Laurie van Melle, HMSWTHM

Laurie van Melle, HMSWTHM

Vue d’exposition Laurie van Melle « HM SWT HM » (home sweet home)
Courtesy Galerie Laure Roynette 
Avec le soutien aux galeries / exposition du Centre national des arts plastiquesWith the support of Centre national des arts plastiques (National Centre for Visual Arts), France

EN DIRECT / Exposition HMSWTHM de Laurie van Melle du 25 janvier au 20 février 2020 à la Galerie Laure Roynette, Paris
par Henri Guette

“Lorsque, dans une chambre donnée, on change la place du lit, peut-on dire que l’on change de chambre, ou bien quoi ?”
Georges PEREC, Espèces d’espaces

Les motifs ont quelque chose de familier pour ne pas dire de domestique. Au travers de sa série Sheets Laurie van Melle ne cache pas reprendre le vocabulaire du tissu d’ameublement. Croix, rayures, petits carreaux. A bien y regarder, on peut voir dans les formes des toiles les contours d’un lit. Un parallélépipède. Les formes simples dessinent une géométrie de l’intime aux lignes variables. Les différents formats et inclinaisons des toiles renvoient à la possibilité même d’une subjectivité, d’un rapport de soi au monde. Comme on fait son lit on se couche : la taille d’un lit est peut-être standard mais pas la place qu’on y occupe, ni le recul que l’on peut avoir sur lui. Le lit se voit-il à la dérobée dans un coin ou de façon spectaculaire au centre de la pièce ? Le lit, lieu du repos et du repli, où qu’il soit situé reste au centre de la chambre et nous révèle. Les typologies d’espaces proposées par Perec dans Espèces d’espaces finissent toujours par définir un corps. Un choix infime, celui des draps, évoque une préférence parmi une possibilité sérielle, la possibilité d’un goût individuel dans une production de masse. Le caractère graphique de l’oeuvre pose la question même du décor.

C’est bien l’expression “Home sweet home” que l’on retrouve dans le titre HM SWT HM débarrassé de ses voyelles peut-être pour gagner en efficacité. C’est l’idée de l’âtre de la cheminée mais sans les flammes, de la chaleur du foyer mais dans des termes qui évoquent un numéro de série. Dans A single man publié en 1964, Christopher Isherwood observait les effets psychologiques et moraux d’une culture de l’objet jetable, produits en quantité et sans bavures selon des plans millimétrés. Il soulignait la mélancolie et l’inadaptation d’un homme au singulier dans des structures d’habitation stéréotypées, le désespoir d’une société où l’on jettera une chaise plutôt que de tenter de la réparer. Entre les lignes peintes à la main, Laurie van Melle cherche à retrouver quelque chose d’humain; il y a des imperfections dans la répétition de motifs qu’une machine pourrait reproduire sans tâche, il y a une place pour l’erreur. Dans les formes du foyer qu’elle reproduit et déplace dans un lieu d’exposition elle développe une sorte de kit de survie en milieu intérieur de par l’ambiguïté même de la peinture. 

En couplant des peintures abstraites à des objets domestiques dans ses furnitures sculptures John Armleder s’était intéressé à la manière dont l’art pouvait entrer dans la vie, devenir domestique dans un enjeu décoratif. Laurie van Melle intervient sur des objets qu’elle place dans un contexte d’exposition, une couette repeinte et prise dans une boite de plexiglass, un rideau imprimé au motif d’une toile vierge.  Le déplacement entretient le trouble quant aux espaces dans lesquels nous évoluons. Le décoratif pourrait être un camouflage. L’artiste déploie une histoire de la peinture où la réflexion sur l’objet des Supports Surface croise les recherches de couleurs et de formes autour de l’abstraction. Elle cherche rigoureusement dans l’espace artistique  les contours d’un habitable. Le vivant est dans l’exposition suggéré non sans humour par un écran avec Teckel 4:3. La vuefixe d’un chien, rendu crépitante par la technologie pousse l’artifice jusqu’au bout. Tout compte réglé avec la modernité, la place de nos espaces intérieurs dans l’art défie nos capacités de projections. Quand pouvons nous vraiment dire être chez nous ?

Henri Guette

Vue d'exposition Laurie van Melle « HM SWT HM » (home sweet home) Courtesy Galerie Laure Roynette  Avec le soutien aux galeries / exposition du Centre national des arts plastiquesWith the support of Centre national des arts plastiques (National Centre for Visual Arts), France
Vue d’exposition Laurie van Melle « HM SWT HM » (home sweet home)
Courtesy Galerie Laure Roynette
Avec le soutien aux galeries / exposition du Centre national des arts plastiquesWith the support of Centre national des arts plastiques (National Centre for Visual Arts), France
Vue d'exposition Laurie van Melle « HM SWT HM » (home sweet home) Courtesy Galerie Laure Roynette  Avec le soutien aux galeries / exposition du Centre national des arts plastiquesWith the support of Centre national des arts plastiques (National Centre for Visual Arts), France
Vue d’exposition Laurie van Melle « HM SWT HM » (home sweet home)
Courtesy Galerie Laure Roynette
Avec le soutien aux galeries / exposition du Centre national des arts plastiquesWith the support of Centre national des arts plastiques (National Centre for Visual Arts), France