TEREZA LOCHMANN, DANS LES BOIS
Vue exposition Tereza Lochmann, Dans les bois, Galerie Kaléidoscope, Paris. Courtesy de l’artiste
EN DIRECT / Exposition personnelle Tereza Lochmann, Dans les bois, jusqu’au 02 mars 2024, Galerie Kaléidoscope, Paris
Texte par Anna Remuzon
Originaire de République tchèque, Tereza Lochmann a d’abord suivi une formation à l’Ecole supérieure des arts appliqués de Prague (UMPRUM) avant de venir étudier à l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts de Paris. Aujourd’hui elle vit et travaille à Paris et Pantin et présente sa troisième exposition personnelle à la Galerie Kaléidoscope : “Dans les bois”… jusqu’au 02 mars 2024.
Le titre évoque à la fois la promenade et le conte… un imaginaire peuplé de créatures et de mythes. C’est une ballade et une féerie. Alors… promenons-nous “Dans les bois”… dans cet espace à la fois naturel, sauvage et pourtant secret… où le spectateur peut revenir à l’essence des choses et de lui-même !
Il ne s’agit pas d’un bois singulier mais pluriel… puisqu’il est omniprésent et multiforme dans cette exposition, tout comme dans la pratique de l’artiste. Il faut d’abord pousser la porte, comme une invitation à découvrir ce qui se cache derrière. Un cheval sauvage accueille le visiteur… recto-verso… comme si l’on pouvait voir au travers… comme un mirage. Le spectateur a le sentiment de cet instant furtif d’avoir croisé l’animal. On entre dans le(s) bois par la taille, la gravure et les lignes qui suivent la fibre et lui font raconter une nouvelle histoire. Le support et le sujet ne font qu’un dans un mélange de violence du geste et de tendresse de la matière. Le rapport au bois a une dimension charnelle… une relation profonde entre l’artiste et le spectateur… une incision de la forme et de l’esprit. La blancheur contraste avec la surface du bois et de l’encre brune-noire qui dessine le sujet… un peu comme une brûlure.
Plus loin, c’est un troupeau de chevaux mimétiques qui se déplace librement de part et d’autre sur des grandes lés de papier japon aux dimensions aléatoires. La juxtaposition et la superposition apportent de la profondeur, et un sentiment d’immersion. Un camaïeu de bruns et jaunes créé un jeu de lumière comme une clairière. Le bois devient une évocation par la couleur et non plus dans la taille du bois. On ne retient que le relief et l’impression comme un souvenir. Le tout s’inscrit dans une certaine monumentalité. Le motif de la porte se retrouve en négatif, transféré et démultiplié comme une empreinte. Cette accumulation devient mouvement comme les miroirs d’un praxinoscope ou un carrousel autour du spectateur. Le cheval s’anime comme une chronophotographie d’Eadweard Muybridge ou les cavaliers de Frantisek Kupka. Il peut aussi bien s’agir d’un seul et même cheval à différents instants ou de plusieurs chevaux au même instant. La galerie devient comme un manège au milieu duquel se tient le spectateur comme un dresseur… Doit-il mener ou suivre le mouvement ?
Alors on se perd un peu plus profondément dans les bois et on y retrouve une nouvelle forme d’humanité… une hybridation urbaine et sauvage… Ici ce sont les toiles où se mêlent l’acrylique et la gravure sur bois, comme une seconde nature. L’horizon abstrait et onirique se colore comme une aube ou un crépuscule… et il est habité de ces êtres mi-homme mi-animaux… (et même de quelques Pikachu). Le rapport de l’homme à l’animal est fusionnel. Les figures ont le corps de ce passant ordinaire que l’on croise dans la rue ou le métro mais leur visage est celui d’un tigre, d’une hermine dont la fourrure se confond au vêtement… On retrouve les stries du bois comme autant de textures ou griffures.
Il y a toujours un écho entre les œuvres sur toiles ou sur papier et celles sur bois… comme deux dimensions d’un même sujet… une double réalité. Cette double identité se poursuit dans l’objet puisqu’une chaise devient un corps accroupi… une vanité sculptée dans le bois comme un tatouage contemporain. L’assise, les pieds, le dossier, les accoudoirs… tous les membres forment un squelette… une évocation de la mort aussi menaçante qu’accueillante. Que risque-t-on de s’y asseoir… pour un instant ou pour toujours ? Il ne semble manquer qu’une tête au sommet du trône pour le personnifier.
L’on peut encore apercevoir, entre autres… comme au long du chemin et de la vie… une immense berce du Caucase aussi majestueuse que dangereuse… ou encore une pisseuse accroupie comme à la surface d’une eau calme et étincelante contrastant avec la vision d’un oiseau plongé dans un noir intense… un instant suspendu… poétique et dramatique… un clair-obscur !
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