Norbert Waysberg

Norbert Waysberg

ENTRETIEN / avec Norbert Waysberg, curateur de l’exposition « Matières à penser »
propos recueillis par Romain Arazm 

Pour son exposition de la rentrée 2019, le Centre Tignous d’art contemporain de Montreuil a donné carte blanche à l’artiste Norbert Waysberg. Par le biais de son parcours qu’il a imaginé, l’exposition « Matières à penser » entend explorer le processus créatif de cinq artistes femmes en interrogeant les relations qu’entretiennent la matière, la forme et l’idée. 

Romain Arazm : Comment l’exposition « Matières à penser » a-t-elle vu le jour ?

Norbert Waysberg : Comme à l’origine de beaucoup de projets, ce fût grâce à une rencontre. Plusieurs d’ailleurs. En octobre 2018, après avoir passé plus de dix ans à New-York, j’ai entamé un retour en France. Sachant que l’activité artistique et culturelle de Montreuil était d’une densité rare, j’avais décidé d’y chercher un nouvel atelier. C’est à ce moment qu’Aurélie Thuez (directrice du Centre Tignous d’art contemporain de Montreuil) m’a proposé de m’occuper de leur prochaine exposition de rentrée. La curation était quelque chose que j’avais déjà pratiquée à New-York avec l’Espace Art 345. J’ai donc immédiatement accepté ce nouveau défi. 

R.A : Comment la sélection des artistes exposées a-t-elle était faite ? 

N.W : Le Centre Tignous m’a laissé une totale liberté dans la construction de cette exposition. Le seul impératif était que les artistes devaient avoir un lien avec la ville de Montreuil. Grace aux journées portes ouvertes (du 12 au 15 octobre 2018), j’ai pu découvrir un très grand nombre d’ateliers. J’étais beaucoup plus guidé par la charge expressive des œuvres que je voyais que par la quelconque visibilité des artistes que je rencontrais. Je choisis l’art qui me touche. 

R.A. Tous les artistes exposés sont des femmes. Pourquoi un tel parti pris ? 

N.W : Comme je vous l’ai dit, ce sont les œuvres que je regardais avant toute chose. Il se trouve que leurs auteures étaient toutes des femmes. Ce n’était pas une volonté de ma part mais ce hasard me convient parfaitement. Même si la situation des femmes dans la société, et dans le monde de l’art en particulier, s’est amélioré depuis une vingtaine d’années, beaucoup de choses restent à faire. 

R.A. Autour de quelle thématique « Matières à penser » s’articule-t-elle ? 

N.W : Je trouve qu’il y a une sorte de lien magique qui relie la matière, la forme et l’idée au cours du processus créatif. J’ai voulu le mettre en scène pour pouvoir l’explorer. Les caractéristiques des différents matériaux peuvent agir très puissamment sur la volonté originelle de l’artiste. La forme naturelle d’une pierre, comme pour les sculptures de Paula Gellis, ou ce que devient la terre polychrome entre les doigts, comme les têtes modelées de Monica Mariniello, agit sur l’œuvre d’art achevée et les significations qu’elle recouvre. Je trouve cela fascinant. La matière peut entrer en écho avec la forme représentée et même symboliser l’idée véhiculée. C’est par exemple le cas de la série des Irremplaçables d’An’do Tissier. Le papier qu’elle utilise sert habituellement à restaurer les manuscrits anciens. Ici, en plus d’être belle, la matière fait totalement sens avec l’idée de « réparation » que sous-tend son travail. 

R.A. L’exposition présente quatre sculptrices et une photographe. Comment concevez-vous l’articulation de ces deux disciplines dans le thème de l’exposition ? 

N.W : L’idée n’était pas de faire une exposition sur la sculpture mais de parler du rôle fondamental que joue la matière. Le travail de Fernanda Tafner (la photographe) m’a beaucoup touché. D’une part son installation kaléidoscopique des mains photographiées dans le métro parisien (la série Manières) mais également sa série Tactile. Je trouve que dans ces clichés, le travail de la lumière confère au corps du danseur une dimension sculpturale. De plus, cette expérience sensorielle liée au toucher que l’artiste propose au modèle et, in fine, au spectateur, m’a semblé correspondre parfaitement au reste du corpus exposé. 

« La fréquentation quotidienne des artistes m’a fait devenir qui je suis »
Norbert Waysberg

R.A. En tant qu’artiste comment appréhendez-vous votre rôle de curateur ? 

N.W : Assez rapidement à New-York j’ai eu la possibilité de constituer autour d’un lieu (Art 345) une petite communauté. Cette fréquentation quotidienne des artistes me paraît être essentielle. Elle m’a fait devenir qui je suis. Il y a certes ceux que l’on voit accrochés aux cimaises des musées mais également les maîtres qui nous forment et enfin toutes ces rencontres qui permettent de confronter sa pratique à d’autres regards. 

Pour aller plus loin retrouvez les artistes sur la chaîne YouTube Mazart production

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