THOMAS AURIOL, CAMERAMAN, BÉTON CAVERNE, SAINT ERBLON

THOMAS AURIOL, CAMERAMAN, BÉTON CAVERNE, SAINT ERBLON

Thomas Auriol, Call for, Acrylique sur toile, 97 x 130 cm

 

Pulvériser l’image au travers de la peinture

Nous avons le privilège de naître doués d’un sens de la vue très développé. Peu d’êtres sont capables de manipuler à volonté les trois dimensions d’un monde aussi réel que superficiel. Malgré ce don de pouvoir voir en temps réel dans n’importe quelle direction, l’homme a toujours cherché à recomposer le perçu et traduire le vécu sur un support plat. Cet entrelacement binaire de la chose naturelle et de son reflet, ouvre un chemin pour l’expression artistique, augurant une obsession endémique de l’image projetée.

À dire vrai, nous étions habitués durant des millénaires à cette conjecture, quand il y a quelques décennies, sont apparus les écrans, et de fait, l’ordinateur. Depuis, s’est installée entre nous cette machine créatrice – ainsi nous l’avons voulu – qui deviendra le principal élément mécanique perturbateur de notre société et grand conditionnant étranger du milieu créatif.

Au coeur de la numérisation les possibilités d’expansion du langage de l’image se sont considérablement multipliées, allant jusqu’à un infini où pointe la traîtrise. C’est autour de la question de la projection dans l’espace et sur la collision entre les degrés de perception que vient s’inscrire le travail de Thomas Auriol. Sa peinture intensifie la manie humaine de spéculer sur la captation de la réalité à travers la transposition d’espaces réels, projetés ou filtrés. Influencé par la pratique de la vidéo, le minimalisme et la peinture abstraite allemande, sa production approfondit traite et découpe l’image en surface.

Immergé dans ses recherches, le travail de Thomas Auriol s’est heurté il y a quelques mois à la décisive influence de la technique. Auteur sensible aux moyens mécaniques et à leurs conséquences picturales, le passage de la peinture à l’huile à l’aérographe a bousculé le rapport à la touche. Des traces diffuses puis acérés associées à des gestes plus véloces sont venus contraster sa peinture, rendant perceptible différentes atmosphères au sein de ses compositions. L’aérographe remplaçant désormais le pinceau, le contact au support s’établit par le souffle. Cette nouvelle distance entre le corps et le support, tant optique que mécanique, souligne son attachement à la surface des choses, celle des écrans, des objets, du paysage.

À l’origine de l’élan primaire se trouve la matérialisation d’une image par des notes manuscrites ou graphiques dans un petit carnet. Portées au crayon de couleur, les différents éléments sont immédiatement soumis à des rencontres hasardeuses et intuitives. L’incorporation d’une première couche de peinture accentue le composant sensuel de l’assaut initial esquissé. Les couches successives viennent définir l’ensemble du support où l’attention porte autant sur la trame que la lumière. Le soin apporté au processus pictural tient de la maîtrise du tempo de la construction et de l’effacements. Conscient de l’importance de chacun des états de composition, il appréhende le caractère transitoire de l’image par le montage de différents plans.

L’évolution de ses réalisations montre comme il a basculé d’une conception centrée sur l’objet à sa consistance et ce qui l’entoure. La vue zénithale et l’usage gravitationnel de certaines enveloppes comme si elles étaient des figures – possible héritage de ses débuts figuratifs – tendent à se réaffirmer dans ses oeuvres composites. Auriol s’attache à souligner la présence physique d’éléments pour les mettre au service d’un enchaînement déterminant une séquence flottante, instable. Ses oeuvres sont le théâtre de frictions entre formes lustrées et entités perturbées. Ces zones limitrophes appellent à un éventail de transitions intentionnellement caractérisées où éléments estompés repoussent, soulignent ou viennent se frotter à des profils découpés. En ce sens, l’application de l’aérographe est relevante car elle lui permet de dresser de nouvelles rencontres entre ces entités plurielles.

Aussi curieuse qu’intéressante, l’arrivée de cet outil pneumatique oriente son travail vers une dynamique organique. C’est comme si l’introduction d’une nouvelle procédure au pistolet – laisser passer l’air et y adjoindre un voile de peinture – lui octroyait le temps et la capacité suffisante pour filtrer l’image au travers de la peinture.

Ainsi, ces différentes phases de travail misent sur la plasticité de la peinture pour établir une mise en lumière d’un traitement de l’image qui rappelle la grammaire numérique. Ce rapprochement met à jour un territoire de filtres, de matières et de phénomènes où il n’est plus forcément question de représenter un objet, un paysage mais de l’envelopper et le parcourir. Thomas Auriol joue sur l’impasse productive du regard, en nous proposant une réorganisation visuelle qui montre sa position autour de la construction de la peinture et de la culture visuelle d’aujourd’hui.

Texte Alberto Arenillas © 2018

 

Thomas Auriol
Né en 1987 à Vouziers, France
Vit et travaille à Saint-Brieuc

www.thomasauriol.fr

 

Infos pratiques

Thomas Auriol, Cameraman,
Du 09 au 24 novembre 2018

commissariat Béton Caverne suite à une résidence d’une semaine.
Ouvert les vendredi et samedi de 15h à 18h jusqu’au samedi 24 novembre.

Vernissage dimanche 18 novembre à partir de 15 h à l’occasion de Rennes Art Week-end,

Béton Caverne,
16 rue de la Croix Faucheux
35230 Saint Erblon

www.betoncaverne.org

 

Thomas Auriol, vue exposition Cameramen, Béton Caverne
Thomas Auriol, vue exposition Cameraman, Béton Caverne

 

Thomas Auriol, vue exposition Cameramen, Béton Caverne
Thomas Auriol, vue exposition Cameraman, Béton Caverne

 

Thomas Auriol, vue exposition Cameramen, Béton Caverne
Thomas Auriol, vue exposition Cameraman, Béton Caverne

 

Thomas Auriol, vue exposition Cameraman, Béton Caverne
Thomas Auriol, vue exposition Cameraman, Béton Caverne