(Con)Vivências, modes de coexistences pour des expériences à vivre et partager

(Con)Vivências, modes de  coexistences pour des expériences à vivre et partager

Ricardo Basbaum, Would you like to participate in an artistic experience ? [Voulez-vous participer à une expérience artistique ?], 1994-2019, diagramme ;
Conjs, sculpture/installation, 2013, dimensions variables. Collection Centro de Arte Dos de Mayo, Madrid ; 
Laura Taves, Eu sou o mundo inteiro [ Je suis le monde entier], 2019, carreaux de céramique, papier à cerf volant, manifeste.
En collaboration avec João Rivera.
Crédit photo : Angélique Pichon / Le 19, Crac

EN DIRECT / Exposition collective (con)vivências au 19, centre régional d’art contemporain (CRAC) de Montbéliard du 24 mai au 1er septembre 2019
Par Adeline Lépine, commissaire de l’exposition

Au-dessus de ma tête les avions
Sous mes pieds les camions
Vers les grands plateaux pointe
Mon nez
J’organise le mouvement
J’oriente le carnaval
J’inaugure le monument
Sur le plateau central du pays
Vive la bossa
Sa, sa
Vive la paillote
Ça, ça, ça, ça1

En 1965, les Parangolés2 d’Hélio Oiticica portés par les danseurs de l’école de samba de Mangueira « envahissent » le Museu de Arte Moderna (MAM) de Rio de Janeiro et en sont rapidement évacués. Au temps de la dictature militaire (le Coup d’Etat a eu lieu en 1964) cet événement marque pour certains « la première fois que le peuple est entré au musée 3 ». 

Deux ans plus tard, dans le même lieu, Oiticica crée un environnement immersif, Tropicália4, consistant en plusieurs espaces accueillant des plantes et autres matériaux naturels, mais aussi un perroquet ou encore une télévision. L’installation est conçue pour susciter une stimulation sensorielle et donne naissance dans son sillage à un mouvement : le Tropicalisme. À partir d’un album « manifeste », Tropicália ou Panis et Circensis (1968), le Tropicalisme est porté par les musiciens Caetano Veloso et Gilberto Gil, en résistance contre la dictature militaire. Mêlant littérature, théâtre, poésie, arts plastiques et cinéma, ce mouvement propose de dévoiler les traits complexes de la culture brésilienne en se tournant aussi bien vers les formes populaires traditionnelles que celles de la culture de masse et les techniques expérimentales de l’avant-garde internationale. Il s’inscrit à la suite de plusieurs démarches d’artistes pour affirmer depuis les années 1920 un art spécifiquement brésilien depuis le Manifeste Anthropophage5 (1928) jusqu’au Manifeste du Néo-concrétisme6 (1959) en passant par l’Art Concret7 (courant des années 1950).

Entre 1965 et 1967, est arrivé également au MAM, Frederico Morais, autodidacte tout à la fois critique d’art, historien et commissaire. En charge dès 1966 du « bloc scolaire » du musée, ses programmes éducatifs et expérimentaux sont alors essentiels à la dissémination des formes, pensées et actions des avant-gardes qui proposent toutes une « vivência8 ». L’un d’entre eux marquera particulièrement les esprits : Apocalipopótese en 1968, qui se déroule dans le plus grand parc public de Rio de Janeiro, le long de la baie de Guanabara, l’Aterro do Flamengo et dans le cadre du « Mês de Arte Pública9 » [Mois de l’Art Public].Oiticica l’évoque dans une longue lettre à son amie Lygia Clark (déjà exilée à Paris) dans laquelle il réaffirme sa position idéologique contre le « terrorisme de droite » et son aspiration à la révolte qui pourraient trouver écho dans ce type de situations et d’expériences. Les deux artistes emploient le terme « vivência » dans leur correspondance afin de décrire leur pratique, entre sculptures et installations interactives, jusqu’à la création de situations collectives qui lient relations extérieures et états psychologiques intérieurs.

Ce qui distingue ces actions, dans la continuité d’un moderne comme Flávio de Carvalho, c’est l’investissement des espaces publics et la recherche du contact avec les usagers de ces espaces, l’abandon de l’espace d’exposition. Ainsi, le lieu où se déroule Apocalipopótese a son importance. Quatorze ans auparavant, le jeune Hélio commence à étudier la peinture avec Ivan Serpa au sein du programme éducatif du futur MAM de Rio de Janeiro. Créé précisément en 1954 sur le modèle du MoMA de New York, sa conception est l’œuvre de l’architecte Affonso Edouardo Reidy – acteur important du processus de modification de Rio à partir des années 1940 et collègue des célèbres Oscar Niemeyer et Lúcio Costa alors en train de concevoir la nouvelle capitale, Brasília ! Le sujet principal de son travail est sans aucun doute la construction de la métropole moderne : le centre civique, les logements, le musée, l’école, le théâtre, le parc et l’autoroute comptent parmi ses éléments constitutifs. Son ensemble de Pedregulho (1946-1958), en tant que première œuvre construite pour le Département du logement, a un fort caractère prototypique et expérimental : elle suppose à la fois un projet d’architecture moderne, un projet de ville, mais aussi un projet de société où le bâtiment est également générateur d’un nouvel espace public. Le logement, pour l’architecte est un service public, au même titre que le musée.

Ainsi, dès sa conception, le MAM implique un projet éducatif dont la tâche est la formation des publics les plus larges possibles, de favoriser la « compréhension » et la « transmission » de l’art moderne. Ce « musée-école » intègre également la formation à la production artistique. C’est un espace public au même titre que son cadre, le plus grand espace de loisirs de la ville : le parc de Flamengo. Structure légère et transparente, le musée s’ouvre sur la baie. D’horizontalité parfaite, il est une plateforme élevée, qui assume le rôle de portique de passage entre la ville et le parc. On retrouve certains de ces aspects dans la conception architecturale du Museu de Arte de São Paulo10 de Lina Bo Bardi bâti en 1968.

Dans le parc de Flamengo, l’aménagement paysager proposé par le paysagiste Roberto Burle-Marx a été pensé comme une grande œuvre d’art en plein air. Les jardins se font l’écho des formes abstraites alors présentées, suscitent la déambulation, sont pensés pour être investis par d’autres formes et manifestations artistiques. Avec Lygia Pape, Rogério Duarte, Antonio Manuel ou encore Rubens Gerchman, Oiticica participe et s’enthousiasme pour Apocalipopótese au parc de Flamengo. Il lui semble qu’il y a là, dans cette expérience collective spontanée et non hiérarchique, un dispositif déclencheur pour permettre la participation libératrice, qui n’instrumentalise ni l’artiste, ni le public, qui vise à forger une subjectivité radicale en dehors des normes et des contraintes sociales. Action, expérience, processus, participation: tels sont les termes de cette démarche.

De son côté et dès le début des années 1960, Lygia Clark propose avec les Bichos des expérimentations auxquelles le spectateur participe par le geste et par l’action. Après ces « objets relationnels », elle développe en 1963 un geste radical, celui du Caminhando [cheminant] : « Faites vous-même le Caminhando. Prenez la bande qui enveloppe un livre, coupez-la dans sa largeur, tordez-la, et collez-la de façon à obtenir un ruban de Möbius. Ensuite, prenez des ciseaux, enfoncez-en la pointe dans la surface et coupez dans le sens de la longueur. Faites attention à ne pas retomber dans la coupure déjà faite, ce qui aurait pour effet de séparer la bande en deux morceaux. Quand vous aurez fait le tour du ruban, à vous de choisir entre couper à droite ou couper à gauche de la coupure déjà faite. Cette notion de choix est décisive. L’unique sens de cette expérience réside dans l’acte de la faire. L’œuvre, c’est votre acte.11 »

Ainsi en 1968, dans le contexte spécifique brésilien de la Dictature, la participation collective et la subjectivité radicale de ses propositions artistiques constituent des objectifs périlleux. La jeunesse se déchaîne aux apparitions de Caetano Veloso. Clark et Oiticica s’interrogent sur l’imprévisibilité de ces dispositifs de liberté participatifs proposés par l’artiste-médiateur. L’expérimentation formelle revêt désormais également une dimension politique et constitue à la fois une tentative de repenser ce qu’il pourrait advenir d’une œuvre d’art conçue comme un véhicule d’expérience de la vie et un geste collectif de liberté face à la répression. Se rejoignent-là d’autres réflexions en cours au Brésil au sujet de l’oppression, avec notamment le pédagogue Paulo Freire. 1968, c’est en effet aussi l’année où il débute l’écriture de sa célèbre Pédagogie des Opprimés12. Après avoir été incarcéré à deux reprises à compter de 1964 pour ses théories, méthodes et actions, Freire le « révolutionnaire et ignorant » (selon ses détracteurs) s’exile au Chili puis aux États-Unis et enfin en Suisse avant de revenir au Brésil en 1980.

« La véritable participation est ouverte. Nous ne serons jamais en mesure de savoir ce que nous donnons au spectateur-auteur13 »

C’est à peu près cette histoire que j’essaie de raconter à Anne Giffon-Selle dans un café à Lyon en novembre 2017 à grands renforts de visuels et vidéos en basse définition. Elle m’est inspirée spontanément par son invitation à penser une exposition au sujet de la « transmission ». Cependant, nous avons pris quelques détours avant d’y revenir… En constatant notamment que les termes « participation », « co-construction », « transmission » (donc) ou encore « éducations alternatives » trouvaient des échos nombreux à ce moment-là, au sein de diverses expositions en France, en Europe ou ailleurs. Que pouvions-nous donc raconter d’autres à ce propos ? 

Par ailleurs, le « cheminant » de ma pensée a buté à plusieurs reprises sur une difficulté : je ne sais transmettre que ce que je « sais » ou « ce dont j’ai fait l’expérience ». C’est en acceptant de ne pas jouer le rôle d’historienne ou de commissaire, mais bien de témoin, que s’est imposée la « vivência ». Ainsi, cette exposition se propose d’être le témoignage et le partage d’une expérience vécue dont la géographie est précisément celle du Brésil, et plus encore de Rio de Janeiro.

Dans la transmission, il y a l’idée de flux et de circulation. Il y a des émetteurs et des récepteurs, des relais, des points d’étapes. Le « cheminant » de Lygia Clark est la raison pour laquelle je postule en 2014 à la résidence Capacete14 qui me permettra de vivre à Rio de Janeiro pendant plus d’un an. L’anthropophagisme artistique brésilien15 m’évoque des problématiques de médiation (là d’où je viens) soit l’idée que les œuvres se transmettent en tant que processus. Ces processus, dans le cas de Lygia Clark, « mobilisaient le corps [des] participants comme condition de leur réalisation16 ». Cette expérience vécue, l’Erlebnis de Walter Benjamin, permet également de tracer son « propre chemin dans la forêt des choses, des actes et des signes17 » nécessaire à une émancipation. Dans son ouvrage Métaphysiques cannibales18, Eduardo Viveros de Castro aborde la question des rites anthropophages chez les Indiens Tupi. Il envisage le cannibalisme arawété comme une « transformation », une préparation symbolique qui vise à la divinisation du groupe. C’est ce principe de « transformation », de « modification de soi » qui infuse les pratiques artistiques au Brésil depuis les modernistes et qui implique une histoire différente de la « transmission » tout comme des rapports entre art et culture. À titre d’exemple, ma visite de São Paulo a été fortement marquée par la découverte du SESC Pompeia de Lina Bo Bardi (1977), conçu dans une ancienne usine. C’est un lieu dédié aux services médicaux et sociaux, mais aussi aux pratiques sportives, culinaires. Le complexe comprend également des espaces dédiés à des expositions, des ateliers de pratiques créatives, une bibliothèque. L’espace central est un foyer (avec une véritable cheminée) bordée d’une petite rivière intérieure. La « convivência » (vivre avec l’autre), c’est notamment faire coexister art, culture et vie quotidienne. Au-delà de la transmission, il s’agit d’une porosité entre les trois, d’une circulation fluide, d’une translation permanente de l’une à l’autre qui, en conséquence, se modifient les unes les autres.

(Con)Vivências est inspirée d’une expérience vécue, singulière, mais qui peut être partagée, transformée, modifiée, par l’expérience d’autres personnes. Elle retrace mon propre processus de découverte qui a débuté par le témoignage de proches ayant fait l’expérience du Brésil avant moi19. Enthousiastes, ils ont eu la générosité de partager leur propre « vivências » de São Paulo, de Rio de Janeiro, des œuvres de Clark, d’Oiticica, de la littérature, de l’anthropologie et de la psychanalyse au Brésil. Ces conversations, ces lectures et ces images ont fait apparaître peu à peu les contours d’« une manière brésilienne » avec laquelle les artistes d’aujourd’hui sont en dialogue pour s’en inspirer comme pour s’en éloigner. Et les rencontres avec ces artistes contemporains sont passées par divers chemins. Je croise Jonathas de Andrade lors de l’exposition Imagine Brazil présentée au macLYON en 2014, à peine deux mois avant que j’apprenne que je quitterai la France pour le Brésil.

Ricardo Basbaumest l’un des artistes invités de la résidence Capacete. Auteur et chercheur, fin théoricien des pratiques de Clark et Oiticica, il suggère lui aussi d’ailleurs que ces dispositifs génèrent des hybrides, de nouvelles entités à partir du moment où nous portons, manipulons ou animons les objets relationnels20. Ricardo est également important pour toute la nouvelle génération d’artistes : son texte Etc.Artists21(2002) a particulièrement essaimé pour décrire un état actuel des pratiques des artistes brésiliens. Amilcar Packer est également un accompagnateur. C’est avec lui que je discute, alors que nous évoquons Fernand Deligny et ses propositions d’« éducations alternatives », de Paulo Freire et d’Augusto Boal que je ne connaissais pas encore. Nous allons par la suite, un jour de pluie, visiter une exposition dans un petit lieu de Rio dans le quartier de Flamengo consacrée à Boal. J’y lis l’introduction aux Jeux pour Acteurs et Non-Acteurs dans mon portugais balbutiant avant de me rendre quelques mois plus tard à l’une des représentations du Théâtre de l’Opprimé de Maré. 

Il y a le vécu spécifique de la résidence, mais aussi celui de la ville. Celle-ci est centrale, déterminante car son atmosphère a une incidence sur nos affects et nos ressentis tout autant que sur nos corps, nos manières de nous mouvoir, notre rapport à la flânerie. Le sujet de la sécurité est toujours le premier évoqué par les cariocas lorsque l’on parle d’espaces publics. L’Aterro de Flamengo, par exemple, est aujourd’hui un lieu déserté, fréquentable à certaines heures seulement et uniquement si on respecte quelques règles bien précises. C’est en tous cas ce que l’on a raconté àLucas Sargentelliet à moi-même alors que nous étions en résidence au MAM22. Pourtant, avec Lucas, le groupe a parcouru Rio à pied dans toute sa longueur, au cours de marches hebdomadaires qu’il organisait pour créer de la « convivência ». C’est aussi avec Lucas que je découvre les Domingos da Criação au centre de documentation du musée ou encore Apocalipopótese. Lorsqu’il m’envoie la publication du « glossaire-vocabulaire de la résistance » co-écrit avec les habitants de Vila Autódromo et Cristina Ribas, je lui propose d’essayer de trouver ensemble comment le traduire… en français. À propos de l’espace public, il y a aussi les longues conversations avec Caroline Valansi, ma partner in crime dans plusieurs projets. Elle est la première à me parler de l’hypothèse selon laquelle l’abandon des espaces publics par lesBrésiliens pourrait être une conséquence à long terme du couvre-feu imposé par la dictature et comment en résulte le déplacement des espaces de loisirs en intérieur pour faciliter cloisonnement et surveillance. Elle évoque aussi les rassemblements collectifs du carnaval, les manifestations de 2013 et certaines dynamiques artistiques comme celles d’Opavivará!dont elle a été membre jusqu’en 2014. Jusqu’au jour où je me rends à Gentil Carioca23 pour participer à leurs karaokés de rue à grands renforts de bière glacée et de biscoitos salés. C’est d’ailleurs dans un lieu aujourd’hui fermé, à quelques pas de Gentil, sur la place Tiradentes (Studio X Rio), que j’entends parler pour la première fois de Laura Taves et de son initiative au long cours à Maré.

Le directeur des lieux, Pedro Rivera, qui a étudié l’architecture avec elle, nous encourage, ma co-résidente (Asia Komarova) et moi-même, à la rencontrer pour parler « école alternative », projets co-construits et aires de jeux. Accueillies chaleureusement chez elle, nous avons dialogué longtemps ce premier soir et ensuite…

Eu sou o mundo inteiro [ Je suis le monde entier] c’est le titre du projet de Laura. Se promener, et s’en aller celui de Lucas Sargentelli et de Cristina Ribas. Rede social [Réseau social], le nom de l’œuvre d’Opavivará!. Ricardo Basbaum nous propose quant à lui de participer à une expérience artistique, etc. 

Toutes les expériences denses, complexes, multiples, proposées ici résonnent de manière particulière dans ce moment spécifique où l’histoire politique qui introduit ce texte n’est pas loin de se répéter. Ces artistes tentent de remettre en scène ce que nous donne ce monde, de le recomposer, de déjouer ce qui pourrait sembler défini. Ils font confiance au spectateur et à la transformation produite par la rencontre avec l’objet, la situation, l’acte, la pensée qu’ils proposent d’expérimenter. Je vous souhaite autant que possible une réjouissante approche anthropophage de ces propositions artistiques. Que celles-ci nous inspirent de nouveaux outils hybrides afin de renouveler notre rapport à l’art, à la vie, à nous-mêmes. 

1 Extrait de la chanson « Tropicália », Caetano Veloso, 1968.
2 Capes colorées de tissus et de matériaux recyclés conçues par Hélio Oiticica et les membres de l’école de samba de Mangueira.
3  Rubens Gerchman cité par Frederico Morais, Ciclo de Exposições sobre Arte no Rio de Janeiro: Neoconcretismo/1959-1961, Rio de Janeiro, Galeria de arte BANERJ, septembre 1984.
4 « Tropicália est la toute première tentative consciente et objective d’imposer une image manifestement brésilienne (…) et a fortement contribué (…) à la chute du mythe universaliste de la culture brésilienne, entièrement basé sur l’Europe et l’Amérique du Nord », Hélio Oiticica, Aspiro ao grande labirinto, Rio de Janeiro, Rocco, 1986.
5 Poème écrit en 1928 par Oswald de Andrade, il est le texte théorique du mouvement moderne brésilien. Il suggère,  à la manière de la pratique caractéristique des Indiens Tupi vivant au Brésil avant l’arrivée des colons, qu’ingérer symboliquement le colonisateur et sa culture  est constitutif de la culture brésilienne ce qui permet d’assimiler la culture « dominante » pour en créer une déclinaison spécifique.
6 En 1959, certains artistes de la scène de Rio de Janeiro signent le Manifeste du Néo-Concrétisme. Parmi eux, Lygia Clark et Lygia Pape s’expriment en faveur d’un autre cannibalisme culturel qui concerne aussi la digestion de la culture populaire. Lemanifeste propose une approche phénoménologique (inspirée par Merleau-Ponty) de l’œuvre d’art : «Les formes dites géométriques perdent le caractère objectif de la géométrie pour devenir un véhicule de l’imagination. »
7 Augusto de Campos et Décio Pignatari, chefs de file de l’Art Concret à São Paulo, se revendiquent aussi du Manifeste anthropophage. Ils proposent d’évacuer toute connotation lyrique, symbolique et subjective de la peinture et de la poésie au profit des simples éléments plastiques ou d’une poésie « verbi-voco-visuelle ».
8  Au même titre que le célèbre « saudade », « vivência » est un terme difficilement traduisible. Ricardo Basbaum rappelle la définition du mot dans le dictionnaire brésilien : « Quelque chose qui a été expérimenté par le fait de le vivre, ou d’en faire l’expérience ; une connaissance acquise dans le processus de vivre ou d’expérimenter une situation (…) » – en 2002 in Vivências: dialogues between the works of Brazilian artists from 1960s-2002, exposition de Felicity Lunn à The New Art Gallery Walsall, GB.
9 Cette expérience mènera à celle des Domingos da Criação notamment
10  Le MASP est notamment célèbre pour la scénographie des œuvres de la collection imaginée par Lina Bo Bardi. Celles-ci étaient présentées entre des plaques de verre, soutenues par des bases en béton. L’installation permettait de ne pas présenter les tableaux aux murs mais dans l’espace, de pouvoir regarder la totalité de l’objet (dont son verso), et favoriser une déambulation et des connexions « visuelles » plutôt qu’une narration imposée et chronologique. Cette configuration qui avait été abandonnée a été réinstallée au musée en 2016.
11 Lygia Clark, catalogue d’exposition, Fundació Antoni Tàpies, Barcelona ; MAC, galeries contemporaines des Musées de Marseille ; Fundação de Serralves, Porto ; Société des Expositions du Palais des Beaux-Arts, Bruxelles ; Paço Imperial, Rio de Janeiro, Ed : Fondation Tapiès, 1998
12 Quelques principes de la pédagogie de Freire : observer la situation vécue par les participants ; analyser les causes profondes de la situation, y compris les sources internes et externes d’oppression ; explorer les solutions de groupe à ces problèmes ; et agir pour changer la situation selon les préceptes de la justice sociale.
13 Lygia Clark dans une lettre adressée à Hélio Oiticica le 14 novembre 1968. Les lettres ont été réimprimées en intégralité par Luciano Figueiredo (ed), Lygia Clark–Hélio Oiticica: Cartas (1964-74), Rio de Janeiro: Editora UFRJ, 1996. 
14 Résidence créée il y a 20 ans par Helmut Batista, Capacete propose depuis 2015 un programme de plusieurs mois pour des résidents internationaux. La direction artistique est assurée aujourd’hui par Camilla Rocha Campos
15 Soit la capacité à ingérer, digérer puis déployer le potentiel des cultures, œuvres, objets en les transformant par le biais de notre réception et notre expérience de ces derniers.
16 Suely Rolnik, La mémoire du corps contamine le musée, eipcp, 2007
17 Jacques Rancière, Le spectateur émancipé, La Fabrique Editions, 2008
18 Eduardo Viveros de Castro, Métaphysiques cannibales, PUF, Collection « MétaphysiqueS », 2009
19 A ce titre je remercie particulièrement et chaleureusement Clara Gensburger et Jonas Delaborde
20 « Le motif : « TOI le spectateur / MOI l’artiste » est « sensoriellement inversé… dans le flux conceptuel : TuvasdevenirMOI » », Ricardo Basbaum, “Clark & Oiticica” in Blast 4: Bioinformatica, New York, Decembre 1994. En anglais, la dernière partie est un jeu de mot « YOUwillbecoME ».
21 « Lorsqu’un artiste est un artiste à plein temps, nous devrions l’appeler «artiste-artiste» lorsqu’il s’interroge sur la nature et la fonction de son rôle, nous devons écrire «etc.-artiste». »
22 Escritório da descoberta ideal, d’octobre 2015 à janvier 2016

Texte Adeline Lépine publié dans Les Cahiers du 19 2019 – 2

Ricardo Basbaum, Would you like to participate in an artistic experience ? [Voulez-vous participer à une expérience artistique ?], 1994-2019, diagramme, objet en acier.  Conjs, sculpture/installation, 2013, dimensions variables. Collection Centro de Arte Dos de Mayo, Madrid ;  Crédit photo : Angélique Pichon / Le 19, Crac
Ricardo Basbaum, Would you like to participate in an artistic experience ? [Voulez-vous participer à une expérience artistique ?], 1994-2019
Diagramme, objet en acier.
Conjs, sculpture/installation, 2013, dimensions variables.
Collection Centro de Arte Dos de Mayo, Madrid
Crédit photo : Angélique Pichon / Le 19, Crac
Ricardo Basbaum, Would you like to participate in an artistic experience ? [Voulez-vous participer à une expérience artistique ?], 1994-2019, diagramme ; Conjs, sculpture/installation, 2013, dimensions variables. Collection Centro de Arte Dos de Mayo, Madrid ;  Crédit photo : Angélique Pichon / Le 19, Crac
Ricardo Basbaum, Would you like to participate in an artistic experience ? [Voulez-vous participer à une expérience artistique ?], 1994-2019. Diagramme.
Conjs, sculpture/installation, 2013, dimensions variables.
Collection Centro de Arte Dos de Mayo, Madrid
Crédit photo : Angélique Pichon / Le 19, Crac
Ricardo Basbaum, Would you like to participate in an artistic experience ? [Voulez-vous participer à une expérience artistique ?], 1994-2019. Diagramme. Conjs, sculpture/installation, 2013, dimensions variables.  Collection Centro de Arte Dos de Mayo, Madrid Crédit photo : Angélique Pichon / Le 19, Crac
Ricardo Basbaum, Would you like to participate in an artistic experience ? [Voulez-vous participer à une expérience artistique ?], 1994-2019. Diagramme.
Conjs, sculpture/installation, 2013, dimensions variables.
Collection Centro de Arte Dos de Mayo, Madrid
Crédit photo : Angélique Pichon / Le 19, Crac
OPAVIVARÁ !, Rede social [Réseau social], 2019, 4 hamacs cousus ensemble. Crédit photo : Angélique Pichon / Le 19, Crac
OPAVIVARÁ !, Rede social [Réseau social], 2019
4 hamacs cousus ensemble
Crédit photo : Angélique Pichon / Le 19, Crac
OPAVIVARÁ !, Rede social [Réseau social], 2019 4 hamacs cousus ensemble Crédit photo : Angélique Pichon / Le 19, Crac
OPAVIVARÁ !, Rede social [Réseau social], 2019
4 hamacs cousus ensemble
Photographies d’archives des Domingos da Criação [Les dimanches de la création]
Crédit photo : Angélique Pichon / Le 19, Crac
Jonathas de Andrade, O Peixe [Le poisson], 37’, 16mm transféré en vidéo HD, son 5.1, 16:9 (1.77), 2016. Courtesy : l’artiste et Galleria Continua, San Gimignano / Beijing / Les Moulins / Habana. Crédit photo : Meghan Marchetti.
Jonathas de Andrade, O Peixe [Le poisson], 37’
16mm transféré en vidéo HD, son 5.1, 16:9 (1.77), 2016
Courtesy : l’artiste et Galleria Continua, San Gimignano / Beijing / Les Moulins / Habana. Crédit photo : Meghan Marchetti.

INFOS PRATIQUES

(CON)VIVÊNCIAS – 24/05 AU 01/09 – LE 19, CRAC DE MONTBÉLIARD
avec les artistes Jonathas De Andrade, Ricardo Basbaum, Lygia Clark, Opavivará!, Amilcar Packer, Cristina Ribas & Lucas Sargentelli, Laura Taves

Le 19, Centre régional d’art contemporain 
19 avenue des Alliés 25200 Montbéliard

POINT CONTEMPORAIN EST PARTENAIRE DU 19 CRAC de Montbéliard