[FOCUS] Giulia Andreani, Abschied

[FOCUS] Giulia Andreani, Abschied

Focus sur l’oeuvre Abschied de l’artiste peintre Giulia Andreani.

Oeuvre : Abschied, 2015, 81x60cm

Artiste : Giulia Andreani, née à Venise (Italie) en 1985. Vit et travaille à Paris. Formée à l’Académie des Beaux-Arts de Venise (Accademia di Belle Arti, Italie, 2008).

 

Les sujets des peintures de Giulia Andreani trouvent leur source dans les images. Des supports visuels que l’artiste collecte dans les archives, celles des dictatures européennes et de la Guerre Froide. Ancienne élève de l’Académie de Beaux-Arts de Venise, l’artiste a pourtant développé une expression picturale loin des traditions. Elle donne à ses peintures à l’acrylique, par l’emploi exclusif du gris de Payne, la teinte de l’aquarelle. Elle exploite des jeux de transparence, des effets d’apparition ou de disparition qui donnent une profondeur supplémentaire à ses peintures. Passionnée de littérature et notamment des écrits de Stefan Zweig, Giulia Andreani a profité de l’opportunité d’une exposition à Rio et d’une résidence à Pétropolis qui fut la dernière demeure de l’écrivain pour développer un tout nouveau travail pictural inspiré de la technique du collage.

Propos de Giulia Andréani recueillis le 13 décembre 2016 :

« Pour l’exposition Sobre as Águas (1), je présente un travail spécifiquement en rapport avec Stefan Zweig qui rejoint mes recherches sur l’époque de la montée du fascisme en Europe. Pétropolis, est la ville où l’écrivain autrichien a terminé le livre Le Monde d’hier et où il a mis fin à ses jours. Cet ouvrage résume beaucoup d’élans que j’ai eus pour faire certains travaux liés à l’histoire, ma volonté et ces efforts qui m’ont parfois bousculée pour comprendre ce qu’il s’est passé. Stefan Zweig a réagi de façon très violente, se disant « trop impatient » pour attendre la fin de la guerre, ne pouvant pas supporter ce que l’Europe aurait pu être après le nazisme. Il s’est suicidé en 1942.

Giulia Andreani, vue d'exposition Sobre as Águas, galerie Luciana Caravello, Rio de Janeiro
Giulia Andreani, vue d’exposition Sobre as Águas
galerie Luciana Caravello, Rio de Janeiro

Le titre de l’œuvre est Abschied ce qui signifie adieu en Allemand. C’est un terme qui revient beaucoup dans toute la prose l’écrivain. L’exposition me permet de revenir à un amour plus ancien que j’ai pour la littérature germanique, autrichienne-allemande, dont on peut ressentir la très forte influence dans mon travail. Je pense aux écrits de Hugo Von Hofmannsthal qui sont très peu connus en France mais qui m’ont beaucoup marquée. Une phrase de cet écrivain dit que « la profondeur se cache. Où ? à la surface ». C’est une pensée fondamentale pour comprendre mon travail. Cette phrase résume assez bien les propos de l’exposition carioca Sobre as Águas,  « Sur les eaux » : Amedeo, Pedro et moi, tous nés au bord de l’eau, travaillons avec les tons bleutés. Dans nos travaux respectifs, les problématiques et les images surgissent d’eaux troubles, de mémoires lointaines.

Giulia Andreani, vue d'exposition Sobre as Águas galerie Luciana Caravello, Rio de Janeiro
Giulia Andreani, vue d’exposition Sobre as Águas
galerie Luciana Caravello, Rio de Janeiro

En revenant à la peinture dont nous parlons, il s’agit d’un portrait de la première femme de Stefan Zweig, Frédérique. Mais on y retrouve aussi la silhouette d’un des portraits le plus connu de l’écrivain. L’œuvre réunit ainsi les deux personnes même si Stefan Zweig est là sans y être vraiment. Cette composition donne le sentiment d’une présence qui n’en est pas vraiment une, elle recèle aussi quelque chose de l’ordre de l’incomplet.

Ce travail est tout nouveau car jamais je n’étais allée si loin dans le collage. Il me laisse beaucoup de liberté. J’ai montré cette peinture à une amie peintre qui a une formation de graphiste. Elle m’a fait remarquer qu’il y a une sorte de travail par calque comme il pourrait y avoir sur Photoshop avec l’idée de détourer les formes. Or dans mon travail, il n’y a aucune post-production d’images par ordinateur. L’expérimentation s’est faite tout au contraire par hasard. J’ai commencé par dessiner des croquis d’après photo pour essayer de comprendre sur quel format j’allais travailler. À un moment donné j’ai découpé la silhouette de Sweig, un masque vide et il était posé sur une impression de photographie … Je me suis rendu compte que le résultat visuel faisait vraiment sens par rapport à ce que je voulais véhiculer.

Je trouve les images, je recueille les textes et j’écris mes propres notes. L’ensemble de la composition, les détails, tout paraît parfaitement s’ajuster malgré cette part incontrôlable qui existe en peinture. Je me fais guider par toute une série d’éléments et pas uniquement par l’image, par la nécessité d’accentuer ou non certains détails. Dans mes peintures, il y a presque quelque chose de l’ordre de l’ontologie de l’image qui est aussi celle de la photographie en particulier ancienne, en tout cas de la photographie argentique quand l’image apparaît petit à petit. Les éléments sont là et font surface petit à petit. À certains moments, il peut même y avoir des hasards, presque quelque chose d’incongru par rapport à l’image source mais qui finalement devient important car révélateur de la construction de la peinture. »

(1) Sobre as Águas exposition collective réunissant les travaux de Amadeo Azar, Giulia Andreani et Pedro Varela sous le commissariat de Daniela Name du 21 janvier au 20 février 2016, galerie Luciana Caravello, Rua Barão de Jaguaripe, 387 – Ipanema, Rio de Janeiro.

(2) Amadeo Azar est né en 1972 à Mar de Plata, Argentine, Pedro Varela est né en 1981 à Niteroi, Brésil.

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Visuels tous droits réservés artistes et galerie Luciana Caravello.

 

Pour en savoir plus :

giuliaandreani.blogspot.fr

lucianacaravello.com.br