jocelyne Alloucherie revient cet été dans le château breton pour présenter l’exposition « La Chambre des ombres ». S’il est effectivement question d’images, l’artiste canadienne refuse de se définir comme photographe ou vidéaste. Son désir est de provoquer une déambulation, un déplacement dans l’espace entre les différentes séquences d’images. Ce déplacement du visiteur, Jocelyne Alloucherie l’envisage véritablement comme de l’architecture, elle souhaite avant tout insister sur le rapport que nous entretenons avec l’image et qui nous ramène à notre présence dans l’espace. Souvent proche du dessin, ses « images » sont en réalité des photographies qu’elle construit en deux temps. La première étage, celle qui consiste à capter le moment, est importante mais peut être pas fondamentale dans son travail. Ce qui rend unique ses oeuvres est sûrement ce quelle inflige à ses photographies. Jocelyne Alloucherie saisi le ciel nuageux à l’aide de son argentine. Après un tirage numérique en très grand format elle dépose du sable sur sa photographie. Ce sable qui lui est cher provient d’un cratère vieux de plusieurs millions d’années causé par l’impact d’une météorite sur la surface terrestre. Avec ces grains, dont seul le hasard provoqué par la main de l’artiste a décidé de l’emplacement sur la photographie, Jocelyne Alloucherie recréer des paysages. Des fixions qui vacillent, entre l’instabilité et l’inquiétude. Sorte de tempêtes de sable apocalyptique révélatrices d’une fureur terrestre. Un travail poïétique, très poétique où la dimension politique reste sous-jacente.

 

Jocelyne Alloucherie, La Chambre des Ombres, 2017. Photo Domaine de Kerguéhennec
Jocelyne Alloucherie, La Chambre des Ombres, 2017. Photo Domaine de Kerguéhennec

 

Roland, j’ai besoin de ça – Yang Jung-Uk

C’est l’histoire d’une rencontre qui est exposée dans l’ancienne chapelle du domaine. Non pas celle d’Olivier Delavallade et du coréen Yang Jung-Uk qui a permis à ce dernier de venir en résidence au domaine de Kerguéhénnec pendant le printemps 2017 ; mais celle d’Yang Jung-Uk avec Roland, le jardinier du domaine. Une amitié presque impossible à cause d’une communication laborieuse puisqu’entre deux individus n’ayant aucune langue en commun. L’installation qui est proposée, sorte de Calder mécanisé, montre le mouvement de l’échange. Les équilibres sont précaires, mais précis comme le mécanisme d’une montre. L’ensemble, qu’un rien pourrait faire basculer, se fond dans cette ancienne chapelle qui a préservé tout son mysticisme et dont la dimension patrimoniale a motivé le travail de l’artiste jusque là totalement vierge de toute expérience en France.

 

Yang Jung-Uk, Installation, 2017. Vue de la chapelle de Kerguéhénnec.
Yang Jung-Uk, Installation, 2017. Vue de la chapelle de Kerguéhénnec.

 

Texte Camille Bardin © 2017 Point contemporain

 

Vue de l'exposition Tal Coat, Guillevic et la préhistoire. Photo Domaine de Kerguéhennec
Vue de l’exposition Tal Coat, Guillevic et la préhistoire. Photo Domaine de Kerguéhennec

 

Vue de l'exposition Tal Coat, Guillevic et la préhistoire. Photo Domaine de Kerguéhennec
Vue de l’exposition Tal Coat, Guillevic et la préhistoire. Photo Domaine de Kerguéhennec

 

Visuel de présentation : Bernard Pagès, Le Balcon sur la mer. Courtesy artiste. Photo Domaine de Kergéhennec.

 

Infos pratiques
Domaine de Kerguéhennec
Une propriété du Département du Morbihan

56500 Bignan

Entrée libre et gratuite.
www.kerguehennec.fr