CLAUDIA PASSERI

Campetto, 2019 – Claudia Passeri
Résidence Common Wealth, Scheggia e Pascelupo (Ombrie), Italie
Bourse Bert Theis, Fonds Culturel National (FOCUNA, Luxembourg
© Photo : Roberto Apa

PORTRAIT D’ARTISTE / Claudia Passeri
par Margot Delalande

« Quels mécanismes sont mis en place pour créer des identités et valeurs communes ? Je cherche à déconstruire, décaler certaines perceptions, en faisant un pas de côté ». Direct et sans concession, le travail de Claudia Passeri est engagé dans la mise à nu des travers politiques et sociaux contemporains.

Plusieurs de ses œuvres reprennent des symboles pour mieux les questionner. L’installation Couloir (2013) est un tapis de matériaux organiques et minéraux en forme d’ADN. Tel un chemin de procession, cette pièce interroge la place accordée aux sciences et la façon dont elles peuvent être manipulées, notamment à des fins racistes. Son oeuvre Zeitgeist – Karl Cobain (Centre d’art Le Casino de Luxembourg, 2016) est un néon représentant deux phrases retranscrites en ondes sonores : la première ligne du Manifeste du parti communiste de Karl Marx et Friedrich Engels (“Un spectre hante l’Europe”) et le refrain de la chanson The Man Who Sold The World de Nirvana. Se faisant écho, ces néons mettent en question la hiérarchie des savoirs. “Je questionne la fabrication des images et des symboles de cohésion. J’utilise ces exemples comme des métaphores de mécanismes stéréotypiques”.

Claudia Passeri propose des projets souvent contextuels et dans des lieux non dédiés à l’art contemporain, proches de la vie quotidienne. C’est ainsi qu’elle co-organise des expositions dans les postes douaniers du Luxembourg et au Musée national de la Résistance, avec l’Agence Borderline qu’elle cofonde avec la curatrice Michèle Walerich (2006). Dans son village familial en Ombrie (Italie), elle met en place avec Benoît Delzelle le projet Common Wealth (2019), qui réunit des habitant.es, artistes et penseur.euses autour de la question de la culture des terres. Claudia Passeri investit également des lieux en lien avec le travail : la Chambre des Salariés à Luxembourg, les terrils et l’étang du site sidérurgique d’Esch-sur-Alzette, l’ancienne villa du directeur du groupe sidérurgique ARBED de Dudelange. 

Une partie de son œuvre permet de mettre en lumière l’aliénation des ouvrier.ères comme des cadres de la finance. Silent Hero (2021) est une allégorie du labeur invisible et des personnes oubliées de l’histoire de l’architecture, du travail et de la science. Cette installation est l’ancre d’une clé de tirant posée au sol. En forme de S, la clé de tirant est une tige métallique dont chaque extrémité est solidaire d’une ancre destinée à prendre appui sur la maçonnerie. Le travail de l’artisan qui réalise l’ancre est la seule partie visible d’une clé de tirant. Mais sans la tige métallique à laquelle elle est reliée, et qui ne se voit pas sur un bâtiment, un édifice ne tiendrait pas. Avec cette œuvre, l’artiste s’attèle à montrer l’importance des gestes de chacun.e et l’effort collectif. 

Claudia Passeri insiste sur l’empouvoirement personnel, la capacité des individus à agir sur les conditions sociales, économiques, politiques ou écologiques auxquelles ils.elles sont confronté.es. Fille d’immigrés communistes italiens, elle soulève la problématique de l’enfermement dans une classe sociale déterminée. La peinture murale, sur laquelle on peut lire l’inscription Sous le haut patronage de nous-mêmes (2019) et qu’elle réalise sur la façade de la Chambre des salariés du Luxembourg, en est l’incarnation. A la manière de papillons de résistance, Claudia Passeri essaime ses messages métaphoriques et poétiques dans l’espace public.

Margot Delalande
Texte écrit avec le soutien de Kultur | lx – Arts Council Luxembourg

CLAUDIA PASSERI – BIOGRAPHIE
Claudia Passeri (1977, Esch-sur-Alzette) a étudié la scénographie à l’Accademia delle Belle Arti di Bologna, la photographie à l’ESI «Le 75» à Bruxelles et à l’IED à Rome. Elle vit et travaille au Luxembourg et en Ombrie (Italie).
Elle a notamment exposé au MUDAM à Luxembourg (2014 et 2022), à BOZAR à Bruxelles (2015), au FRAC Lorraine à Metz (2015), au Hudson Valley Moca à Peekskill (2012). Elle a présenté des expositions personnelles à la Galerie Nosbaum Reding à Luxembourg (2020), à Lët’z Arles – Rencontres internationales de la Photographie d’Arles (2019), à la SRISA Gallery de Florence (2017), aux Centres d’Art de Dudelange (2015). 
Elle a créé plusieurs projets collectifs curatoriaux et résidences d’artiste parmi lesquels l’Agence Borderline (fondé en 2006) avec Michèle Walerich, Transitus immobilis (2018) avec Catherine Lorent et Serge Ecker et Common Wealth (2018) avec Benoit Delzelle. Depuis 2016, son œuvre Zeitgeist-Karl Cobain est exposée au Casino Luxembourg.
http://www.claudiapasseri.net