DISPATCHES – SANS TITRE
Dispatches, 2024, exhibition view, Sans titre, Paris – Photographie Aurélien Mole
EN DIRECT / Exposition « Dispatches » organisée par Hamish Pearch, jusqu’au 17 février 2024, Sans titre, Paris
Avec Lotte Andersen, Aaron Angell, Aysha E Arar, Gabriella Boyd, Brian Griffiths, Clara Hastrup, Hamish Pearch, John Alexander Skelton, Catherine Story, Sean Steadman, Lewis Teague Wright
Rassemblant treize artistes et créateurs étrangers à Paris, Dispatches est une exploration des thématiques liées au voyage, à l’éloignement et de la capacité de la production créative à traverser les espaces et les lieux.
Faisant office de socles humains, les mannequins habillés de John Alexander Skelton, deviennent des corps dans la pièce, des spectateurs immobiles enveloppés dans les pièces d’archives du designer anglais – dont le travail de recherche explore les traditions folkloriques et historiques des Îles Britanniques. Des broches confectionnées à la main en collaboration avec Slim Barrett, jalonnent également les murs entre les trois silhouettes.
Chaque personnage constitue une île en soi, mais avec chaque nouveau visiteur, la pièce devient un archipel de mondes intérieurs en constante évolution. Les marionnettes se joignent aux mannequins pour constituer une assemblée hétéroclite, peuplée de pèlerins et d’interprètes immobiles. Certains observent, d’autres sont observés. Les marionnettes de Brian Griffiths sont assises, inanimées et semblent pleines de promesses, rêvant d’une vie sur la route comme de se replier introspectivement sur elles-mêmes. De passage également, les personnages fantomatiques de Gabriella Boyd voyagent entre différents états, symbolisant la fugacité de l’espace psychologique.
Les œuvres sur papier d’Aysha E Arar deviennent des dépêches expédiées depuis sa Palestine natale, des instantanées ; elle y conte l’histoire d’une sirène qui découvre quelle n’appartient pas au monde des poissons, un être liminal trop à l’étroit. La résistance créative s’infiltre à travers les fissures, même les plus minces, et le rêve devient une forme de voyage en soi. En parallèle, le travail de Lotte Andersen aborde les histoires familiales liées à l’immigration et à la diaspora poétique, illustrant le cas de sa famille, quittant les Caraïbes et l’Inde pour le Royaume-Uni.
L’escargot d’Aaron Angell porte sa maison émaillée sur le dos, figé dans le temps par le four alchimique. Un mélange géologique de schiste tamisé ; matériau qui a bénéficié de sa dérive continentale. Le mouvement ralenti et flâneur de l’exposition est contrasté par la vitesse et l’activité imposées par des forces extérieures.
La série “Perishables” de Clara Hastrup est constituée de légumes et les fruits modifiés, remodelant le monde à travers une logique satirique et pseudo-consumériste. Un fenouil en sursis est réglé sur le fuseau horaire parisien, chaque jour un radis est réimaginé pour prendre la forme d’un volet de badminton. La pratique de Sean Steadman s’attache également à chercher de nouveaux territoires en explorant des logiques tortueuses. Pour lui, l’histoire de la production d’images, de la Préhistoire à l’ère contemporaine, est corsetée, perforée, emmêlée, gonflée et remodelée en une soupe épaisse sur les toiles.
Les sculptures de Catherine Story, qui rappellent d’anciennes caméras et autres accessoires de cinéma, révèlent avec un M majuscule la Magie des clichés de l’âge d’or d’Hollywood. Si les objets de Story sont les missives d’une époque révolue, ceux de Lewis TeagueWright entremêlent quant à eux la nostalgie avec une sorte de futurisme mystique. Ses Polaroids et empreintes digitales deviennent les outils d’une supercherie, ces images polaroïdes générées par l’IA représentatives d’un avenir imaginé par une entité aveugle, dans la lignée d’une technologie photographique obsolète.
Des œuvres sculpturales plus petites oscillent entre préoccupations macro et micro, arrangées par Hamish Pearch qui réalise des événements tridimensionnels issus de diagrammes et de transformations matérielles. Ainsi, la Terre devient une île au milieu d’une constellation d’étoiles et de galaxies. Lorsqu’on commence à envisager l’insularité à petite échelle, à l’échelle humaine, notre seul espoir est de ne jamais cesser de tendre la main à l’autre.
Song-I Saba & Hamish Pearch