[EN DIRECT] Interprétations à l’oeuvre – Astérides – Friche la Belle de Mai – Marseille

[EN DIRECT] Interprétations à l’oeuvre – Astérides – Friche la Belle de Mai – Marseille

Les commissaires Mathilde Guyon et Anne-Marie St-Jean Aubre nous convient dans le cadre de l’exposition Interprétations à l’œuvre coordonnée par Astérides (Marseille) et la Fonderie Darling (Montréal) à observer, décoder, expérimenter les gestes quotidiens, politiques ou sociologiques. L’exposition Interprétations à l’œuvre fait vivre le geste, en restitue la dynamique qui le caractérise, quelle que soit sa nature, afin que le visiteur s’en empare. Un parcours à vivre comme un espace vivant qui s’enrichit d’une série de performances et conférences d’août à fin novembre.

 

Interprétations à l'oeuvre - Astérides et Fonderie Darling - Friche la Belle de Mai - Marseille

 

Qu’il soit langage et qu’il vienne renforcer l’expression orale, ou expression corporelle autonome, qu’il soit une simple attitude, ou contraint par l’environnement, actif ou passif, politique, militant, résistant ou la manifestation d’une conquête ou d’une soumission, chaque geste est un « signe », un élément de langage complexe recelant une multitudes de données. Un terreaux fertile d’ « attitudes », pour reprendre le terme d’Harald Szeemann, propices à l’analyse et que les artistes mettent en forme. L’interprétation relate le passage du geste de son contexte par la vision de l’artiste, qu’il soit plastique ou chorégraphique. Un passage que les commissaires ont voulu participatif avec les visiteurs de l’exposition.

 

 

C’est avec humour que Tom Castinel dans la vidéo Métachorée (2015) remet en jeu la dimension ergonomique avec laquelle les objets domestiques sont conçus à travers une utilisation faisant fi de toute rationalité. Il s’amuse à en expérimenter les formes. Une performance au caractère libératoire, qui révèle combien les gestes sont conditionnés au quotidien par une batterie d’objets domestiques. Cette contrainte est aussi révélée par Jennifer Caubet à travers la pièce  X.Y. (2015), nous menaçant d’une double volée de flèches mue par un système complexe de poulies d’arcs de chasse. Le geste est aussi réflexe. Il est conditionné par le désir de rester hors d’atteinte.

 

Interprétations à l'oeuvre - Astérides et Fonderie Darling - Friche la Belle de Mai - Marseille

 

Il peut être aussi volonté de s’exposer dans une dimension toute sociologique au groupe. Le geste est alors l’expression d’une intériorité, ici celle de la manière dont est ressenti l’ambiance musicale et comment celle-ci devient moteur du corps. Jimmy Robert au moyen d’une vidéo de 6′, Vocabulary (2011) , restitue le mouvement corporel de danseurs en club. Sa pièce en faisant l’inventaire des gestes d’une danse que chacun pourrait croire personnelle, tend vers une approche sociologie qui nous en montre le caractère mimétique et en révèle la dimension générationnelle. Une approche que Luis Jacob a étudié dans Towards a Theory of Impressionist and Expressionist Spectatorship (2002). Le spectateur est convié à adopter les mêmes postures des oeuvres sculptées qu’il regarde, l’invitant dès lors à communiquer avec elle. Nadège Grebmeier Forget étudie dans Trois réflexions (2013) l’attitude des spectateurs, les conditions de la réception de ce qui est vu et les enjeux de hiérarchisation qu’elles recèlent. Karen Kraven dans 37 Fouettés (2015), oeuvre qui est la notation d’un mouvement de ballet, saisit toute la complexité de l’environnement dans lequel les danseurs de ballets évoluent.

 

Interprétations à l'oeuvre - Astérides et Fonderie Darling - Friche la Belle de Mai - Marseille

 

Tels des oeuvres d’art, les vêtements suspendus de l’installation Hier est aussi demain et aujourd’hui est comme ici d’Ulla Von Brandenburg nous rappellent cette proximité avec notre quotidien même si ces accessoires de scène proviennent de vestiaires de spectacles vivants de différentes époques. Des vêtements qui pourraient être ceux que l’on revêt chaque jour tels des habits de scène et soulignent à quel point toute notre vie est chorégraphiée. C’est l’habit lui-même qui induit nos manières de nous mouvoir dans l’espace. Nous effectuons des gestes qui, s’ils sont parfois solitaires, deviennent, dès lors que nous sommes en groupe, de véritables ballets. Avec Sleepers, Carole Douillard, en décontextualisant l’acte d’endormissement pour l’analyser publiquement, en fait une démonstration sensible, d’abandon. Des réalisations qui témoignent que la chorégraphie n’est pas réservée à la danse mais qu’elle caractérise tous nos mouvements.

 

Interprétations à l'oeuvre - Astérides et Fonderie Darling - Friche la Belle de Mai - Marseille

 

Catherine Lavoie-Marcus propose, à partir d’impressions de spectacles de danses, des ateliers de découpages et de collages qui visent à sans cesse réinventer et enrichir le répertoire des danses classiques et contemporaines par des postures inventées qu’un groupe de 6 danseurs interprètent ensuite. Juxtaposés, l’ensemble de collages compose de nouvelles chorégraphies. Les Anarchives de la Danse réinventent et proposent un dépassement des codes classiques de la danse. Le geste devient dès lors dissident. Il est un langage, l’expression d’une contestation, du refus d’une soumission et révélateur de l’histoire comme chez Julien Creuzet dans Opéra Archipel.

Le collectif Leisure (Meredith Carruthers et Susannah Wesley) avec  Dualité / Dualité (2015) ou Rope Studies (Études de cordes, 2016) isole le geste, fige la posture, nous montrant la manière dont il génère une émotion ou comment, par le jeu des corps avec une corde, il peut être producteur de nouvelles formes. À partir d’une chorégraphie, Dualité, de Françoise Sullivan et Jeanne Renaud, et du processus de documentation en deux temps, la proposition du collectif Leisure marque à la fois la dualité des corps qui performent (et donc les tensions de la collaboration) et le choc de deux interprétations d’une même chorégraphie à 40 ans d’écart – 1948 et 1988. Un principe de dualité, fondement de toute communication, cette « double articulation du langage » dont parle le linguiste André Martinet, qui révèle le pouvoir créateur du geste, la transmission qui est source vivante d’énergie et même de vie.

Informations pratiques sur l’exposition