MIMOSA ECHARD, NUMBS

MIMOSA ECHARD, NUMBS

Mimosa Echard, Numbs, vue d’exposition, Galerie Chantal Crousel, 2021. Courtoisie de l’artiste et de la Galerie Chantal Crousel, Paris. Photo : Aurélien Mole.

EN DIRECT / Exposition Numbs de Mimosa Echard, Galerie Chantal Crousel Paris

par Laure Jaumouillé 

Pour sa première exposition personnelle à la Galerie Chantal Crousel, Mimosa Echard présente une sélection d’œuvres récentes qu’elle intitule « Numbs ». Ce titre anglophone n’est autre qu’une allusion au sommeil et à l’engourdissement. Tout commence par un narcisse cueilli dans les Cévennes, tout près de la maison où l’artiste a grandi. Fleur aux propriétés anesthésiantes, le narcisse partage l’étymologie de « narco », qui vient du grec narkè, c’est à dire la « torpeur ». Depuis de nombreuses années, Mimosa Echard s’intéresse aux plantes, à leurs singularités particulières, et à la fonction sexuelle de la fleur. Ce faisant, son exposition fait écho à l’ouvrage d’Emanuele Coccia, La Vie des Plantes (2016). L’auteur dédie le dernier chapitre de son livre à la fleur. Il la définit dans sa dimension sexuelle, considérant le sexe comme un mouvement du cosmos dans sa totalité1.

Au sein de la galerie, l’artiste orchestre la rencontre entre trois séries d’œuvres : les Numbs, les Sap et les Narcisses. Les Numbs apparaissent comme des agglomérats hétéroclites dont le dénominateur commun est le tirage photographique de la silhouette d’une femme allongée, probablement endormie. On pourrait y voir une allusion au célèbre tableau disparu d’Ingres, La Dormeuse de Naples (1807), cette fois-ci de vue de dos. Les Sap, dont le titre signifie « la sève », sont des sculptures de perles rocailles suspendues au plafond et éclairées d’une lumière zénithale. Elles viennent ponctuer, et par là-même « définir » l’espace de la galerie tout en évoquant par leur titre un rapport intime au monde végétal. Les Narcisses enfin sont des compositions sur plaques d’acier enveloppées de bas rose, beige ou noir. Celles-ci évoquent des jeux érotiques désignés par le nom de « stocking », permettant à deux personnes de pénétrer un même bas en lycra. L’œuvre intitulée Numbs Narcisse (2021) cristallise les enjeux multiples de l’exposition. On y observe le narcisse figurant sur le carton de l’exposition, ainsi que différentes strates photographiques, parmi lesquelles figure la femme endormie vue de dos, des colliers de perles, du gloss, des pistils de fleurs, des gélules ou encore des chutes de mousseline de coton. Au travers de l’organe reproductif des fleurs -le pistil-, l’exposition évoque l’éveil à la sexualité d’une jeune femme ou encore d’une adolescente. Une biche, un panda ou encore un sticker Hello Kitty s’immiscent dans les tableaux de l’artiste. Dans l’exposition de Mimosa Echard, tout s’interpénètre et se transforme. Une peau de mouton se trouve parsemée de noyaux de cerise et surplombée d’une écharpe synthétique (Kim Cushion). Dans une œuvre telle que Numbs (Evatar) ou encore Numbs (Panda), apparaît la plante dénommée Clitoria ternatea, qui se distingue par la teinte bleue de ses fleurs. Leur forme, qui rappelle la vulve, a produit en latin le mot « clitoria » ou encore « clitoris ». C’est ainsi que se manifeste, au fil des œuvres de Mimosa Echard, une forme d’érotisme qui rappelle à notre souvenir l’injonction de Marcel Duchamp « Rrose Sélavy », autrement dit, « Éros c’est la vie ».  

Au sein de ses œuvres, Mimosa Echard associe le vivant et l’inerte ; Éros et Thanatos se livrent un combat sans merci. Les éléments multiples que l’artiste introduit dans ses tableaux viennent se contaminer les uns-les-autres. On se trouve alors au croisement entre l’organique et l’artefact ; ces deux entités enchevêtrées sont mises sur un même plan et évoquent des êtres apparentés à des cyborgs. Tandis que l’artiste tend vers la construction d’une identité féminine, la question du désir est omniprésente. Cependant, la pulsion de mort qui y est associée nous rappelle un film tel que Virgin Suicides de Sophia Coppola (1999). L’intimité des rêves et la sensualité d’un désir naissant nous sont livrées dans les interstices qui séparent les œuvres, ouvrant la question d’une dimension autobiographique. L’exposition est accompagnée d’une musique composée par Aodhan Madden qui apparaît ici comme une forme de berceuse aquatique. Les bijoux fantaisie de pacotille côtoient un imaginaire précieux et délicat. On sort de l’exposition de Mimosa Echard comme on sortirait d’un rêve éveillé, un rêve érotique décliné au féminin.

 1 COCCIA Emanuele, La vie des plantes, Une métaphysique du mélange, Bibliothèque Rivages, Paris, 2016, p.137. 

Laure Jaumouillé 

Mimosa Echard, Numbs, vue d’exposition, Galerie Chantal Crousel, 2021. Courtoisie de l'artiste et de la Galerie Chantal Crousel, Paris. Photo : Aurélien Mole.
Mimosa Echard, Numbs, vue d’exposition, Galerie Chantal Crousel, 2021. Courtoisie de l’artiste et de la Galerie Chantal Crousel, Paris. Photo : Aurélien Mole.
Mimosa Echard, Numbs, vue d’exposition, Galerie Chantal Crousel, 2021. Courtoisie de l'artiste et de la Galerie Chantal Crousel, Paris. Photo : Aurélien Mole.
Mimosa Echard, Numbs, vue d’exposition, Galerie Chantal Crousel, 2021. Courtoisie de l’artiste et de la Galerie Chantal Crousel, Paris. Photo : Aurélien Mole.
Mimosa Echard, Numbs, vue d’exposition, Galerie Chantal Crousel, 2021. Courtoisie de l'artiste et de la Galerie Chantal Crousel, Paris. Photo : Aurélien Mole.
Mimosa Echard, Numbs, vue d’exposition, Galerie Chantal Crousel, 2021. Courtoisie de l’artiste et de la Galerie Chantal Crousel, Paris. Photo : Aurélien Mole.
Mimosa Echard, Numbs, vue d’exposition, Galerie Chantal Crousel, 2021. Courtoisie de l'artiste et de la Galerie Chantal Crousel, Paris. Photo : Aurélien Mole.
Mimosa Echard, Numbs, vue d’exposition, Galerie Chantal Crousel, 2021. Courtoisie de l’artiste et de la Galerie Chantal Crousel, Paris. Photo : Aurélien Mole.
Mimosa Echard, Numbs, vue d’exposition, Galerie Chantal Crousel, 2021. Courtoisie de l'artiste et de la Galerie Chantal Crousel, Paris. Photo : Aurélien Mole.
Mimosa Echard, Numbs, vue d’exposition, Galerie Chantal Crousel, 2021. Courtoisie de l’artiste et de la Galerie Chantal Crousel, Paris. Photo : Aurélien Mole.
Mimosa Echard, Numbs, vue d’exposition, Galerie Chantal Crousel, 2021. Courtoisie de l'artiste et de la Galerie Chantal Crousel, Paris. Photo : Aurélien Mole.
Mimosa Echard, Numbs, vue d’exposition, Galerie Chantal Crousel, 2021. Courtoisie de l’artiste et de la Galerie Chantal Crousel, Paris. Photo : Aurélien Mole.
Mimosa Echard, Numbs, vue d’exposition, Galerie Chantal Crousel, 2021. Courtoisie de l'artiste et de la Galerie Chantal Crousel, Paris. Photo : Aurélien Mole.
Mimosa Echard, Numbs, vue d’exposition, Galerie Chantal Crousel, 2021. Courtoisie de l’artiste et de la Galerie Chantal Crousel, Paris. Photo : Aurélien Mole.
Mimosa Echard, Numbs, vue d’exposition, Galerie Chantal Crousel, 2021. Courtoisie de l'artiste et de la Galerie Chantal Crousel, Paris. Photo : Aurélien Mole.
Mimosa Echard, Numbs, vue d’exposition, Galerie Chantal Crousel, 2021. Courtoisie de l’artiste et de la Galerie Chantal Crousel, Paris. Photo : Aurélien Mole.