ALICE LEJEUNE, LE FRIGO (2023)

ALICE LEJEUNE, LE FRIGO (2023)

Alice Lejeune – My mother grew up, 2022, détail © Nicolas Guillemot

FOCUS /Alice Lejeune, Le Frigo (2023), dans le cadre de l’exposition Les Vagues, jusqu’au 1er juillet 2023, L’Onde Théâtre Centre d’Art, Vélizy-Villacoublay

Consommable

En 1995, au Musée d’art Moderne de la Ville de Paris, il était possible de découvrir au dernier étage (l’ARC) un supermarché réalisé par un artiste, Fabrice Hyber. Ou peut-être s’agissait-il d’un artiste dans un supermarché. Lorsque Alice Lejeune nous a proposé de réaliser un centre d’art dans un frigo au sein de l’espace vidéo de l’Onde, la proposition m’a immédiatement enchanté. Tout d’abord, Alice assurait la direction artistique de cet espace et il est rare d’inviter une artiste qui devient une consœur en cours de route, également car l’artiste emportait avec elle toute la dimension historique de ce projet, depuis l’élaboration des Kunsthalle en Allemagne jusqu’aux projets plus récents d’artists run space en région parisienne entre autre.

De fait, Alice Lejeune dans sa démarche œuvre par collaboration et par un travail de contextualisation des travaux d’artistes et de graphiste qui accompagnent ses projets. Au fil de nos échanges, l’artiste nous a exposé clairement son objectif « Le frigo est un processus avant une sculpture. Composé d’ingrédients de monstration basique: parois, lumières, ouverture. L’idée est de développer une structure d’exposition et une première mini exposition pour le vernissage au centre d’art de l’Onde. Lors du temps d’exposition j’aimerais entamer les procédures pour déclarer Le Frigo comme un centre d’art.. » Lorsque l’on connaît les problèmes rencontrés aujourd’hui par les centres d’art conventionnés, je dois dire que la proposition d’Alice Lejeune relève bien d’un registre héroï-comique. De fait, la première exploration du Frigo rendue possible pour les Vagues est un prétexte. « C’est une proposition de hacking pour penser aux systèmes de monstration sur une échelle familière. A trop fixer les choses usuelles elles se désarticulent à l’image du “jamais vu”. On en observe alors les composants, les jointures et le grain. » C’est aussi pour cela que Pour cette première exposition dans Le Frigo, Alice Lejeune invite les artistes Lucie Lozano et Anne-Claire Noyer. Le travail de l’artiste se construit aussi dans une démarche d’activation, dans le regard qui se pose aussi sur le registre de la performance qui vient littéralement bouleverser, perturber et modifier le contenu et la temporalité des Centre d’art. C’est aussi dans cette histoire que l’artiste se construit.

La proposition de l’artiste Alice Lejeune resitue également l’incroyable palette d’intervention des artistes, leur imagination et leur possible lutte contre la simplicité des propositions. En cela, elle me semble ici répondre avec justesse à la question posée par le critique d’art Brian O’Doherty dans son article « le contexte comme contenu » (1976) « La neutralité et l’atemporalité revendiquées par l’espace de la galerie sont avant tout l’aboutissement de la victoire de l’interprétation formaliste et prétendument apolitique du modernisme ». Ici Alice Lejeune politise un Frigo dans un cube noir et nous met face à des œuvres d’art pour certaines périssables et littéralement consommables.

Léo Guy-Denarcy