Before Sunrise

Before Sunrise

Les oies sauvages & le dernier rayon de soleil.

L’âme de Before Sunrise est née pendant une conversation en 2018 dans une voiture, un petit espace clos où nous avions 2h30 devant nous.
Que peut bien réunir deux jeunes artistes, des femmes, l’une vidéaste et l’autre performer ?
Des expériences d’étudiantes en art et des histoires d’amour. Mais pas teinté de l’exotisme et la légèreté avec lesquels on aime dépeindre les jeunes femmes communément.
Nous nous sommes rendues vulnérables et en acceptant de nous connaître avec nos aspects plus fragiles, nous sommes revenues sur nos expériences passées.
Nous, qui évoluons dans un monde où la compétition est la règle pour obtenir des résidences et des bourses et où la popularité sur les réseaux sociaux nous permets de communiquer mais cultive également une comparaison permanente.
Nous avons fait bien plus que nous confier, nous avons construit l’espace de confiance dont nous avions besoin toutes les deux.
Aux moments de nos vies de jeunes adultes où le cocon familial
disparaît petit à petit et où la vie d’adulte se fait ressentir de manière violente, la sensation d’amitié entière et totale est peut être l’antidote qui permets de ne pas se laisser embarquer complètement par des courants trop forts et perdre pieds. Au milieu de ce territoire que nous venions d’inventer, nous avons déposé nos douleurs. Des déstabilisations permanentes, les cartes magiques de la vie sont souvent redistribuées parmi les mêmes mains expertes à des mains semblables.

« Les oies sauvages sont comme mes amis. Elles ricanent de retour au pays à se chercher dans les nuages, des points communs. A faire semblant de s’éloigner, les oies sauvages en forme de V. Au départ de mes amours se serre mon coeur. Comme le printemps, vous reviendrez, avec ce rire en forme de V qui ne quitte pas nos lèvres. Gare aux perdus, gare aux absents. A ceux dont les visages ont les contours du vent. »
Alice Delanghe, Les oies sauvages, 05.2020

Mais quel est cet étrange stratagème ? Nous à qui nous avions appris que rien n’est impossible, il semblerait que le ponpon remonte à chaque fois que nous souhaitons l’attraper.
Le petit garçon sur le podium ne semble lui pas s’apercevoir de notre rage, ma tristesse quand près de moi s’approchent les voix désilusionnées me proposant un bonbon, espérant me rassurer avec des subterfuges de régimes, de maquillage, le miroir pour fuir encore plus loin la sensation de pleine possession de ma propre vie.

Les derniers rayons de soleil sont de moins en moins chauds.
Les petites herbes soutiendront le manteau de neige isotherme pendant au moins 3 mois jusqu’à la décongélation à la fin du mois de février. À partir de maintenant les températures vont baisser de plus en plus et plonger lentement les petites herbes dans une somnolence végétale.
Ils se préparent pour la longue nuit. Mes yeux capturent ce moment.
Je t’ai vu, t’éloignant de moi.
J’ai compris avant ton départ que tu vas disparaître et que je vais devoir traverser seule la longue nuit. Nous commençons à voler maintenant.
Le pire ennemi des plantes, qui les conduira à la mort, est le gel.
Il les mord et les tue presque instantanément. Certaines plantes ne survivront pas aux premières vagues de gel.

La glace plonge ses dents au plus profond de ma chair. Mon plus haut combat est maintenant lancé.
J’ai atteint le sommet et je peux voir le ciel, j’en suis immergé.
Je ne peux pas penser, je ne peux pas sentir, je ne peux pas les regarder, je ne peux pas tendre et je ne peux pas comprendre.
J’ai un point, et tout le sang dans mon corps conduit à ce point rouge dans mon cerveau. Je donne tout pour survivre et devenir.

Nous nous sommes liées et avons revisité « Ophélia « , l’héroïne dramatique de shakespeare. Celle qui rêve de liberté plus sauvage que la vie qu’on lui soumet.

« C’est que les vents tombant
des grands monts de Norvège,
t’avaient parlé tout bas de l’âpre liberté
c’est qu’un souffle, tordant ta grande chevelure
à ton esprit rêveur portait d’étranges bruits;
que ton coeur écoutait le chant de la nature
Dans les plaintes de l’arbre et les soupirs de la nuit »
(Extrait de Ophélie, Rimbaud)

Dans notre version, Ophélia s’enfuit du paradis artificiel de la fête, tombeau facile aux illusions de liberté de notre génération pour rejoindre le rivage au petit matin et se laisser partir dans un état de contemplation sous le vent et les vagues.
Ce fut le premier chant qui sonna la marche de cet été 2019 et la genèse du projet que nous allions monter ensemble et qui depuis remplit nos vies au quotidien. Après ce tournage, comme une boîte d’allumettes, Constance retrouva Coralie à Paris et créa avec elle un costume de super héroïne aux motifs d’oiseau migrateur, puis elle s’envola à Tokyo où elle ne savait pas encore qu’elle allait rejoindre Yukie, Megumi, Ayaka, Eri, Yo, Akiko & Haruka.
A son retour du Japon, il apparu évident à Alice et Constance de créer un projet qui ressemble davantage à une communauté et étendre notre espace de confiance à d’autres espaces de confiance créées avec nos nouvelles rencontres.

La vie est ainsi faite, elle-même trouve toujours le chemin pour nous rappeler à son équilibre éternel. Les bulles d’air remontent à la surface et éclatent sans que personne ne le remarque jamais, ouvrant ainsi des voies d’outre tombe.
Parfois même, l’une remonte et en croise d’autres, mélangeant leurs ADN, le patrimoine et ce qu’elles ont vécu, envoyant des données hybrides et nouvelles dans l’univers, rabattant ainsi les cartes.

Il arrive aussi que les oiseaux migrateurs, emportent dans leurs plumages, des minuscules bombes de vie, il arrive que ces petites cellules se nichent au creux de la terre séchée de leurs pattes et arrivent à destination, protégées par une pellicule issue de leurs contextes de départ. Au gré des hasards, des vents, du soleil et d’autres choses que nous ne pouvons pas toujours comprendre, tout un écosystème va être bousculé et va devoir évoluer, poussé par l’urgence du monde et du vivant qui se déplace.
Ainsi les écosystèmes, aussi différents soient ils, suivent de près ou de loin, une trajectoire commune et vont devoir grandir ensemble.

Constance H.

« Toujours la vie invente » Gilles Clément

Projet Before sunrise par Constance Hinfray et Alice Delanghe
Projet Before sunrise par Constance Hinfray et Alice Delanghe
Projet Before sunrise par Constance Hinfray et Alice Delanghe
Projet Before sunrise par Constance Hinfray et Alice Delanghe
Projet Before sunrise par Constance Hinfray et Alice Delanghe
Projet Before sunrise par Constance Hinfray et Alice Delanghe