CÔME CLÉRINO, UN SOUVENIR QUI SE PORTE

CÔME CLÉRINO, UN SOUVENIR QUI SE PORTE

Côme Clérino, Un souvenir qui se porte, Galerie CHLOE SALGADO Paris – Photo Grégory Copitet

EN DIRECT / Exposition Côme Clérino, « Un souvenir qui se porte », jusqu’au 17 décembre 2022, Galerie CHLOE SALGADO, Paris

Entrez dans la GALERIE CHLOE SALGADO, et imaginez : une silhouette emmitouflée entre dans l’espace, contraint dans ses gestes par les multiples couches qui l’habillent. Sa tête est recouverte d’un masque aux allures de passoire, déformé et troué qui ne laisse visible aucun trait de son visage ni aucune expression. Il se déplace dans la galerie et porte de ses deux mains des jarres en céramique dont émanent deux voix distinctes qui parfois s’entremêlent. « Je découvre le poids de ton corps absent alors que se posent sur moi les fils de chaîne et les fils de trame 1» dit l’une. « Ouvrir la voie. Ton corps ancré au sol assure au mien une montée sentinelle. » répond l’autre. La silhouette progresse dans la galerie et propose aux spectateurs qui se trouvent là de porter à leur tour les voix qui continuent la narration de leurs propres ascensions. Progressivement, il se dévêtit des habits qui le couvre et les pose délicatement sur les multiples patères qui ornent les murs. Par ce geste de dépouillement, le personnage construit autour de lui quatre sculptures faites de tulle, de tissus molletonnés et de toiles polyuréthanes thermoplastiques. « J’ai trouvé dans l’ascension un souvenir de toi qui franchit les lignes tracées dans une chaîne de montagnes. » conclue une des deux voix. La silhouette repart, vêtue d’un simple pantalon, ses habits laissés au regard des futurs visiteurs.

« Un souvenir qui se porte » est un voyage dans le passé. Un récit que l’on forge à travers les objets qui ont entouré nos proches et nos ancêtres. Ces objets que l’on porte, de génération en génération, comme les couches successives des vêtements portés par le performeur ralenti par le poids de cette accumulation. Côme Clérino nous invite à nous en délester, non comme des poids à renier ou à abandonner, mais comme une façon de laisser aux autres des souvenirs qui seront ensuite réappropriés. La silhouette fantomatique devient la figure
intime d’un être cher qui aurait disparu, une présence familière accompagnant chaque étape de nos vies.
Côme Clérino perçoit l’absence comme la page blanche à partir de laquelle il pourra réécrire son récit personnel. Il capte ainsi l’empreinte de son arrière-grand-mère, l’une des figures emblématiques de sa famille, à travers une fleur de son chemisier. Flou après flou, cette image abstraite détient l’histoire de son aïeule et la possibilité pour l’artiste de renouer avec ses souvenirs d’enfance. Des souvenirs qui sont intimement liés aux plats italiens cuisinés affectueusement par son père, comme hommage à son propre grand-père immigré du nord de l’Italie pour fuir le fascisme de Mussolini. Invité à répéter la même chorégraphie culinaire dominicale, le père de Côme a cuisiné pour l’exposition le grand classique des spaghettis bolognese, laissées alors à la merci du temps et de la décomposition à l’intérieur d’une sculpture en verre réalisée à quatre mains avec l’artiste Hugo Servanin.

Seize mains se sont rassemblées pour la suite de l’exposition. Dans la deuxième salle, une sculpture-valise ouverte aux courbes singulières révèlent de multiples objets que l’on pourrait trouver dans les bagages d’un.e immigré.e, peu importe le continent ou l’époque où il.elle a pu entreprendre son exode. Côme a invité des artistes et designers à proposer un ou plusieurs objets qui refléteraient leurs souvenirs et symboliseraient les histoires de famille marquées par les stigmates du départ et de l’absence : Ulysse Sauvage y a déposé des verres qu’elle a elle-même créé pour ses grands-parents il y a de nombreuses années ; Pablo Jomaron y a inséré le portrait de son père tenant le portrait de sa bien-aimée ; Marius Perraud, ses propres bijoux et créations modelées avec les chardons cueillis autour de sa maison familiale en Corse ; Valentin Vie Binet, des couverts en céramique en hommage à sa grand-mère et aux grands repas familiaux qu’elle animait. Les bonbons de Luz Moreno ont le goût de clémentine et de rose, comme ceux qu’elle dégustait petite. Dans le poème écrit par Florian Cochet, chants lointains et souvenirs pluriels s’entremêlent, tel un héritage commun.

Chaque objet est ici porteur d’histoires. Revenir à l’essence de leur matériau – la photographie, le verre, la cuisine, l’écriture… – pousse chacun.e des artistes à renouer avec leurs récits passés et à transmettre l’émotion vive que peut posséder un objet. Ces objets a priori usuels deviennent ici de véritables œuvres d’art, par la charge sentimentale qu’ils véhiculent et par la transcendance qu’apportent leurs créateur.trice.s. La valise de Côme Clérino devient le cœur battant d’histoires autant uniques qu’universelles, portée par un chœur d’artistes qu’il a lui-même constitué comme sa propre famille.

1 Texte écrit par Anna Ternon.

Joséphine Dupuy Chavanat

Liste des collaborations :
Florian Cochet – Poème « L’étoile d’araignée »
Pablo Jomaron – Photographie, transfert sur céramique
Jeanne Lieffroy – Conception des vêtements-sculptures
Luz Moreno – Bonbons à la rose et à la poudre de clémentine
Marius Perraud – Chardons corse en bronze plaqué argent et bagues en argent
Ulysse Sauvage – Verre soufflé
Hugo Servanin – Sculpture en verre et résine pour spaghetti bolognese
Anna Ternon – Texte et conception de la performance « Carerro : maille élémentaire »
Sébastien Thill – Danse-performance
Valentin Vie Binet – Couverts en grès émaillé

Côme Clérino, Un souvenir qui se porte, Galerie CHLOE SALGADO Paris – Photo Grégory Copitet
Côme Clérino, Un souvenir qui se porte, Galerie CHLOE SALGADO Paris – Photo Grégory Copitet
Côme Clérino, Un souvenir qui se porte, Galerie CHLOE SALGADO Paris – Photo Grégory Copitet
Côme Clérino, Un souvenir qui se porte, Galerie CHLOE SALGADO Paris – Photo Grégory Copitet
Côme Clérino, Un souvenir qui se porte, Galerie CHLOE SALGADO Paris – Photo Grégory Copitet
Côme Clérino, Un souvenir qui se porte, Galerie CHLOE SALGADO Paris – Photo Grégory Copitet
Côme Clérino, Un souvenir qui se porte, Galerie CHLOE SALGADO Paris – Photo Grégory Copitet
Côme Clérino, Un souvenir qui se porte, Galerie CHLOE SALGADO Paris – Photo Grégory Copitet
Côme Clérino, Un souvenir qui se porte, Galerie CHLOE SALGADO Paris – Photo Grégory Copitet
Côme Clérino, Un souvenir qui se porte, Galerie CHLOE SALGADO Paris – Photo Grégory Copitet
Côme Clérino, Un souvenir qui se porte, Galerie CHLOE SALGADO Paris – Photo Grégory Copitet
Côme Clérino, Un souvenir qui se porte, Galerie CHLOE SALGADO Paris – Photo Grégory Copitet
Côme Clérino, Un souvenir qui se porte, Galerie CHLOE SALGADO Paris – Photo Grégory Copitet
Côme Clérino, Un souvenir qui se porte, Galerie CHLOE SALGADO Paris – Photo Grégory Copitet
Côme Clérino, Un souvenir qui se porte, Galerie CHLOE SALGADO Paris – Photo Grégory Copitet
Côme Clérino, Un souvenir qui se porte, Galerie CHLOE SALGADO Paris – Photo Grégory Copitet
Côme Clérino, Un souvenir qui se porte, Galerie CHLOE SALGADO Paris – Photo Grégory Copitet
Côme Clérino, Un souvenir qui se porte, Galerie CHLOE SALGADO Paris – Photo Grégory Copitet

CÔME CLERINO – BIOGRAPHIE
Diplômé et félicité de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris en 2016, Côme Clérino (1990) développe une pratique pluridisciplinaire mêlant dessin, sculpture, céramique, textile et installation. En 2017, il présente sa première exposition personnelle, Voir au verso, à la galerie Les Gens Heureux à Copenhague. En 2018, après une nouvelle exposition personnelle, Emulsilfy(ing), à la galerie Castellana 22 à Madrid, il est nominé au Prix International de la Peinture de Vitry-sur-Seine. En 2019, il présente ses deux premières expositions personnelles en France, Et si on passait les meubles par la fenêtre ?, à la
galerie Double V à Marseille, et Que devons nous y faire à la GALERIE CHLOE SALGADO à Paris. En 2020, il participe à la 69e édition de Jeune Création à la Fondation Fiminco, à Romainville, et en 2021 à la 65e édition du Salon de Montrouge. Enfin, au premier semestre 2022, il est lauréat de la commission du printemps de la Fondation des Artistes.
https://comeclerino.com