Prix Sciences Po pour l’art contemporain – indifférence ou incertitude ?

Pour sa neuvième édition, le Prix Sciences Po pour l’art contemporain expose huit artistes dans les locaux de l’école, autour du motif de l’indifférence.
« Nous voulions un thème engagé dans l’actualité, mais suffisamment large, pour qu’il parle au niveau individuel et sociétal » : Chloé Jambon, une des cinq étudiantes de l’équipe organisatrice, nous expose les origines du projet. Depuis sa création en 2010 par des étudiants en master Affaires Publiques, le prix a gagné une belle visibilité, invitant des artistes de moins de 35 ans résidant en France à concourir pour le Prix du Jury et le Prix du Public. Camille Richert, responsable pédagogique du Prix, insiste sur le côté professionnalisant de ce projet collectif, qui met les étudiants au contact du monde de l’art, « où les artistes ont de vraies attentes – il faut sortir de sa zone de confort ! ». Et professionnel, le résultat l’est, comme le souligne Anna Colin, curatrice associée de Lafayette Anticipations et membre du Jury qui salue « une sélection de qualité et un bel accrochage ».
Avec une nette domination de la vidéo, l’exposition se déploie au rez-de-chaussée d’un des bâtiments de cours, transformant ce lieu de vie et de passage en galerie d’art temporaire. Le lien des œuvres exposées avec le thème n’est pas immédiatement évident, ce qui s’explique en partie par le mode de sélection : pas de commissaire pour l’ensemble, mais des duos artiste-curateur qui répondent à l’appel à projet.
Et une fois entré dans l’antre de l’indifférence, que voit-on ? Un écran noir qui nous intime « Ta Gueule » (Julien Creuzet), une superposition de publicités colonialistes et slogans elliptiques (Mawena Yehouessi), une mystérieuse banderole invitant à l’ « Antisocial Social Club » (Eve Chabanon). Forme à peine déguisée d’hostilité, l’indifférence peut aussi être plus ambiguë, et témoigner d’un trouble devant l’inconnu. Dans la vidéo d’Arnaud Dezoteux « Sous le soleil du Neubourg », un drone suit un groupe d’adolescents, qui vont le traiter comme un petit dernier inquiétant et victimisé. Les formes se troublent, de l’ondulation de la plaque et la main de Gaëlle Choisne, à la poterie qui répond au tapis en laine de Natsuko Uchino. On interroge aussi la perception et les sens, de la vue et du goût (Marwan Moujaes), au son (Simon Ripoll-Hurier).
Finalement, l’indifférence est peut-être une façon de se déplacer dans le monde, qui crée ses propres histoires, qu’elle soit assumée ou combattue. Julien Creuzet, qui présente son œuvre « Le tout début c’est la division de la Tribu » dans une forme créée spécifiquement pour l’exposition, revendique cette dualité : « l’écran t’attrape par cette phrase primaire, « ta gueule », comme on dévisage l’autre – mais le spectateur peut aussi voir un écran noir et continuer son chemin ». Eve Chabanon propose elle l’œuvre la plus ouvertement politique de l’exposition, une performance en banlieue de Londres où des habitants se sont regroupés pour explorer et vivre les problématiques de la « dépossession » et la « coalition », face à un « environnement politique qui les fait disparaître ».
Espérons simplement que l’indifférence ne sera pas le traitement que vous ferez aux œuvres : vous avez jusqu’au 11 avril pour visiter l’exposition et voter pour le Prix du Public.
Texte Renée Zachariou © Point contemporain 2018
Exposition Prix Sciences Po pour l’Art Contemporain – 9ème Édition — Indifférence du 3 au 13 avril 2018 Entrée libre, inscription obligatoire Sciences Po http://sciencespo-artcontemporain.com
28 rue des Saints-Pères
75007 Paris
Visuels tous droits réservés artistes. Photo Valérie Toubas Point contemporain.







