CHLOÉ JEANNE, PRÉSENCE SENSIBLE
Vue exposition Présence sensible, Chloé Jeanne, Château de Tours
EN DIRECT / Exposition Présence sensible, Chloé Jeanne, jusqu’au 14 avril 2024, Château de Tours
par Pauline Lisowski
Commissariat : Sandra Barré
Invitée à exposer au Château de Tours, Chloé Jeanne déploie, avec le regard bienveillant de Sandra Barré, un ensemble d’œuvres dont certaines nouvelles. Son exposition se parcourt comme un lieu d’expériences sensibles, d’ouvertures à des surgissements de souvenirs. Les visiteurs accueillent des sensations, des présences intangibles avec lesquelles entrer en dialogue. L’artiste se laisse porter par l’inconnu, fait confiance au vivant. A partir de ces rencontres, elle apprend à mieux le connaître, en se sentant en faire partie. De même, elle cultive sa sensibilité à d’autres formes de vie, écoute et prête attention à l’ensemble de tous les êtres et matières en croissance.
Résident à Tours, l’artiste s’est attachée à la Loire considérée comme une « habitante et voisine ». Ce fleuve inspire des mythologies, des histoires, toutes sortes de craintes et d’interrogations sur son devenir. Chloé a interrogé les riverains afin de recueillir leurs souvenirs. A partir de ceux-ci, elle a collaboré avec la parfumeuse Camille Chemardin du studio Flair,pour créer une identité olfactive à la Loire. Trois bacs diffusent des odeurs, minérale, végétale et animale, telles trois facettes du fleuve. Cette installation nécessite un temps long afin de ressentir les variations olfactives et les flux, témoins d’une continuité, d’un mouvement, d’une traversée du cours d’eau. Cette œuvre invite également à des rencontres et à des moments de partages de vécus. Elle incarne un ensemble de sensibilités. Ses Portraits de Loire, certains à manipuler, montrent le processus de sédimentation, de dépôt d’un courant, d’un changement d’état, au cœur de sa démarche. Co-créé avec Anne-Lise Voisin, Empreintes de Loire témoignent d’un moment d’imprégnation en bord de Loire.
L’artiste et la curatrice et critique d’art Sandra Barré ont composé l’exposition de manière à inciter les visiteurs à expérimenter différentes postures, celles qu’ils pourraient prendre dans les milieux dits de nature. Elles considèrent les odeurs comme des flux nous guidant, nous incitant à nous repérer, à prendre tel ou tel chemin. Encapsulation de Loiredonne à voir un changement d’état et rend visible en temps réel l’écosystème du fleuve. Remarquons que les odeurs sont fugaces et restent dans la mémoire de ceux qui les respirent. Chloé réalise des éditions papier afin de donner corps aux odeurs conçues en collaboration avec les nez et parfumeurs.
Le voyage olfactif se poursuit à la rencontre du mycelium, qui intéresse l’artiste depuis ses premières œuvres à l’école des Beaux-Arts de Quimper. Elle laisse l’organisme donner naissance à des architectures, des colonnes, qui transmettent à la fois la fragilité et la force du vivant. Le cycle du champignon ainsi respecté, nous invite à prendre le temps d’observer l’organisme qui réagit aux conditions atmosphériques. Le mycelium, cette forme d’intelligence sous nos pieds, inspire et tend vers une relation avec un ailleurs qui nous dépasse, nous échappe. Nos sens nous guident vers ces champignons dont la présence crée une sorte de porosité dans les murs. Du sol au ciel, des forces nous conduisent à nous interroger sur nos relations à l’environnement. L’artiste prend le temps de comprendre l’organisme vivant avec lequel elle crée et complète ses expériences par des recherches scientifiques.
Chloé présente également des œuvres réalisées lors de ses dernières résidences. Dans la série des Pierre Bismuth, elle sublime les matières et révèle leurs préciosités. Elle s’émerveille face aux rencontres entre deux éléments et cultive sa curiosité pour leurs transformations. Ses peintures solubles incarnent le processus de cristallisation influencé par l’atmosphère du lieu.
Récemment, elle a porté son attention sur les flux, ces déplacements intangibles avec lesquels nous pouvons entrer en relation. Ses vidéos telles des curiosités, volontairement non accompagnées d’informations précises, nous laissent imaginer des formes de vie et de transformations, et sont ouvertes à toutes interprétations et sensations.
Dans des vitrines, des échantillons de son atelier, des prototypes d’œuvres, des expérimentations en cours, des lectures et d’autres matériaux avec lesquels elle cohabite, sont rassemblés. Ces indices permettent d’appréhender la démarche de l’artiste, entre recherche artistique, design et science.
Ainsi, cette exposition invite à une expérience olfactive, à ralentir notre rythme afin de s’attarder sur les caractéristiques mystérieuses du vivant. Les œuvres impliquent de s’attarder, d’écouter les sensations qui nous traversent et d’aiguiser son regard sur le monde.