Fahamu Pecou, Miroirs de l’homme : une rétrospective, Tours Société Générale Paris

Fahamu Pecou, Miroirs de l’homme : une rétrospective, Tours Société Générale Paris

Associé à la galerie Backslash, le mécénat artistique de la Société Générale présente une exposition monographique de l’artiste américain Fahamu Pecou. Une rétrospective qui fait suite à trois expositions personnelles proposées par la galerie parisienne, Hard 2 Death, (2011), NEGUS in Paris, (2013) et I Know Why The Caged Bird Blings (2015), conçues comme des volets venant compléter un regard en forme de décryptage sur la culture afro-américaine dont l’artiste est issu.

Pour Miroirs de l’homme, plus d’une quarantaine d’oeuvres proposent des développements et interrogations sur l’identité de la culture noire aux États-Unis sous forme de peintures, dessins, installations et vidéos, que l’artiste enrichit de nombreux entretiens et conférences. Des travaux au travers desquels Fahamu Pecou se met la plupart du temps en scène et où il expérimente les codes de cette culture, ses influences vestimentaires ou musicales avec notamment le hip-hop. Il se targuait déjà en 2013, parallèlement à l’exposition NEGUS in Paris, d’un « Fahamu Pecou is the shit » en collant des stickers dans les rues de Paris montrant de manière ostensible toute la séduction provocatrice qu’exerce cette culture sur les jeunes générations.

Le titre de ce corpus d’oeuvres [NEGUS in Paris], fait référence à la chanson Niggas in Paris de Jay-Z et Kanye West en remplaçant le mot Niggas par Negus, un mot amharique utilisé pour la royauté éthiopienne, notamment Hailé Sélassié. Delphine Guillaud, codirectrice de Backslash.

Une approche artistique qui, tout en s’appuyant sur l’iconographie afro-américaine, en montre les fondements, analyse la manière dont elle est née, la façon dont elle a été perçue et comment elle s’est diffusée puis largement répandue sur tous les continents. Et si certains s’entendent sur l’influence qu’elle a pu exercer et exerce encore, il faudrait parler plutôt d’imprégnation jusqu’à souligner qu’à travers les oeuvres des peintres cubistes, d’un César ou d’un Mondrian, elle est un des piliers fondateurs de notre culture occidentale moderne.

La série NEGUS in Paris, réinterroge plus particulièrement l’héritage de la culture africaine en montrant comment, invitée en Europe par les artistes au début du XXe siècle, elle a investi, le champ artistique occidental allant jusqu’à le bouleverser tant au point de vue plastique qu’émotionnel en le chargeant d’une spiritualité très forte. Dire que Fahamu Pecou rend compte ou met à l’honneur l’iconographie de cette culture serait mal considérer cet artiste qui tisse un réseau de liens vitaux avec les origines africaines de cette culture, mais aussi avec le passé esclavagiste des nations occidentales jusqu’à des faits récents. Car la culture afro-américaine est complexe, empruntant de multiples moyens d’expression. Si toutes traversent son oeuvre, il s’attache plus particulièrement à aborder celle qui, par filiation, en concentre les énergies, la culture hip-hop. Il y porte un regard à la fois critique et plein de tendresse tout en rendant explicite la relation qu’elle entretient avec ses racines. En peignant avec humour, impertinence ou même parfois causticité les codes de celle-ci sur toile ou papier, l’artiste nous en livre l’évolution tout en mettant en évidence les éléments complexes de sa filiation.

Dans ses portraits, Fahamu Pecou instaure une véritable filiation entre l’artiste noir contemporain (peintre ou musicien) mis en scène et célébré tel un roi sur son trône, et la figure du souverain africain comme en témoignait la présence emblématique d’un trône doré miniature au centre de l’exposition NEGUS in Paris. La richesse de ce dialogue entre modernité et passé s’exprime donc par le motif mais aussi par la diversité de la matière picturale (acrylique, craie grasse, feuille d’or) et par celle de la technique qui allie finesse du trait, profondeur des couleurs et coulures. Ce dialogue est de plus matérialisé par la mise en parallèle de phrases issues du langage gangsta et les vers du poète Aimé Césaire père, avec Léopold Sedar Senghor, de la « négritude ».

L’artiste se représente souvent avec un objet emblématique de la culture africaine tel que masque, statuette ou instrument de musique sur des fonds qui, par les couleurs, les titres et le cadrage, font penser à des couvertures de magazines culturels ou économiques. Chacune de ses postures parodie celles savamment étudiées des membres de gangsta rap ainsi que leurs codes vestimentaires : smoking, lunettes de soleil dans lesquelles se reflètent les projecteurs…

En ce sens, la rencontre avec les oeuvres de l’artiste américain agit comme une révélation car si nous avons tous vu les artistes toujours très médiatisés au travers de clip et de de concerts, dans des publications, il reste difficile d’interpréter au-delà d’effets visuels souvent percutants et de paroles « explicites » tous les codes et messages qu’ils véhiculent. L’artiste isolent les codes vestimentaires, gestuels, les objets et tous les signes d’une culture qui a séduit la planète par sa créativité, sa générosité et par sa capacité à bousculer les représentations du vieux monde.

Fahamu Pecou s’installe avec justesse et équilibre dans l’image de la culture noire telle qu’on la perçoit et qu’elle se représente dans l’affirmation de sa négritude. La série I Know Why The Caged Bird Bling approfondit ce questionnement en l’axant sur les thèmes de l’espace. Celui de la réclusion, à la fois territoriale par le ghetto et par l’incarcération et économique par les dangers que représentent le goût pour l’argent. En évitant toujours avec subtilité toute frontalité, l’artiste fait le parallèle entre cet enfermement et les postures et gestuelles emblématiques de la scène hip-hop qui assurent le lien avec la culture urbaine. Se représentant dans une cage, portant un tee-shirt avec des motifs de chaînes, il témoigne des conditions de vie des esclaves noirs et s’empare donc du motif de l’enfermement pour développer sa réflexion. Un enfermement qui est aussi celui de sa propre culture.

Les oeuvres [de la série] I Know Why The Caged Bird Bling mettent en exergue les dérives des jeunes afro-américains qui se démarquent par l’imagerie ostentatoire de l’argent et du bling-bling. Delphine Guillaud, codirectrice de Backslash.

En présentant, une quarantaine d’oeuvres de l’artiste, la Société générale nous permet d’appréhender le travail d’un artiste qui nous donne à voir et comprendre toute la complexité de la culture afro-américaine américaine, comment elle conjugue de multiples héritages et se redéfinit continuellement dans un avenir multiculturel, cette « créolisation » du monde dont parle Édouard Glissant, qu’elle nourrit d’une formidable créativité. Des travaux qui nous conduisent à repenser nos propres racines.

Texte Point contemporain © 2017

Infos pratiques

Miroirs de l’homme : une rétrospective, exposition personnelle
Du 28 septembre au 25 novembre 2017

Société Générale,
La Défense – Paris
www.collectionsocietegenerale.com

 

POUR EN SAVOIR PLUS SUR L’ARTISTE

 

Visuel de présentation : Fahamu Pecou, Icarus, (détail) 2015. Acrylique sur toile, 183 x 122 cm.
Visuels et oeuvres : Tous droits réservés artiste et Galerie Backslash.

 

Fahamu Pecou, Icarus, 2015. Acrylique sur toile, 183 x 122 cm.
Fahamu Pecou, Icarus, 2015. Acrylique sur toile, 183 x 122 cm.

 

Fahamu Pecou, ...and Poor Us Is He, 2011. Acrylique et pastel gras sur toile, 183 x 152 cm.
Fahamu Pecou, …and Poor Us Is He, 2011. Acrylique et pastel gras sur toile, 183 x 152 cm.

 

Fahamu Pecou, Lifted, 2014. Crayon et acrylique sur papier, 142 x 102 cm.
Fahamu Pecou, Lifted, 2014. Crayon et acrylique sur papier, 142 x 102 cm.

 

Fahamu Pecou, Brilliance, 2015. Acrylique, bombe et feuille d'or sur toile, 152 x 122 cm.
Fahamu Pecou, Brilliance, 2015. Acrylique, bombe et feuille d’or sur toile, 152 x 122 cm.

 

Fahamu Pecou, Return To My Native, acrylique sur toile. Série NEGUS in Paris, 2012.

 

Fahamu Pecou, Tetherd, acrylique et graphite sur papier. Série GRAV•I•TY (2013-2014)
Fahamu Pecou, Tetherd, acrylique et graphite sur papier. Série GRAV•I•TY (2013-2014)