Give me a place to stand, Léonie Young et Anna Raczynska, la malterie Lille

Give me a place to stand, Léonie Young et Anna Raczynska, la malterie Lille

GIVE ME A PLACE TO STAND1

Give me a place to stand rend compte des dernières expériences du programme de résidences croisées, né en 2013 entre le BWA-Wroclaw / Galeries d’art contemporain et la malterie à Lille.

Elle propose un dialogue entre la résidence que Léonie Young a réalisé à Wroclaw en 2016, et celle que l‘artiste polonaise Anna Raczynska a effectuée à Lille en 2017, faisant toutes deux l’expérience de se détacher de leur lieu habituel de production et de vie, pour explorer les spécificités de contextes autres, sur lesquels elles ont pu porter un regard neuf.

Il s’agit bien de porter le regard : Léonie Young, utilisant principalement dans son travail le médium photographique, prélève ce qui lui saute aux yeux. En le découpant, elle recompose, à partir de cette matière première constituée de singularités frappantes, la cartographie subjective des espaces traversés.

Marqués par l’absence, ces lieux, ou ces non-lieux, se révèlent dans leur nudité comme autant de portraits d’une ville étrange parce qu’étrangère.

S’y mêlent les traces d’une utopie déjà dépassée, oscillant entre l’espoir d’un futur technologique radieux et la cruauté d’un parc de loisirs vidé de ses visiteurs : le Futuroscope que Léonie Young nous propose reflète dans les vitres de ses buildings la vacuité d’un fun révolu et de ses alentours retournés.

Confrontée, en même temps qu’à de nouveaux lieux, à de nouveaux objets – par exemple les clefs de son appartement lillois et de son atelier à la malterie, possessions temporaires -, Anna Raczynska tisse entre eux un récit imagé : le mythe français se réduit à une fantasque Tour Eiffel de baguettes que les pigeons, dans leur tourisme affairé, ne prennent pas même le temps de picorer ; le modèle réduit en kit d’un Tupolev, chiné à la Braderie, prend des dimensions disproportionnées ; une haie s’hybride en grille vidéosurveillée…

L’exposition devient le théâtre intrigant de microfictions liées à la résidence elle-même, dans un processus d’éloignement et de rapprochement combinant, comme dans Alice au pays des merveilles, des échelles incompatibles. Echappatoires et enfermements se font écho pour en souligner la liberté et les contraintes.

En résidence : le terme évoque l’habiter.

En quelque sorte, l’artiste en résidence se trouve une demeure. La résidence est une façon d’habiter l’errance qui sans cesse recompose l’assemblage entre un corps, un lieu et une action.

Il y a alors accélération des histoires : qu’elle soit de quelques jours ou de plus d’un an, la résidence libère les énergies, exacerbe les désirs, courbe le temps. L’entropie et le tropisme se font face et se mêlent pour générer les conditions d’une immersion rapide, la tête la première. Dans le même temps, l’étrangèreté permet de prendre de la hauteur, de saisir d’un regard les (dys)fonctionnements locaux…

La dualité entre superficialité et surplomb s’efface. Il s’agit de flotter tout en prenant racine – on pourrait appeler ça une double contrainte, ou une double appartenance, ici et ailleurs à la fois. Une traversée – comme celle que Poliphile2 entreprit pour sortir de la forêt merveilleuse où un beau matin il se réveilla, pour, par-delà la clôture, se promener seul au monde dans un champ de ruines gigantesques parsemant un paysage radicalement nouveau.

De cette combinatoire entre une liberté sans attachement, qui permet de survoler l’espace, de le zoomer et de le dézoomer, d’y découper les morceaux sur lesquels s’attarder, et le besoin de produire de nouvelles pièces pour conclure la résidence, en beauté, par une exposition, naît le sentiment ambivalent d’un devoir d’être au monde et d’un désir de s’y arracher.

La résidence devient alors le lieu d’un face à face solitaire entre l’artiste et une terre inconnue, dont l’incongruité et les détails se révèlent avec acuité, comme dans un rêve.

L’utopie qui s’offre avec constance dans l’exposition exploite ainsi, à partir de cet endroit où l’on se tient, les trajectoires de ce temps particulier qu’est la résidence en même temps que l’ensemble des possibles qui ont ou n’ont pas existé.

Texte Jean-Christophe Arcos pour la malterie.

1 «Give me a place to stand and with a lever I will move the whole world.», en français «Donnez-moi un endroit où me tenir et, avec un levier, je soulèverai le monde», citation attribuée à Archimède.

2 Francesco Colonna, Le Songe de Poliphile (Hypnerotomachia Poliphili), Aldo Manuce éditeur, Venise, 1499.

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L’exposition Give me a place to stand organisée par la malterie a suivi la résidence et montré le travail réalisé par Léonie Young en 2016 à Wroclaw et celui d’Anna Raczynska à Lille en 2017. Accueillie à l’Espace Le Carré à Lille du 23 novembre 2017 au 7 janvier 2018, cette exposition est le fruit du commissariat de Jean-Christophe Arcos proposant un dialogue entre les deux artistes. 

Cette exposition a reçu le soutien de la Direction des arts visuels de la Ville de Lille, de l’Institut polonais de Paris, de l’Ambassade de Pologne, du Programme d’Artistes en Résidence A-i-R Wro / Capitale Européenne de la Culture Wrocław 2016, des services des relations internationales des villes de Wroclaw et de Lille, de l’Institut français dans le cadre de sa convention avec la Ville de Lille.

https://www.lamalterie.com/evenement/exposition/give-me-place-stand

 

POUR EN SAVOIR PLUS SUR LE LIEU

 

Give me a place to stand, Léonie Young et Anna Raczynska, la malterie Lille photo Anna Raczynska
Give me a place to stand, Léonie Young et Anna Raczynska, la malterie Lille. Photo Anna Raczynska

 

Give me a place to stand, Léonie Young et Anna Raczynska, la malterie Lille Photo Pierre-Yves Brest
Give me a place to stand, Léonie Young et Anna Raczynska, la malterie Lille.  Photo Pierre-Yves Brest

 

Give me a place to stand, Léonie Young et Anna Raczynska, la malterie Lille Photo Pierre-Yves Brest
Give me a place to stand, Léonie Young et Anna Raczynska, la malterie Lille.  Photo Pierre-Yves Brest

 

Give me a place to stand, Léonie Young et Anna Raczynska, la malterie Lille photo Anna Raczynska
Give me a place to stand, Léonie Young et Anna Raczynska, la malterie Lille. Photo Anna Raczynska

 

Give me a place to stand, Léonie Young, la malterie Lille Photo Pierre-Yves Brest
Give me a place to stand, Léonie Young, la malterie Lille. Photo Pierre-Yves Brest

 

Give me a place to stand, Léonie Young, la malterie Lille Photo Anna Raczynska
Give me a place to stand, Léonie Young, la malterie Lille. Photo Anna Raczynska

 

Give me a place to stand, Léonie Young et Anna Raczynska, la malterie Lille Photo Pierre-Yves Brest
Give me a place to stand, Léonie Young et Anna Raczynska, la malterie Lille. Photo Pierre-Yves Brest

 

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Give me a place to stand, Léonie Young et Anna Raczynska, la malterie Lille.  Photo Pierre-Yves Brest