MANOLIS BABOUSSIS, FOREST DELIVERY

MANOLIS BABOUSSIS, FOREST DELIVERY

FOCUS / Manolis BaboussisForest Delivery, 2006

Les forêts de Manolis Baboussis
par Barbara Polla

Manolis Baboussis est un homme de la Renaissance. Il est architecte, il est photographe et un pionnier de l’enseignement de la photographie en Grèce, il est un dessinateur engagé, un critique acerbe de la société de consommation, un sculpteur, un poète et un planteur d’arbres. À Florence, dans les années 1970, il fut l’élève d’Adolfo Natalini, proche de l’architecture radicale. Pour son travail de diplôme, il propose la dé(con)struction d’un hôpital psychiatrique. Déconstruire, pour vivre. 

Des années plus tard, il « déconstruit », réellement cette fois, le parking de l’École supérieure des Beaux-Arts d’Athènes – l’école même où il avait introduit l’enseignement de la photographie. Déconstruire un parking ? On est au tournant du siècle, la sensibilité écologique n’est pas encore monnaie courante et les utilisateurs du parking voient cette proposition d’un fort mauvais œil. Mais Baboussis tiendra bon. Déconstruire, pourquoi faire ? Pour vivre, encore ! L’artiste remplace le parking par un jardin dont il a dessiné les contours et les allées, qu’il a imaginé, planté, soigné. Ce jardin, ni botanique ni géométrique, est désormais enseveli sous quelques centaines de plantes et d’arbres natifs de Grèce – et des rosiers. Une ode à la nature sauvage qui sait si bien pousser pour peu qu’on lui en laisse la liberté. Et une allée qui conduit à une sorte de baraque en bois peint – le « temple » du jardin. La création de ce jardin luxuriant du presque paradis est un geste singulier d’écologie créative et de développement durable.

Mais Manolis Baboussis ne s‘arrête pas là. Avec Lydia Dambassina, sa compagne, pionnière elle aussi d’une écologie d’art et de vie, ils plantent, sur l’île de Kéa où ils se ont construit des ateliers d’artistes, trois cent arbres. Nous sommes loin encore des 7000 chênes de Joseph Beuys, mais l’utopie agissante est en marche : work in progress. Et une fois les arbres plantés, Baboussis les photographie. Il photographie les arbres de Kéa, les arbres séculaires et ceux qu’il vient de planter. La vie continue. Il photographie aussi le Jardin, il lui parle, lui écrit des poèmes, le filme. Et il dessine des motards, par centaines, qui livrent des arbres. Pourquoi livrer des pizzas, quand on peut livrer des arbres ? Forest delivery. 

Toutes ces œuvres sont montrées, à l’automne 2022, dans l’exposition rétroprospective de Manolis Baboussis qui se tient dans les immenses locaux de l’École supérieure des Beaux-Arts d’Athènes. Il y expose même l’automobile qu’il utilisait encore au début de ce siècle, telle un vestige d’un passé qu’il voudrait définitivement révolu. L’exposition s’intitule, justement, « Le Jardin ».

Barbara Polla

© baboussis drawings183
© baboussis drawings183
Manolis Baboussis, Kea Tzia
Manolis Baboussis, Kea Tzia
Manolis Baboussis, Kea Tzia, 2022
Manolis Baboussis, Kea Tzia, 2022
Manolis Baboussis, Le Parking, 2003
Manolis Baboussis, Le Parking, 2003
Manolis Baboussis, Le Parking, 2003
Manolis Baboussis, Le Parking, 2003
Manolis Baboussis, Le Jardin, 2022
Manolis Baboussis, Le Jardin, 2022
Manolis Baboussis, Le Jardin, 2022
Manolis Baboussis, Le Jardin, 2022