SHELL TALKS

Io Burgard, vue d’exposition ‘Shell Talks’, Photo dotgain.info

EN DIRECT / Exposition SHELL TALKS
OU L’ÉLOGE DU SMALL TALK de Io Burgard
Par She BAM!, Leipzig jusqu’au 31 mars 2021

She BAM! – Laetitia Gorsy est heureuse de vous présenter la première exposition personnelle de Io Burgard en Allemagne, à Leipzig. Pour l’occasion, l’artiste a carte blanche pour investir un espace annexe de la galerie, Untergeschoss 14, 350m2 dédiés à une large série de nouvelles oeuvres sous le thème de l’échange et de la communication.

La ballade dans « Shell Talks » se fait de coquille en coquille. Les coquilles s’entre-crochent et s’appellent d’une voix suave qui se fait l’écho infini d’une saveur apaisante d’éternité. Alors que la rencontre et la communication sont pour l’instant mises à l’écart, nous célébrons avec « Shell Talks » le verbe, le dialogue, les histoires que l’on s’échange. Dans l’exposition, les oeuvres d’Io Burgard se parlent et s’écoutent. Dans ce contexte particulier, on peut penser au « Décaméron », ce recueil si particulier de cent nouvelles écrites en italien par Boccace entre 1349 et 1353 où, à l’heure d’une épidémie foudroyante, un groupe de jeunes gens s’isolent et se racontent chaque jour une nouvelle histoire. On pense aussi au sacré et classique art de la conversation, qui s’est développé dans les cours, dans les salons et dans les cercles bourgeois. On pense aussi au profane et plus contemporain bla-bla que l’on pourrait s’octroyer à la machine à café ou au bar d’à côté. C’est sans privilégier un genre tant que l’on y voit le reflet de ce qui se passe dans le coeur ; toutes les formes d’échanges y sont les bienvenues.

Io Burgard fait partie des gens qui parlent généreusement de tout et qui s’entichent à parler très joliment de la pluie et du beau temps. Quel sujet ô combien politique atypiquement célébré ! Io Burgard ne néglige pas ce tropisme qui permet à ceci et cela de rentrer en communication, de partager une rhétorique coopérative et, peut-être, au fil des mots de se comprendre dans une forme d’intimité, voire de se lover dans de mystérieux secrets ou dans de passionnantes histoires… On ne capitalise pas sur l’art de converser, c’est un sport. Il permet au cerveau une certaine élasticité et souplesse. On se doit de s’entraîner pour l’entretenir. C’est dans une abstraction assez peu figurative qu’Io Burgard s’empare sportivement de cet art de converser.

Dans un registre plus animiste, c’est effectivement d’énergies dont il est question. Entre les oeuvres d’Io Burgard, on peut entrevoir les fils invisibles qui relient les formes et les pensées. Pensées qui sont laissées libres à l’esprit du spectateur, à l’image du son d’un coquillage posé sur l’oreille et qui nous rappelle l’infini alors qu’il n’est seulement le bruit de fond que constitue notre environnement. Les formes des oeuvres proposées se dessinent comme des lignes tracées à main levée. Elles se manifestent dans les ombres délicates du plâtre et de la lumière. Les matériaux sont bruts mais apprêtés, les mailles sont largement tissées et leurs couleurs laissées transparentes. Les canvas sont utilisés à l’état naturel, recouverts de lavis blanc. Sur ces derniers sont pendus des formes molles et sensuelles, des tubes, des tiges, des fruits défendus aux couleurs vives et pétulantes. Leurs vibrations sont contrastées et s’apparentent à des bulles qui s’exprimeraient en notes de musique. Les peintures dessinées d’Io Burgard viennent ponctuer les dialogues entre les sculptures de plâtre. C’est d’ailleurs ce rôle de passeur qu’incarnent « Les Danseurs I et II », représentations du Saint Christophe connu aussi sous le nom de patron des voyageurs. Déjà présentés au printemps dernier au Centre d’art des Capucins d’Embrun, ces entités figuratives entretiennent un lien entre les expositions de l’artiste.

Dans « Shell Talks », les langues ont le premier rôle. Ces sortes de tapis de bouche sont des figures majeures et leurs formes sont certainement les plus concrètes et distinctives de l’exposition. Elles donnent le LA et non sans humour. Franches et directes, elles bavardent encoquillées dans leur moulage. Le minéral formant des sortes de vaisseaux aux rondeurs de conques englobe des brides d’étoffes comme s’il représentait métaphoriquement notre lien social. La langue est dans son dess(e)in l’inverse d’une porte. La porte comme symbole du passage, celui des informations et des questionnements. Que se passe-t-il au passage d’une porte, au passage d’une nouvelle ? De l’entrée à la sortie, du Paradis à l’Enfer, cet infime moment de basculement. Ce moment où le verbe vient donner son sens à la phrase. Cet infime moment d’incertitude. C’est cette langue-porte ou porte-langue qu’Io Burgard choisit comme symbole de quelque chose qui nous unit, qui nous relit, qui nous fait passer d’un état, spirituel ou physique, à un autre.

Le travail d’Io Burgard est une copie conforme de son caractère subtil, rigolo, vif et sensuel. Le vocabulaire d’Io Burgard est singulier, sa grammaire est personnelle et unique. Visiter « Shell Talks », c’est expérimenter Io Burgard dans la splendeur de son geste, de ses nuances de blanc, de ses matières contrastées. L’univers métaphorique d’Io Burgard donne de la place aux histoires, à l’échange. « C’est qu’on a toujours quelque chose à dire » nous dit l’artiste.

Texte : She BAM!, 2021
Lecture et traduction : Éléonore Gros

Pour plus d’information : 
info@shebam.art / tel.: +49 159 01401465

She BAM!
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