GREETINGS

GREETINGS

Greetings,
curated by Antonio De Martino and Edoardo Marabini, installation view (Daniele Milvio, Gina Fischli, Bernhard Hegglin), galerie Hussenot, 2023

EN DIRECT / Exposition collective Greetings, jusqu’au 03 juin 2023, Galerie Hussenot, Paris

Avec Getulio Alviani, Constanza Candeloro, Doriana Chiarini, Bernhard Hegglin, Gina Fischli, Lorenza Longhi, Jodie Mack, Bruno Marabini, Emanuele Marcuccio, Daniele Milvio, Aldo Mondino, Angelo Savelli, Jan Vorisek

Commissariat Antonio De Martino et Edoardo Marabini

“Que nous le voulions ou non, nous sommes des êtres sociaux et nous ne pouvons supporter d’être coupés trop longtemps de nos semblables, même si nous n’avons rien de vraiment à leur dire.” —(Anthony Burgess, Language Made Plain. English Universities Press, 1964)

La communication phatique est “un type de discours dans lequel des liens d’union sont créés par un simple échange de mots”1. Dans cette conception du rôle relationnel de la langue, les salutations et le flux de la conversation qui suit deviennent un mode essentiel d’intimité, reliant les individus par l’expression de leur fragilité et de leur désir de connexion et de reconnaissance mutuelle-nous existons. Cet aspect relationnel ouvre la possibilité de la communication phatique en tant qu’activité rituelle, qui établit non seulement des relations mais aussi des transitions.2

Le langage phatique est un rituel naturel et instinctif qui nous est familier à tous. Nous constatons tous les jours comment des mots insignifiants, voire mal compris, peuvent maintenir une conversation. Ils ne sont ni à l’intérieur ni à l’extérieur de nous, mais constituent plutôt ce que Lacan appelle une relation extime : “quelque chose qui m’est étranger, bien qu’il soit au cœur de moi-même ».

Cette nécessité anthropologique et primitive de communication subtile se retrouve dans la répétition pensée de silences entre les mots, le mouvement – mécanique ou fluide, répété ou figé – et la contingence de l’espace entre potentialité et actualité, un geste sur papier ou un gribouillage métaphysique avec un crayon.

La phaticité a un potentiel multidimensionnel. Le présent groupe d’exposition articule ce discours à travers divers médiums et formats, développant une relation entre les artistes contemporains et les œuvres des archives italiennes. L’élément relationnel de l’exposition introduit de la complexité, une forme de cybernétique de l’intangible, une rétroaction qui exige une rétroaction. Ce circuit de relations génère de l’entropie, une manifestation du désordre qui enveloppe le spectateur et les œuvres dans un état qui devient de plus en plus méconnaissable.

Ce remplacement du système se traduit par une sélection d’œuvres, notamment des sculptures et des peintures, dont la nature est intrinsèquement cinétique ; des formes qui ne sont rien d’autre que des structures de pensées visualisées mises en œuvre à travers des signes visibles et des parties mobiles. La dichotomie entre potentialité et action est la force motrice.

La sérigraphie “Sans Titre (Gran Finale)” de Longhi se présente comme une bannière fragile pour cette poétique: la peinture argentée tremble alors qu’elle lutte pour adhérer à une surface de nylon hydrofuge, une technique destinée à la reproductibilité devient périssable, trahissant des rendements décroissants de l’information au profit d’une rhétorique de solutionnisme inefficace.

Les machines futiles de Bruno Marabini introduisent une symbologie de machines détachées de l’activité du sujet en tant que lieu pour révéler notre statut de désirants. En particulier avec “Scultura da passeggio a fuso dissolvente”, l’artiste introduit un type de mouvement hésitant et incertain dans sa trajectoire et son résultat : il peut ne pas exister au-delà du simple fait de son plan, inexorable et prévisible. Ici, la relation avec le spectateur est méta-fonctionnelle ; ces machines, certes futiles, répondent au besoin de se sentir partie prenante du circuit, présent et uniàlaperfectiondumouvementcalibrédechaque engrenage en bois.

Les objets de Jan Vorisek deviennent emblématiques de ce modèle complexe d’entropie : chaque partie du système communique avec l’autre sans jamais fermer la boucle. L’”arrangement” de l’artiste devient un modèle pour une hypothèse de relations de pouvoir où le statu quo est aussi fugace que la nature prête-à-porter de quelque chose qui se met en place dans un impromptu musical. Chaque perturbation réaffirme sa présence dans un équilibre qui reste possible, tandis que la force centripète pousse chaque partie vers une autre possibilité.

Bernhard Hegglin inverse la dialectique vers un lexique implosif. Chacune des chaises présentées veut s’effondrer et pourtant est figée dans une posture distinctive comme un jouet à pousser avec le pouce, quelques secondes avant de se rassembler ou de s’effondrer. Leur potentiel est toujours en train de changer, testant jusqu’où la relation de chaque partie mobile peut se plier à travers des coupes itératives aux joints. Il y a toujours une autre possibilité: des machines-jouets qui englobent notre domination sur l’objet technologique, nos investissements affectifs et nos priorités fantasmées. L’élément ludique de la nature compositionnelle des œuvres dégage un sens d’inactivité où il n’y a pas de médiation mais plutôt une saisie directe de la réalité sans aucune intellectualisation forcée des processus.

“Quadrettatura, Tropicale” d’Aldo Mondino articule, à travers les modes d’expression artistique de l’enfance, l’idée de créer un équilibre évanescent entre l’ordre et le désordre. L’objet d’une telle inspiration juvénile, comme on peut le trouver dans le geste pictural d’utiliser une feuille de papier à carreaux, est de trouver un langage relationnel pour le désordonné et l’ordonné, une manière de créer de l’art qui n’est qu’en apparence ingénu, mais qui affirme en réalité intrinsèquement la lutte pour établir des limites sémantiques pour l’imagination.

Costanza Candeloro introduit le langage écrit dans cette pratique, expérimentant avec ses œuvres sur papier “Les aventures souterraines d’Alice”, un extrait fictif d’un journal adolescent, entre radicalisme et enfance. L’écriture devient un dessin à la fois sujet et moyen d’investigation : le mouvement accidentel du crayon révèle un processus immanent d’appropriation des topoi de la sous-culture, qui ne sont pas significatifs en eux-mêmes mais seulement comme esthétique relationnelle dans un processus constant de formation imprégné d’assimilation cognitive.

Avant le langage, viennent les dynamiques relationnelles que l’on construit en jouant avec sa propre mère. Le travail de Gina Fischli capture ce passage avec une grandeur délicate et ludique, où le quotidiens’infiltre dans des surfaces en contreplaqué peintes de paillettes dispersées sur de la colle. Les sujets, des objets quotidiens, sont à la fois un trompe-l’œil de la réalité et une représentation disproportionnée d’eux-mêmes à grande échelle. Cette juxtaposition conduit finalement la perception de l’objet à s’effondrer sur elle-même, permettant au spectateur de prendre plaisir à la destruction de l’illusion où l’objet représenté devient un avec la représentation elle-même.

De même, les chaises en papier minuscules et fragiles, posées sur des supports solides et audacieux qui sont la sculpture elle-même, de Doriana Chiarini correspondent à un continuum de possibilités. La relation entre le montré et le présenté génère un paradoxe, une dimension possibiliste. Le point de tension est condensé dans des chaises minuscules, des pièges révélateurs auxquels le moi intérieur s’accroche pour déduire son identité relationnelle propre. Des avant-postes pour l’attente et l’expectative, des raccourcis pour les rencontres. L’artiste subvertit les équilibres en redéfinissant la relation entre les objets, en les contractant et en les coupant en formes gérables, en conciliant l’incongruence entre stabilité et précocité.

Une telle dissonance se configure comme un optimum formel également dans l’œuvre d’Emanuele Marcuccio : des structures qui subvertissent la stabilité dans leur manière de production et qui reproduisent les proces- sus mentaux qui constituent l’expérience sensorielle de la formalité et de l’esthétique. Cette poétique est particulièrement apparente dans l’œuvre d’Emanuele Marcuccio, dont “Cometa Blu”, une comète en vinyle moelleux émettant une froide et synthétique radiance, dont la trajectoire est contorsionnée sur une plaque de métal industriel ton-sur-ton dur. La promesse inhérente de positivité associée au symbole, maintenant vaincue et mise à genoux, génère un changement de perception à la fois sensoriel et émotionnel.

En revanche, “Alta Data”, la première œuvre non-figurative à laquelle Daniele Milvio s’est jamais confronté, représente une abstraction de degré zéro, où l’absence de “travail” dénonce la complexité de la perception. Les peaux mortes de vipères, des corps avec des réminiscences bibliques, ne parviennent pas à générer de l’empathie pour les créatures mortes. La surface séduisante, à la fois naturelle et synthétique, magnétique et menaçante, effraie et attire à la fois. Cette maladresse confuse n’est résolue que par l’esthétique : le nombre d’or, employé par l’artiste, devient la clé pour racheter la faille de la perception au moyen d’une normalisation linguistique.

“Cerchi Virtuali” de Getulio Alviani offre le lexique entier, pour ainsi dire, afin d’interpréter cette sélection schizophrène. L’œuvre, avec ses surfaces réfléchissantes chromées, se multiplie pour créer une dimension au-delà du contingent, présentant une perception qui est trahie par l’espace programmé. La vue est trompée pour surmonter la dimensionnalité dans l’espace réel, une (forme de) apperception4 où l’objet est appréhendé comme “non-soi” ; et pourtant, par rapport au soi, le spectateur se retrouve pris dans le limbe relationnel de la communication.

Ces œuvres présupposent toutes la possibilité d’un accord – qu’il soit essentiel ou momentané, présent ou futur – entre les êtres humains et leurs sentiments, entre le soi et les facultés dites inférieures, et entre l’identité subjective et le sens. Ces apparitions sensorielles nous disent que la réalité peut être influencée dans le sens désiré par la co-présence de différentes espèces dans le même espace et le même temps.

La relationnalité est faite de mouvements très légers, imperceptibles au premier regard, de tropismes qui sont le stratagème des plantes pour chercher la lumière ou réagir aux stimuli externes. Une tension vers le bien-être. Les humains adoptent le même système d’ajustements, risquant des difficultés, faisant face à des obstacles et des chutes.

Simplement un “non” au lieu d’un “oui”, un tournant inattendu du dos, une erreur, un manque d’attention, une erreur… Et l’amitié peut être ruinée — l’autre personne comprenant soudainement ce que nous pensons vraiment d’elle et se sentant exposée. “Collage” de Savelli condense cette conversation faite de résistances, de formes et d’allongements, s’étirant vers des stimuli et des attractions pour trouver un point d’appui. Les orbites et les formes, comme en s’appuyant, glissent sur la surface blanche de la conscience, où elles sont “à l’origine de nos mots, de nos gestes et des sentiments que nous exprimons, que nous sommes convaincus de ressentir et que nous pouvons définir.”^5 Une formule phatique qui permet la gestation d’une relation.

— Antonio De Martino et Edoardo Marabini

1 Malinowski, B. 1923. ‘The Problem of Meaning in primi- tive languages. In C. K. Ogden & I. A. Richards (Eds), The meaning of meaning (pp. 146 -152). London: Routledge & Kegan Paul
2 Laver. 1975. Communicative Functions of Phatic Com- munion.InA.Kendon,R.M.HarrisandM.R.Key(eds.) Organisation of Behaviour in Face-to-face Interaction. The Hague: Mouton, 215-238.
3 Lacan, J. (1966b). Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse. In Écrits, 237-322. Paris, France: Éditions du Seuil.
4 Leibniz, G.W. (1989). The Principles of Nature and of Grace, Based on Reason. In: Loemker, L.E. (eds) Philo- sophical Papers and Letters. The New Synthese Historical Library, vol 2. Springer, Dordrecht.
5 Tropismes (1939; revised 1957). Tropisms, trans. Maria Jolas with The Age of Suspicion (1963).

Greetings,
curated by Antonio De Martino and Edoardo Marabini, installation view (Gina Fischli, Lorenza Longhi, Bruno Marabini, Bernhard Hegglin), galerie Hussenot, 2023
Greetings, curated by Antonio De Martino and Edoardo Marabini, installation view (Gina Fischli, Lorenza Longhi, Bruno Marabini, Bernhard Hegglin), galerie Hussenot, 2023
Unmanageable,
Gina Fischli, 2022, Unique, Plywood, glue, glitter, 160 × 80 x 6 cm
Unmanageable, Gina Fischli, 2022, Unique, Plywood, glue, glitter, 160 × 80 x 6 cm
#11,
Bernhard Hegglin, 2023, Chair, Rope, Mdf, Spray plastic, 40 x 40 x 75 cm
#11, Bernhard Hegglin, 2023, Chair, Rope, Mdf, Spray plastic, 40 x 40 x 75 cm
Greetings,
curated by Antonio De Martino and Edoardo Marabini, installation view (Lorenza Longhi, Bruno Marabini, Bernhard Hegglin, Getulio Alviani), galerie Hussenot, 2023
Greetings, curated by Antonio De Martino and Edoardo Marabini, installation view (Lorenza Longhi, Bruno Marabini, Bernhard Hegglin, Getulio Alviani), galerie Hussenot, 2023
Autunno,
Doriana Chiarini, 2010, Legno, gesso, tempera, metallo, carta, 
15,6 x 8,5 cm (6 x 3 1/2 in.)
Autunno, Doriana Chiarini, 2010, Legno, gesso, tempera, metallo, carta, 15,6 x 8,5 cm
Alice’s Underground Adventures,
Costanza Candeloro, 2021, Graphite on paper, Eight papers, 21 x 29.7 cm
Alice’s Underground Adventures, Costanza Candeloro, 2021, Graphite on paper, Eight papers, 21 x 29.7 cm
Greetings,
curated by Antonio De Martino and Edoardo Marabini, installation view (Lorenza Longhi, Bruno Marabini, Bernhard Hegglin), galerie Hussenot, 2023
Greetings, curated by Antonio De Martino and Edoardo Marabini, installation view (Lorenza Longhi, Bruno Marabini, Bernhard Hegglin), galerie Hussenot, 2023
Untitled (Gran Finale),
Lorenza Longhi, 2023, Silkscreen print on Fabric Mounted on Wood Panel, Aluminium, Screws, 
100 × 140 × 2,5cm
Untitled (Gran Finale), Lorenza Longhi, 2023, Silkscreen print on Fabric Mounted on Wood Panel, Aluminium, Screws, 100 × 140 × 2,5cm
Pannello con strutture erbose sovrapposte,
Bruno Marabini, 1976, Wood
79,5 x 73 x 10 cm
Pannello con strutture erbose sovrapposte, Bruno Marabini, 1976, Wood 79,5 x 73 x 10 cm
Scultura da passeggio a fuso dissolvente,
Bruno Marabini, 1972, Wood, 
139 x 88 x 40 cm
Scultura da passeggio a fuso dissolvente, Bruno Marabini, 1972, Wood, 139 x 88 x 40 cm
Cerchi virtuali - compenetrazione,
Getulio Alviani, 1967, Cromed iron,
50 x 50 x 11 cm
Cerchi virtuali – compenetrazione, Getulio Alviani, 1967, Cromed iron, 50 x 50 x 11 cm
Untitled,
Jan Vorisek, 2023, Metal, Glas, Plastik, Spray Paint, Wire, Rubber, dimension variable
Untitled, Jan Vorisek, 2023, Metal, Glas, Plastik, Spray Paint, Wire, Rubber, dimension variable
Point the Gaze, Posthaste Perennial Pattern, Razzle Dazzle,
Jodie Mack, curated by Antonio De Martino and Edoardo Marabini, installation view, La Cuisine - galerie Hussenot, 2023
Point the Gaze, Posthaste Perennial Pattern, Razzle Dazzle, Jodie Mack, curated by Antonio De Martino and Edoardo Marabini, installation view, La Cuisine – galerie Hussenot, 2023
Villa de Noaille,
Doriana Chiarini, 1991, Steel, Varnish, Brass, Distemper, Paper, 280 x 47 x 35 cm
Villa de Noaille, Doriana Chiarini, 1991, Steel, Varnish, Brass, Distemper, Paper, 280 x 47 x 35 cm
Greetings,
curated by Antonio De Martino and Edoardo Marabini, installation view (Costanza Candeloro, Doriana Chiarini, Bernhard Hegglin, Daniele Milvio), galerie Hussenot, 2023
Greetings, curated by Antonio De Martino and Edoardo Marabini, installation view (Costanza Candeloro, Doriana Chiarini, Bernhard Hegglin, Daniele Milvio), galerie Hussenot, 2023
Alta Data,
Daniele Milvio, 2021, Viper, 80,5 x 130 x 2 cm
Alta Data, Daniele Milvio, 2021, Viper, 80,5 x 130 x 2 cm
Greetings,
curated by Antonio De Martino and Edoardo Marabini, installation view (Doriana Chiarini, Aldo Mondino), galerie Hussenot, 2023
Greetings, curated by Antonio De Martino and Edoardo Marabini, installation view (Doriana Chiarini, Aldo Mondino), galerie Hussenot, 2023
Murr,
Doriana Chiarini, 2009, Wood, Chalk, Distemper, Paper, 55 x 132 x 12 cm
Murr, Doriana Chiarini, 2009, Wood, Chalk, Distemper, Paper, 55 x 132 x 12 cm
Tropicale,
Aldo Mondino, 1964, Oil on masonite, 
180 x 140 x 3 cm
Tropicale, Aldo Mondino, 1964, Oil on masonite, 180 x 140 x 3 cm
Greetings,
curated by Antonio De Martino and Edoardo Marabini, installation view (Emanuele Marcuccio, Jan Vorisek, Angelo Savelli), galerie Hussenot, 2023
Greetings, curated by Antonio De Martino and Edoardo Marabini, installation view (Emanuele Marcuccio, Jan Vorisek, Angelo Savelli), galerie Hussenot, 2023
Cometa Blu (detail),
Emanuele Marcuccio, 2022, Vinyl and metal, 120 x 120 x 30 cm
Cometa Blu (detail), Emanuele Marcuccio, 2022, Vinyl and metal, 120 x 120 x 30 cm
Untitled,
Angelo Savelli, 1963, Collage, New York, 87 x 61,5 cm each one
Untitled, Angelo Savelli, 1963, Collage, New York, 87 x 61,5 cm each one