Théophile Calot, projet « Copies »

Théophile Calot, projet « Copies »

« Rentrée Littéraire 2018 : Des millions de livres Roman et Nouvelles en stock livrés chez vous en 1 jour ou en magasin … » annonce une plateforme de vente en ligne. Des volumes souvent de plus de 500 pages arborant des hard cover « à l’américaine », ancrent le livre comme un produit qui perd définitivement le lien avec le texte. En présentant l’exposition Copies en ce temps de rentrée littéraire, Théophile calot montre qu’un autre mode d’édition est possible, que l’on peut s’intéresser autant au contenu qu’à la forme. Pour Julia Kristeva(1) l’objet-texte est indépendant du discours, il est une forme autonome et indépendante caractérisé par une « étrangeté » qui échappe aux systèmes de communications courants. Un constat qui peut être appliqué à l’objet de création, oeuvre d’art ou édition à partir du moment où il déploie une pensée. Aux antipodes du « produit livre » se développe « l’objet livre » au tirage limité voire unique, existant comme le développement de la pensée de son créateur.  Dans son projet Copies Theophile Calot établit un dialogue entre la forme livre et la forme plastique, développant de multiples liens entre l’œuvre, le texte qui en parle et l’image qui la représente, et l’extension que peut en être l’édition. 

(1) Julia Kristeva, [Séméiôtiké]Recherches pour une sémanalyse, 1969. Seuil 

 

Peux-tu nous raconter la genèse du projet Copies dont nous trouvons l’amorce dans la carte blanche donnée par Cyril Zarcone pour le catalogue de son exposition Re/Productions

Lorsque Cyril Zarcone, m’a invité à investir une double page de son catalogue, j’ai été ravi car j’étais en train de préparer cette exposition qui faisait tout à fait écho aux problématiques de Cyril. En plus de cette notion de copie, le projet de cette exposition est de faire le lien entre deux espaces d’exposition. Créer un dialogue entre l’espace de la galerie et l’espace du livre. J’ai donc utilisé une photo d’une des pièces vide de la galerie Eric Mouchet, coupée en deux, pour que chacune des parties investisse une page. C’est donc à partir de ce moment où le dialogue commence. Il s’agit du premier des six actes s’appellant Copies_a, Copies_b, Copies_c…. 

Quels sont les termes du dialogue que tu instaures entre les éditions et les œuvres que tu présentes dans l’exposition Copies ? Comment perçois-tu ce « tout » de la pensée qui se développe sur plusieurs supports ? 

Les éditions et multiples présentés dans le second espace de la galerie sont les 6 actes produits par les artistes en amont de l’exposition et qui ont donné naissance aux oeuvres montrées dans le premier espace. C’est le protocole que j’ai proposé aux artistes qui par la suite ont choisi leurs médiums. 

Comment définis-tu la place de l’édition, telle qu’elle peut être aujourd’hui appréhendée par les artistes contemporains, par rapport à l’œuvre d’art ? 

Pour moi l’édition est un médium comme un autre. Au côté de la peinture, la sculpture ou la vidéo, l’artiste produit via ou pour ce médium et s’entoure ou pas d’interlocuteurs pouvant l’accompagner dans cette production. De mon côté, j’aime beaucoup cette collaboration avec l’artiste qui parfois s’ouvre au graphiste, à l’imprimeur afin de réaliser un ouvrage entièrement cohérent. 

Peux-tu nous parler du choix des artistes sélectionnés ? 

La plupart des artistes de Copies, ont un lien avec l’édition. J’ai déjà collaboré d’une manière ou d’une autre avec ces artistes. Par exemple, Valérian Goalec est le premier artiste que j’ai édité (élements, structure horizontale — 01, Théophile’s Papers, 2011) Nous parlons maintenant de notre troisième livre ensemble. Caroline Reveillaud, que j’ai rencontré à la galerie Florence Loewy lorsqu’elle présentait une exposition réalisée à partir d’une de ces éditions. Félicia Atkinson travaille également beaucoup ce médium avec une liberté singulière. Avec Christian Aschman nous avons sorti The Space in Between en 2014 et depuis cela, je l’invite à retravailler le contenu du livre dans divers espaces d’exposition. (Rosa Brux, Bruxelles, 2015; Chez Néon, Lyon 2015, Kunsthalle Charlottenborg, 2016)… Avec Ronan Le Creurer nous avons depuis maintenant quelques années le projet de sortir un livre, mais les choses font que nous travaillons d’abord sur des projets dans l’espace 3D avant d’attaquer la 2D. 

Ne retrouve t-on pas plusieurs caractéristiques du livre dans les œuvres exposées (suspension, pliures, pagination, revers…) ? 

Absolument ! Par exemple, sur les pièces de Félicia Atkinson, nous voyons clairement le folio venant de son livre. Pour les pièces de Caroline Reveillaud, réalisées en toile de reliure, c’est plus discret.
Ensuite pour Christian Aschman, le lien avec le livre est plus conceptuel, car il s’agit de la manière dont ses tirages sont accrochés qui fait référence à son livre. Dans le livre The space in between où il parle d’architecture, de couche, d’espace…les images sont coupées en deux afin de leur donner une nouvelle lecture et traduire la densité de la ville de Tokyo.
De manière formelle ou conceptuelle, chacune des œuvres a donc bien un lien avec l’édition. 

Comment est amené à évoluer ce projet ? 

Nous venons de faire le lancement du catalogue de l’exposition, qui reprend toutes les étapes du projet Copies. Tout d’abord les actes (Copies_a, Copies_b,….) réalisés par les artistes. Ensuite, nous découvrons les étapes préparatoires à l’exposition. Ces étapes se composent des images de recherches des artistes, des moments de fabrication, ou des plans de construction. Nous y découvrons également la résidence que j’ai créée à cette occasion. À St-Etienne-du-Grès en Provence, dans un ancien moulin à huile, j’ai invité trois des artistes du projet Copies à venir travailler pendant une semaine afin de préparer l’exposition à la galerie Eric Mouchet.  À la fin de la semaine, nous avons ouvert une exposition d’un soir afin de clôturer la première saison de la résidence du Moulin de la Croix. À la fin du catalogue nous découvrons les vues de l’exposition à la galerie Mouchet. Pour le moment je vais diffuser ce livre, et je ne serais pas contre montrer une nouvelle fois cette exposition ailleurs. Une idée ?

 

Entretien réalisé par Valérie Toubas et Daniel Guionnet © 2018 Point contemporain

 

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THÉOPHILE’S PAPERS, COPIES, GALERIE ERIC MOUCHET PARIS

 

Valérian Goalec, For His Desk, 2018, 8 pièces de plexiglass teinté orange. Photo © Margot Montigy
Valérian Goalec, For His Desk, 2018, 8 pièces de plexiglass teinté orange.
Photo © Margot Montigy
Vue d’exposition / Publication Copies, Théophile’s Papers, Galerie Eric Mouchet Paris
Valérian Goalec, For His Desk, 2018, 8 pièces de plexiglass teinté orange. Photo © Margot Montigy
Valérian Goalec, For His Desk, 2018, 8 pièces de plexiglass teinté orange.
Photo © Margot Montigy
Vue d’exposition / Publication Copies, Théophile’s Papers, Galerie Eric Mouchet Paris
Valérian Goalec, For His Desk, 2018, 8 pièces de plexiglass teinté orange. Photo © Margot Montigy
Valérian Goalec, For His Desk, 2018, 8 pièces de plexiglass teinté orange.
Photo © Margot Montigy
Vue d’exposition / Publication Copies, Théophile’s Papers, Galerie Eric Mouchet Paris
Vue d’exposition / Publication Copies, Théophile’s Papers, Galerie Eric Mouchet Paris
Vue d’exposition / Publication Copies, Théophile’s Papers, Galerie Eric Mouchet Paris