[FOCUS] Caroline Schenk, Sous vide

[FOCUS] Caroline Schenk, Sous vide

La vidéo-performance Sous vide (2016) est un des travaux les plus symptomatiques des enjeux et questionnements du travail de Caroline Schenk.

Littéralement emballée dans un sachet de conservation à taille humaine, la performeuse voit son oxygène progressivement aspiré et son corps se comprimer dangereusement. Le processus achevé, au bord de l’asphyxie, elle tente tant bien que mal de faire quelques pas, avant qu’une assistante ne la délivre d’un coup de ciseau. Cette action simple et directe devient alors une vanité vivante, symbole éphémère de la fragilité de la vie. Malgré sa concision et sa lisibilité immédiate, la performance découvre plusieurs strates interprétatives. D’abord présentée comme un vulgaire produit alimentaire, périssable et commun, Caroline Schenk incarne sa vision critique de la mercantilisation de l’artiste. Le corps réifié, réduit à l’état d’objet de consommation, est ici tourné en ridicule («boudiné», «saucissonné»), comme oppressé par la macrostructure industrielle qui la ravale au rang de marchandise. D’une façon plus générale, le motif de l’emballage permet d’incarner un propos sur le décalage entre l’obsession hygiéniste dans la grande distribution et l’aspect mortifère de ces normes sanitaires qui rendent l’humanité froide et mécanique, vide d’elle-même. Caroline Schenk sensibilise ainsi aux dommages de ces protections supposées purifiantes qui, à terme, érodent le contact avec l’autre et produisent de la désaffection, du vide affectif. Le retour au réel, brutal, dit enfin la vulnérabilité de l’artiste elle-même qui, sans la gravité des performances d’Abramovic, de Pane ou d’Export, privilégiant l’humour, en partage néanmoins la force de subversion.
 
Texte Florian Gaité pour Point contemporain © 2017
 
Caroline Schenk
Née en 1964 à Bern.
Vit et travaille à bern.