Les mains de Fernanda Tafner

Les mains de Fernanda Tafner

FOCUS / Les mains de Fernanda Tafner
par Romain Arazm 

« La photographie est lemédia qui me permet le plus
de déployer mon regard. » Fernanda Tafner

Qu’elles soient sales ou lavées, sur le cœur, en l’air ou même au fond des poches, les mains sont bien plus que le simple aboutissement du bras auquel elles sont anatomiquement reliées. Certaines parlent avec une éloquence rare. La finesse de l’ouïe de la photographe brésilienne Fernanda Tafner a su capturer la discrétion de leur discours pour mieux nous le faire entendre.  

De celles peintes en négatif sur les parois des grottes préhistoriques aux innombrables croquis des carnets de Léonard de Vinci en passant par celles s’effleurant au sommet de la Sixtine, les mains – au même titre que les visages – requièrent toute la virtuosité des artistes. 

Dirigeant l’œil du spectateur, elles compensent aisément le mutisme de la peinture et de la photographe. 

Dans l’installation panoptique de sa série Manières (2018), les mains photographiées par Fernanda Tafner dans le métro parisien occupent le centre de ce que l’on serait tenté de continuer à appeler des « portraits ». 

Soignées, manucurées, calleuses, tatouées ou richement ornementées de bijoux en tout genre, ces mudras des temps modernes sont de véritables concentrés d’identité. « Elles sont le centre d’un petit monde » rappelle l’artiste qui les immortalise quotidiennement, le plus discrètement possible, à l’aide de son téléphone portable. En isolant les mains d’inconnus auxquels il fait face le temps d’un trajet, l’objectif de Fernanda Tafner parvient à créer une intimité rarement présente dans les transports en commun des métropoles. 

Dans un tout autre registre la série Tactile, également présentée dans le parcours de l’exposition « Matières à penser » au Centre Tignous d’Art Contemporain de Montreuil, propose une expérience sensorielle liée au toucher. Baigné par l’éclairage naturel d’un studio photo, le corps de Volmir Cordeiro (danseur professionnel brésilien) semble sur le point de disparaître dans les marges de ces ambitieux cadrages. Car ici, une fois de plus, c’est la chorégraphie des mains dans l’air et sur la peau du modèle qui retient l’attention de Fernanda Tafner. Grâce à un rigoureux travail sur la lumière, sur les couleurs et par de subtils effets de textures, la matérialité du corps dansant devient étrange et interroge la porosité des frontières entre le mouvement et l’inerte, la vie et le morbide. 

Parce que dans l’histoire de l’évolution la compréhension est une heureuse conséquence de la capacité de préhension, les mains ont permis à l’Homme marchant à tâtons dans l’obscurité d’un monde qui lui semble rempli de dangers de s’en saisir avec tendresse. 

Romain Arazm

Fernanda Tafner, Tactile
Fernanda Tafner, Tactiles, photographie, 2014
Courtesy artiste
Fernanda Tafner, Manières
Fernanda Tafner, Manières, photographie, 2017-2019 
Courtesy artiste

En savoir plus sur Fernanda Tafner

BIOGRAPHIE
Née en 1980 au Brésil
Nationalité brésilienne et italienne
Vit et travaille à Montreuil

FORMATION
Photographie numérique et argentique, Gobelins, Paris (2012)
Master Art Contemporain et Nouveaux Médias, Université Paris VIII, Saint-Denis (2012)
Licence Arts Plastiques, Université Paris VIII, Saint-Denis (2010)
Licence en Design de Produit, Université de l’État de Santa Catarina, Brésil (2006)

http://fernandatafner.com/index.html

ACTUALITES
L’exposition « Matières à penser » aura lieu du 10 octobre au 14 décembre 2019 au Centre Tignous d’Art Contemporain de Montreuil