RAPHAËL REICH

RAPHAËL REICH

PORTRAIT D’ARTISTE / Raphaël Reich
dans le cadre de « portrait d’étudiant.e.s et amis artiste » par Ernest Thinon

La proposition est celle d’un auto-stopper. Partir sans savoir ni comment ni où se déroulera le voyage. Prêt pour quelque chose, mais quoi?

C’est dans cet état d’esprit que vous êtes invité à pousser, au hasard de votre déambulation, la porte d’une pièce souvent oubliée dans l’école d’art du 5 quai de la Daurade. Une invitation pour aller n’importe où,une invitation à se laisser emporter par les vagues. La porte poussée, un espace vide, abandonné, ou plutôt dans l’attente. On surprend cet espace en train de ne rien faire, en pause presque. On pense le trouver par hasard et le prendre par surprise mais lui nous regarde, il nous a aperçut bien avant qu’on ne le voit. La vie de cet espace inhabité est discrète, comme un murmure, une boule de poussière ou bien le dernier écho d’une parole dite il y a longtemps, presque un souvenir plus qu’une présence tangible. Pourtant à chacun de nos pas, les champignons au plafond nous toisent et les fleurs derrière les volets répendent déjà la rumeur de notre présence aux invisibles, vivants là. Tout comme les noiraudes d’Hayao Miyazaki, la vie muette semble se réveiller dès lors qu’un.e visiteur.euse pose les yeux sur elle.

Le propre de l’auto-stopper.euse même si iel n’en a pas conscience c’est de transporter des graines d’un bord de route à un autre, de participer à ce grand chasser-croisé de biodiversité. Ces petites graines qui se coincent sous nos chaussures, dans l’ourlet de nos pantalons et qui s’aggripent fermement à vos sacs à dos trop lourds, ce sont ces petites vies que l’auto-stopper.euse répend. Ca se propage, se volatilise, s’envole et dégringole autour de nous, et trop concentré.es sur le voyage, le pouce en l’air nous en oublions le charme et la magie de ces compagnes de routes.

Dans cette pièce et ces multiples interventions l’espace se joue de nous, peut être que tout ne sera pas donner à voir, que vous passerez à côté des moustiques qui colonisent les plaques métalliques posées au sol et que vous éviterez de justesse de vous prendre les pieds dans des piques anti-pigeons qui sortent des chaises gisantes de part et d’autre. C’est une joie paisible de découvrir un lieux; l’excitation ténue se mue ici en curiosité soutenue lorsqu’enfin nos yeux s’habituent à cet éspace vidé de toute existence ostentatoire. L’image brisée au sol attire enfin nos yeux et chuchote doucement son histoire. Les présences se multiplient et le lieu et ses décombres que l’on pensait stériles en deviennent presque hostiles. L’endroit est déjà habité par ces formes aux pointes plus ou moins acérées. Elles survivent en s’accrochant ainsi à nous, profondément.

L’auto-stopper.euse ne part pas en voyage, iel part en mission.