ARTHUR FLECHARD

ARTHUR FLECHARD

Arthur Flechard, Performance La question du jaune public pool#6 FRAC Champagne-Ardenne
PUBLIC POOL #6 : COMMUN / COMMON
Une proposition de Jean-Christophe Arcos, Madeleine Filippi et Marie Gayet pour C-E-A.

PORTRAIT / Arthur Flechard par Madeleine Filippi

Arthur Flechard et l’art du simulacre

Des personnages étranges, de la musique, déjà les premiers signes de la mascarade apparaissent dans l’atelier de l’artiste.

De la musique à la vidéo en passant par la peinture et la conférence-performance, Arthur Flechard est un artiste protéiforme. C’est aux beaux-arts d’Angers qu’il découvre la pratique de l’écriture et son goût pour sa rythmique. Dès lors aux prémices de son travail performatif, Arthur Flechard travaille à raconter des histoires, des monologues en voix off au départ via des vidéos installation. Il se grime, fabrique ses propres masques pour imaginer des personnages. Il crée ses alters-égos : Frederique Sueur, Helene Derick’s, Eva Coldman, Victor Bourmault et Carlos Florea. Ici, les premières traces de l’art du simulacre de l’artiste se devinent. C’est lors d’un appel à candidature pour Public Pool[1] qu’il expérimente pour la première fois le médium performatif, la vidéo devient alors secondaire.

Dans une société mondialisée où l’humain devient objet, comme en témoigne l’évolution de notre vocabulaire avec un champ lexical de la machine, de l‘homme amélioré. Arthur Flechard invente des conférences-performances où il met en scène ses personnages pour ranimer la conscience d’objets et d’éléments usuels : pelouse, poignet, rond-point etc. L’artiste seul en scène, avec son personnage, son texte et quelques bribes de décors, s’inscrit dans une filiation de la pensée pragmatique d’Austin, et son Quand dire, c’est faire.

La performance altère en effet le pur didactisme de la conférence, et questionne donc sa valeur référentielle, en faisant porter l’attention sur les gestes, les accessoires, qui l’entourent. La conférence-performance contraint le spectateur à repenser l’articulation du dire et du faire, par cette attention qu’elle suscite au faire qui accompagne, contredit ou simplement dialogue avec le dire. En retour, ces dispositifs questionnent la manière dont le dire et le faire s’articulent dans un contexte sérieux, et modifient les conditions d’appréhension du discours et de la prise de parole dans le réel. En cela, la conférence- performance est bien une interrogation sur l’aspect cognitif de l’art contemporain, mais également, de la figure de l’artiste et son autorité.

Le processus d’écriture d’Arthur Flechard est façonné autour d’une esthétique du fragment. Il aime travailler à partir de bribes d’archives et d’informations récoltés sur internet. Il y consacre de longues heures au point de connaître ce texte qu’il compose sur le bout des doigts, de ne faire plus qu’un avec. Cette manière de performer le langage, qu’il élabore autour d’une certaine monotonie dans la manière de déclamer ses textes, vient se confronter à l’aspect disruptif du texte même et son potentiel comique. L’artiste joue également avec les codes de la conférence traditionnelle, lorsqu’il se place face au public présentant son PowerPoint dans la conférence—performance « Rond-Point » par exemple. Arthur Fléchard, mi-conférencié – mi-conteur, oscille non sans humour entre sophisme et conte postmoderne. Il parvient à performer le langage et imaginer un art du simulacre qui nous confronte à repenser nos rapports aux objets et éléments qui nous entourent, pour mieux cerner le monde.

Les traces de ses conférences-performances n’ont pas d’importance pour l’artiste. Cependant, un changement s’opère dans l’action performative d’Arthur Flechard. En effet, il a commencé à « rejouer » ses performances, non pas au sens des re-enacments, mais du côté de ce que l’artiste nomme « la théâtralisation du texte ». En effet, il fait jouer à d’autres ses monologues qui prennent alors plusieurs voix, qu’il se plaît à faire filmer par des acteurs professionnels ou des agences publicitaires. L’idée est d’interroger le verbe, le sens qui peut surgir en fonction qu’il soit monologue, écho ou dialogue.
Arthur Flechard, joue avec l’absurde et la tragédie comique qui surgissent du texte et des accessoires qu’il utilise. Dès le moment où d’autres que lui utilisent ce texte, ce dernier devient « vestige », une sorte « d’artéfact » contemporain de notre rapport aux objets à travers le prisme du langage.

A l’heure où notre langage se confronte à la mécanique réductrice des algorithmes. Que reste-il du discours et donc de la pensée ? Tel un anthropologue des objets inanimés, qu’il nous donne à voir et à comprendre. Il nous invite à une réflexion sur la transformation de la parole.

Texte de Madeleine Filippi

Arthur Flechard, rond point Public Pool 8 CCC OD Tours 2021
Arthur Flechard, rond point Public Pool 8 CCC OD Tours 2021
Arthur Flechard, Vidéogramme extrait de La sagesse du poignet film actrice Dominique Frot
Arthur Flechard, Vidéogramme extrait de La sagesse du poignet film actrice Dominique Frot