Vincent Lemaire – Vaalbara, rayonnement fossile

Vincent Lemaire – Vaalbara, rayonnement fossile

EN DIRECT / Exposition Vaalbara, rayonnement fossile de Vincent Lemaire du 10 mai au 13 juin 2016 au 71Bis rue Lamarck 75018 Paris.

Invité par le commissaire d’exposition Andy Rankin dans le cadre d’un projet de cycle d’expositions autour d’un duo « artiste-curateur » initié par l’association Diamètre, Vincent Lemaire nous fait entrer dans son processus de création, un véritable laboratoire à révéler la lumière.
Vincent Lemaire place le processus technique au cœur même de son travail, comme le support d’une histoire qui s’écrit au fur et à mesure de la mise en place de dispositifs liés à la lumière. Pour répondre à l’extrême rigueur que nécessite ses expérimentations, il déclare se préparer à livrer « bataille », à affronter les aléas que comporte une telle entreprise technique réunissant des matériaux fragiles tel que le verre et les produits chimiques des bains révélateurs. Ces conditions venant se confronter également à l’éclairage du lieu même d’exposition.

Entretien croisé entre Vincent Lemaire et Andy Rankin réalisé le 17 mai 2016 :

Andy Rankin : Le point de départ de l’exposition Vaalbara, rayonnement fossile est l’allée de bitume qui se trouvait devant l’immeuble où Vincent Lemaire a grandi. Il en a récupéré quelques morceaux lorsque des travaux ont été engagés dans l’allée et les a conservés dans une valise pour les réemployer par la suite.
Le titre de l’exposition, Vaalbara, fait référence au premier supercontinent avant qu’il ne se sépare en plusieurs plaques tectoniques. Il y a une coïncidence entre l’enfance de la terre et l’enfance de Vincent qui se rejoignent dans cette pièce et qui fait sens.

Vincent Lemaire : Bien que poétique, Vaalbara à une origine scientifique qui caractérise bien les formes que j’ai produites et qui me font penser à une entité première, ancestrale.
D’un point de vue technique, les effets de moirage que l’on voit sur les photographies sont nés au moment du tirage. Ils proviennent de la façon dont le révélateur se pose sur les rouleaux de papier lors du développement de grands formats. Ils ont une part d’accidentel. J’ai essayé de comprendre comment ils apparaissaient. Je me suis aperçu qu’ils étaient le résultat soit de procédés chimiques, soit d’effets de lumière, soit qu’ils étaient dus à la qualité du papier utilisé réagissant différemment à la lumière.

AR : Souvent les visiteurs interprètent dans les effets de moirage de ces photogrammes de plaques de bitume des éléments liés au feu, notamment aux phénomènes optiques que l’on perçoit sur le macadam quand il fait très chaud. D’autres y voient des territoires lunaires ou aquatiques.

VL : En tant que photographe, j’y vois plus un rapport aquatique lié au processus même de révélation car le tirage photographique passe par différents bains. Un processus de révélation qui répond à l’idée du surgissement du continent Vaalbara au milieu d’une immense étendue d’eau.
Lors de l’accrochage, j’ai pris en considération les conditions d’éclairage de l’espace d’exposition et la disposition du lieu. J’ai même reproduit dans mon atelier l’appartement d’Andy au scotch, lors de la phase de création du photogramme, pour respecter les distances et évaluer la lumière. J’ai aussi tiré une photographie qui repend les lamelles du rideau présent entre les deux espaces d’exposition de l’appartement.

AR : Ce tirage fait la transition entre les deux espaces. Il joue avec la lumière car le rideau est mouvant. Il introduit ainsi l’installation qui se trouve à l’arrière. On retrouve dans ce deuxième espace les premiers photogrammes que j’ai vus de Vincent et que j’ai eu le plaisir d’exposer lors d’un précédent commissariat intitulé à Champ libre (1). En visitant son atelier, j’avais vu des empilements de tubes de néon brisés qui lui servaient à faire des photogrammes. J’ai voulu rejouer ici ce moment où les tubes sont posés les uns à côté des autres pour sécher. Il y a une esthétique assez belle, propre au laboratoire et à l’imagerie scientifique. La disposition des tubes joue aussi sur la luminosité intérieure et extérieure de l’espace.
Avec Vincent, nous avons pris le parti de présenter dans cette exposition, toutes les étapes de création des photogrammes par l’installation du laboratoire de fabrication afin que le visiteur en ait une vision complète.

VL : Je présente ici une installation qui fait partie de mon processus car je teste les néons usagés que je récupère un par un afin de voir s’ils fonctionnent encore, et les laisse en marche jusqu’au bout. Ici, le parquet amplifie leurs soubresauts et leurs vibrations.

Dans mon travail, la part photographie est importante. Je questionne la maîtrise de la lumière et les processus techniques qui y sont liés. J’ai mis beaucoup de temps à développer le processus d’élaboration des photogrammes même s’il s’agit au final d’allumer puis d’éteindre une lumière projetée sur une installation placée au-dessus de papier photographique.
Le processus, même s’il demande une extrême rigueur, se construit toujours sur de nouveaux accidents car chaque tube a une fréquence différente. Je m’appuie sur ces variations pour composer des partitions aléatoires. Même si j’aime contrôler chacun des éléments, je sais quand j’entame un travail que s’engage une vraie lutte avec une multitude de variables, une série d’événements qui feront que le résultat final n’est pas prévisible. Je suis en permanence sur cette limite entre l’aléatoire et le contrôlé car si le processus ne fonctionne pas, même si je tente d’autres tirages, le résultat n’est pas garanti. C’est la même chose quand je brise les tubes, chaque corde que dessine la brisure est unique. D’une certaine manière je cartographie les résultats de ces gestes répétés. J’effectue dans ce travail un passage entre le volume et la photographie. D’une certaine manière je sculpte la lumière par une série d’empilement de tubes de néons. Je fais de la sculpture dans le noir avec un processus inverse car plus je mets de détails dans le dispositif moins j’en aurai sur le photogramme.

Les photogrammes sont aimantés, ce qui me permet de les exposer d’une manière là-aussi aléatoire. Je les prends comme ils viennent et les expose ce qui me permet de composer ce que j’appelle des « cartes », différentes.

(1) Le soleil, le temps et le feu, exposition collective du 09 au 13 février 2016, Champ Libre à Pantin.

 
Vue d'exposition Vaalbara, rayonnement fossile
Vue d’exposition Vaalbara, rayonnement fossile. Photo : Point Contemporain

Vue d'exposition Vaalbara, rayonnement fossile. Photo : Point Contemporain
Vue d’exposition Vaalbara, rayonnement fossile. Photo : Point Contemporain
Vue d'exposition Vaalbara, rayonnement fossile. Photo : Point Contemporain
Vue d’exposition Vaalbara, rayonnement fossile. Photo : Point Contemporain

Vue d'exposition Le soleil, le temps et le feu, Champ Libre. Photo : Point Contemporain
Vue d’exposition Le soleil, le temps et le feu, Champ Libre. Photo : Point Contemporain

Pour en savoir plus :
www.20100lemaire.com


Exposition réalisée grâce au collectif Diamètre, plateforme de production entre jeunes artistes, commissaires et critiques d’art.
www.facebook.com/diametrejeunecreation