Julien Salaud, Metamorphic, galerie Suzanne Tarasieve Paris

Julien Salaud, Metamorphic, galerie Suzanne Tarasieve Paris

En direct de l’exposition personnelle Metamorphic de l’artiste plasticien Julien Salaud.

Exposition : Metamorphic du 08 octobre au 31 octobre 2015, galerie Suzanne Tarasieve, Loft 19, Passage de l’Atlas –  5, Villa Marcel Lods 75019 Paris.

Artiste : Julien Salaud. Né en 1977. Vit et travaille à Orléans, France

JULIEN SALAUD OU LA MORT COMME POINT DE DEPART

Souhaitant « partager [avec le public] la nature qui nous entoure(1) », l’artiste nous propose dans le cadre de l’exposition Metamorphic des créations ayant pour medium principal des pièces de taxidermie. Revalorisée à la fin des années 1990 -notamment par le fait d’artistes allemands ou autrichiens-, la taxidermie s’impose de plus en plus dans le champ de la création. Elle est, notamment, ce moyen pour l’Homme de s’interroger sur son rapport à l’animal. Souvent décriée et combattue, cette pratique est difficilement reconnue comme un art à part entière. Aux artistes de lui redonner ses lettres de noblesse. Mais par quel moyen ?

Julien Salaud, Metamorphic, Loft 19 galerie Suzanne Tarasieve
Julien Salaud, Faisaure, 2015

Rappelant les réalisations en vogue au XIXème siècle (la fascination à cette époque pour les « freaks » et la tératologie provoque une demande accrue de pièces de taxidermie représentant des « montres de la nature »), Julien Salaud accorde une importance significative aux créatures hybrides. A l’instar d’œuvres produites en 2012 où des faisans s’associaient à des têtes de chevreuil ou de sanglier « trophéisées », l’artiste réemploie ces mêmes oiseaux pour former une seconde peau sur des taxidermies de renards, leurs ailes devenant parfois la coiffe mortuaire d’un crâne humain. Créatures hybrides oui, réinventées, mais magnifiées. Parfois se suffisant à elles-mêmes, la tête ou le corps partiellement dissimulés sous un rideau de perles de rocaille. Qu’elles soient hybrides ou non, ces créatures sont la source incontestable d’un hommage à la nature, qui passe par une réhabilitation des gibiers habituellement chassés par l’Homme (récurrence du cerf, du chevreuil, du faisan, etc.). Un savant passage du trophée de chasse à l’œuvre d’art qui passionne, émotionne, éveille en nous un imaginaire.

Julien Salaud, Metamorphic, Loft 19 galerie Suzanne Tarasieve
Julien Salaud, Guerrier Traversière

Cet hommage rappelle que la taxidermie, souvent objet de nombreuses critiques, permet non pas de valoriser une pensée humaniste mais d’immortaliser des êtres sans les placer sur une échelle de valeur. Une sorte de renaissance conférée par cette pratique, à mi-chemin entre la mort et le vivant, la disparition et le renouveau. Une unification s’opère alors entre l’Homme et l’Animal, unis dans la vanité, l’éphémère, la mort en somme (association du crâne humain et des ailes de faisan) mais aussi dans l’animalité (Monsieur chevreuil). L’animal se couvre d’éclat grâce aux perles et de parures souvent symbolisées par les plumes de faisan (Chevrette au crâne) ; il en devient même royal (Sanglier soleil) et nous rappelle que dans la nature aussi il existe de multiples formes de beauté. Métamorphosé, il devient précieux, source d’attention et de minutie.

Julien Salaud, Metamorphic, Loft 19 galerie Suzanne Tarasieve
Julien Salaud, Printemps (Nymphe de cerf), 2013

Pourtant, à y regarder de plus près, l’on constate que l’embellissement peut passer par des clous plantés sur la chair d’une chevrette (Constellation du faon), ou qu’il enferme plus qu’il ne dévoile, notamment pour ce qui est des deux cerfs s’affrontant, recouverts de fils de coton. Est-ce là une nouvelle carapace conférée à l’animal ? Quelle limite peut-il exister entre la protection et le cloisonnement ? La préservation doit-elle s’accompagner nécessairement d’une notion d’enfermement ? Aussi, à travers un rapport direct aux animaux, à la mythologie (Faune de cerf), et à la nature (les bois d’un cerf deviennent des branches ; Nymphe de cerf), l’exposition Metamorphic est propice à la réflexion et à l’extrospection.

(1) source : Entretien avec Julien Salaud – Résidence Ackerman + Fontevraud la Scène ; par « l’agenda du dessin contemporain ».

Pour en savoir plus :
suzanne-tarasieve.com
julien-salaud.info

Texte : LT pour pointcontemporain

Visuels tous droits réservés artiste et galerie Suzanne Tarasieve.
Crédits Photos : Olivier Toggwiler

Photo de présentation :

GUERRIERS TRAVERSIÈRES (COMBAT DE CHEVREUILS), 2015

Taxidermie de chevreuils, plûmes et peaux de faisans, pâte synthétique, peinture, plexiglas
90 x 145 x 47 cm et 95 x 150 x 50 cm