MARINA GENADIEVA

MARINA GENADIEVA

Marina Genadieva, Deep pink

ENTRETIEN / Marina Genadieva

DANS LE CADRE DE « PERSPECTIVES SUR L’ART CONTEMPORAIN GREC »
PAR MARIA XYPOLOPOULOU

Marina Genadieva diplômée de l’École des Beaux-Arts d’Athènes, vit et travaille actuellement entre la Grèce et l’île de Chypre. À travers la performance et la peinture, elle explore, avec cynisme et ironie, des questions universelles sur le corps, les identités sexuées et les normes de la beauté imposées par les sociétés contemporaines.

Ses œuvres se caractérisent par des préoccupations politiques et sociales dans une perspective purement féministe. Ainsi, les paillettes que Genadieva utilise dans son travail n’ont rien à voir avec le symbole de la vanité féminine. Dans Deep Pink, elle a passé des heures interminables à souder les paillettes une par une ; un travail qu’elle a trouvé très libérateur et qui pourrait être perçu comme un commentaire sur le consumérisme et « l’éphémère » des ordures.  Marina Genadieva a participé à plusieurs expositions et festivals parmi lesquels la 5ième Biennale d’art contemporain à Thessalonique, la 7ième Biennale des étudiants des écoles des beaux-arts de Grèce (Fondation Theocharakis), Kappatos Rooms (Galerie Kappatos), le festival international d’Athènes et Epidaure(2018). Son travail est aussi répertorié dans le catalogue de «International Painting Annual 4» (INPA 4) de la Manifest Gallery (Ohio, USA). Ses performances ont été présentées en Grèce, aux États-Unis, en Allemagne et en Autriche.

Tu t’exprimes à travers différents moyens : performance, peinture et installations. 

Mes projets explorent des questions liées à l’identité et la construction imaginaire et stéréotypée de la beauté et s’étendent sur des sujets tels que le narcissisme, le consumérisme, le caméléonisme, la commercialisation des êtres humains et des animaux. Dans ma pratique artistique, chacun de ces médiums a une importance particulière : l’un nourrit l’autre. La performance se trouve au centre de mes travaux depuis longtemps. Elle me permet d’entrer en contact avec les spectateurs et de nouer avec eux des liens privilégiés. L’enregistrement audiovisuel de ces projets performatifs constitue une riche source des observations sur moi en action, mes émotions et les réactions du public. Les « traces visuelles » de mes expressions corporelles et émotionnelles pendant la performance inspirent souvent ma peinture. Avec l’aide des couleurs, j’essaie de retrouver sur la toile des sensations aussi intenses que je les ai véues sur scène. 

Le projet The Painter And The Painting présenté dans le cadre de Bridges Residency (Chypre, 2019) souligne ta volonté de relier d’une certaine manière, ta performance avec ton expérience en tant que peintre. 

La palette d’un peintre est à la fois son laboratoire des couleurs et son expansion intellectuelle. Vêtue d’une longue robe blanche qui sert pendant la performance comme une toile, je porte littéralement mon laboratoire de couleur. L’art se transfère à mon corps. Il n’existe plus alors de limites entre moi-même, les objets et l’environnement. Se transformer en œuvre de peinture me permet métaphoriquement d’abandonner mon identité propre, abolir l’unicité de l’être, et devenir un avec mon art. Il s’agit donc d’un projet «pont» qui relie les questions de changement et de transformation identitaires à celle de la production d’œuvres d’art.

All rights reserved Marina Genadieva ©2019

Depuis l’Antiquité, le masque constitue un élément chargé avec des extensions symboliques, sociales et rituelles. Dans ton travail, nous observons à la fois sa répétition comme motif dans la série de peintures With My Fellow et comme élément constitutif dans le projet performatif  Facies & De-facies.

L’utilisation des éléments qui permettent une déformation physique est importante dans ma pratique artistique. À travers la création des masques, je souhaite commenter les rituels du « camouflage » esthétique proposés à une femme. Le maquillage et les procédures cosmétiques sont décrits par les médias comme les seuls moyens pour atteindre les normes contemporaines de la beauté. 

La construction du masque fait partie du processus de la performance, comme nous l’avons vu aussi dans le récent projet Gelina – Like from an Other World (Galerie Kappatos, 2020).

Ce projet s’appuie sur un personnage féminin imaginaire de la culture populaire bulgare. Gelina, son prénom, provient du terme turc « gelin » qui signifie « mariée ». Le mythe raconte l’histoire d’un fantôme féminin associé à l’histoire tragique d’une femme qui a perdu son mari. Selon d’autres légendes, le fantôme de Gelina est associé à l’histoire de jeunes filles qui sont mortes violemment ou qui ont décidé de suicider à cause d’une grossesse non désirée alors qu’elles n’étaient pas encore mariées. Pendant la performance, j’ai essayé de recréer l’ambiance de la préparation d’une femme mariée en imitant les rituels de la cérémonie de mariage des Pomaks dans les Rhodopes bulgares. Pour la création du masque, j’ai utilisé du papier cadeau, des paillettes et des autres ornements qui m’ont transformé en une « poupée vivante » méconnaissable. 

Marina Genadieva – GELINA* – Like From An Other World…

Les paillettes sont un matériau que tu as utilisé aussi dans le projet Deep Pink.

Les poubelles sont un objet familier de la vie quotidienne. Tout ce qui se retrouve dans les poubelles était auparavant précieux pour quelqu’un. Dans cet esprit, j’ai essayé de transformer cet objet ordinaire et quotidien en une œuvre d’art, tout en conservant son utilité. J’ai soigneusement collé sur la surface extérieure de la poubelle de milliers de petites paillettes roses. Les paillettes et les strass sont des matériaux bon marché qui donnent néanmoins l’impression du luxe. Nous les rencontrons très souvent aux vêtements et aux accessoires féminins. La surface brillante peut également renvoyer à l’emballage des cadeaux et anime notre désir de les acheter. 

In the morning of February 6th 2014, Marina Genadieva staged the action  » Pet shop  » near Omonoia square in the center of Athens.
The action is dedicated to imprisoned people and animals.

La performance Pet Shop est un puissant commentaire sur le trafic humain. Comment comprends-tu le rôle de l’artiste dans la société ? Peut-on penser la fonction activiste de l’art en tant que moteur du changement social?

Je crois que grâce à l’art, nous pouvons mieux percevoir et connaître le monde et ainsi essayer de l’améliorer. Mon objectif principal consiste à la sensibilisation du public aux questions sociales. En 2014, lorsque j’ai décidé de prendre place dans dans la vitrine du Pet Shop, j’étais encore étudiante à l’École des Beaux-Arts d’Athènes. Ce magasin se trouvait à proximité de la station du bus qui m’amenait à la fac. Chaque fois, lorsque je traversais la rue Sofokleous – au centre-ville d’Athènes- je me trouvais devant une situation très particulière : des vitrines pleines d’animaux de compagnie à vendre et autres animaux abattus au centre de la rue qui n’attiraient même pas le regard des passants. Des personnes sans domicile fixe qui essayaient de créer aux coins du trottoir une chambre-abri se côtoyaient de la prostitution et du trafic de  drogue. Ce « décor  urbain» de mon trajet quotidien, caractéristique des premières années de la crise économique en Grèce, a inspiré la réalisation de la performance Pet Shop

Marina Genadieva, Facies
Marina Genadieva, Facies
Marina Genadieva, Self portrait with my self-portrait
Marina Genadieva, Self-portrait with my self-portrait
Marina Genadieva, Toy or Toys
Marina Genadieva, Toy or Toys
Marina Genadieva, With my fellow
Marina Genadieva, With my fellow
Marina Genadieva, Two girls
Marina Genadieva, Two girls

Pour avoir plus d’informations sur le travail de Marina Genadieva : http://www.marinagenadieva.com/