FRANÇOIS RÉAU [ENTRETIEN]

FRANÇOIS RÉAU [ENTRETIEN]

François Réau, Eclipse, 2016.
Mine de plomb et graphite sur papier, 210 x 228 cm.
Courtesy H Gallery, Paris. Photo François Réau © Adagp

« Je suis toujours plus intéressé par le parcours que par la destination
en elle-même, attentif aux surprises, aux accidents et aux possibles ratages.
La beauté se trouve dans les événements qui jalonnent ce parcours,

par le fait que l’on est toujours sur le fil. »
François Réau

Dans sa pratique du dessin, François Réau contrarie l’image, il travaille la feuille, lui donne du relief, procède à un agencement rigoureux d’éléments afin de nous inviter à parcourir un territoire soigneusement paysagé. Il ne cède pas au soupir romantique, ni à l’enchantement des bucoliques, encore moins aux représentations panthéistes, stylisées ou édulcorées, mais préfère mettre en avant le caractère sauvage et dangereux de cette nature qui se propage sur la feuille. Une nature qui s’offre ou se refuse à nous, plus sombre quand elle se fait humaine. Aux termes de dessin ou d’installation, François Réau préfère celui de dispositif plastique car les œuvres participent à nous entraîner dans des narrations mêlant réalités, fictions, souvenirs et rêveries. Un voyage qu’il nous invite à entreprendre avec lui dans ses paysages telluriques, accidentés, ravagés par la guerre, pouvant s’ouvrir au cœur d’une clairière à la grandeur du cosmos. Les composant à partir de multiples couches dans un processus qui renvoie au cheminement, la lecture de ses dessins peut être faite à plusieurs niveaux. Exacerbant notre sensibilité, elle ouvre sur des territoires intérieurs qui nous ramènent à cette nature dont nous avons oublié de ressentir l’immensité, nous renvoie à notre fragilité humaine face à l’indicible, tout en cherchant à révéler le mouvement de la nature au cœur d’un cycle qui altère toutes choses. 

Par ta manière de répandre de la peinture, d’inciser et de marquer le papier, peut-on dire que la feuille est ton jardin ?

Effectivement, je fais de la feuille un territoire sur lequel je viens travailler. Elle est un espace d’expression où des choses vont naître ou mourir. Dans ma pratique, je tente de pousser les limites du médium dessin et de m’extraire de la bidimensionnalité de la feuille. Je me bats véritablement contre l’image parce que je n’ai pas envie d’en faire. Lors d’une résidence, un conservateur qui m’observait pendant que j’installais mon dispositif dans l’espace m’a fait la remarque qu’à la différence d’un artiste académique, immobile devant sa feuille, j’étais perpétuellement en mouvement, à monter ou descendre de l’échelle, à changer de point de vue, à tourner autour de mon sujet. Il est vrai que je suis toujours en mouvement dans ce jardin que je compose, en train de saupoudrer ou disposer des éléments dans cet espace, cela de façon très empirique même si, au départ, je fais des croquis avec une idée plus ou moins précise.

Une forme de composition qui nécessite de se sentir in situ dans ce territoire que définit une feuille…

Le processus de fabrication, pour reprendre cette métaphore du jardin, est de l’ordre du travail de la terre, du labour. Je trace la feuille en faisant des allers-retours, en la malmenant, la creusant, en traçant des sillons. J’y laisse les empreintes de mes interventions car je travaille par couches, en dessinant et en gommant en faisant ainsi beaucoup d’allers et retours dans un processus de construction – déconstruction. Je dis souvent que je laisse mes dessins en jachère, attendant que quelque chose en émerge. Je peux rester plusieurs mois, parfois même plusieurs années sans intervenir à nouveau dessus car je considère que ce qui les fonde est présent dès le départ. Bernard Réquichot dit qu’il existe un « préconscient exact » qui, si l’on est ouvert au monde, aux autres et à la rencontre, s’installe de manière très intuitive dans ce que l’on fait.

Extrait d’un entretien avec François Réau réalisé par Valérie Toubas et Daniel Guionnet à retrouver dans son intégralité dans le numéro #12 de la revue trimestrielle Point contemporain disponible ici : www.revuepointcontemporain.bigcartel.com/products

François Réau
Né en 1978 en France
Vit et travaille à Paris
www.francoisreau.com
Représenté par  H Gallery, Paris
www.h-gallery.fr

Actualités
http://agenda-pointcontemporain.com/tag/francois-reau/

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