Alexandre Bavard, Bad Ems
Vue exposition personnelle Alexandre Bavard, Bad Ems, Galerie Romero Paproki, Paris
EN DIRECT / Exposition personnelle Alexandre Bavard, Bad Ems, jusqu’au 20 mars 2024, Galerie Romero Paproki, Paris
Alexandre Bavard a effectué l’année dernière une résidence au Schloss Balmoral dans la ville de Bad Ems. Un temps de réflexion qui lui a permis de poursuivre son étude sur les marasmes qui secouent la société française depuis plusieurs années, les récents mouvements sociaux montrant les failles de nos démocraties contemporaines. Alexandre Bavard a ainsi entrepris un voyage à Athènes, afin de mener une enquête toute personnelle sur les traces de la démocratie. Au cours de son “enquête”, un terme qui, en grec ancien, partage la même étymologie que le mot “Histoire”, l’artiste s’est rendu compte que les questionnements qui traversent aujourd’hui nos sociétés ont toujours été présents dans les civilisations européennes.
Bad ems peut ainsi être lu comme la suite du projet BRAV mené en 2023 à la galerie Tick Tack (Anvers), dans lequel Alexandre Bavard mettait dos à dos le supposé honneur chevaleresque face à l’hypothétique esprit républicain de la police. Bad ems prend pour point de départ le mythe d’Antigone, héroïne grecque qui brave l’interdit pour tenter d’offrir une sépulture décente à son frère. Cette injustice saisissante l’a inspiré pour réfléchir à une réactualisation de ce mythe par le biais du théâtre, dans la lignée de ses précédentes œuvres. Cette exposition est comme un décor en attente d’activation par des acteur.ices.
En convoquant de nombreuses références issues du monde antique et des cultures urbaines, Alexandre Bavard interroge l’écriture de l’Histoire, la fabrication des mythes, et la construction des gures héroïques contemporaines. Il se saisit de tout l’imaginaire lié aux masques antiques pour mieux le remixer à tout un kaléidoscope de références, de gures et de souvenirs. En produisant ce cortège de portraits, comme autant de héros immémoriaux prêts à habiter une scène, l’artiste déploie sur les murs de la galerie une multitude de visages expressifs. Il est sans doute l’occasion de se rappeler au bon mot de Friedrich Nietzsche, pour qui : «La sagesse, c’est ce que le solitaire se chuchote à lui-même sur la place publique». Ces masques peuvent à leur tour orner les deux écorchés acéphales qui rodent dans l’exposition. Ces derniers sont l’archétype de ces hommes et femmes qui ont été laminés par un système oppressif. Libérés de leur peau, cette membrane qui sépare leur esprit du monde, ces chimères n’en deviennent que plus proches de nous-même.
Pour comprendre les recherches d’Alexandre Bavard, il faut s’intéresser à son singulier système de production, un système qui peut être résumé par la formule : “glanage, collage, moulage, copie”. Un procédé répétable à l’infini pour arriver à obtenir une œuvre finie. Au gré de ses lectures, voyages et pérégrinations, l’artiste a ainsi constitué un important corpus de documents, entre ensembles iconographiques, références historiques et reproductions antiques bon marché. Ses recherches préparatoires débutent par une sélection précautionneuse de certaines images qu’il assemble entre elles de façon très instinctive. Certaines de ces recherches sont ensuite choisies pour être produites en trois dimensions, dans un amalgame de formes récupérées. Si les volumes sont jugés satisfaisant, alors ils sont produits en série et déclinés en plusieurs matières pour pouvoir être recomposés, réassemblés et retravaillés une nouvelle fois. Les moules produisant des copies facilitent la perte d’information entre l’original et le résultat final, pourtant Alexandre Bavard ne cesse d’y ajouter de nouvelles références piochées dans de multiples espaces-temps pour pouvoir les juxtaposer et les retravailler encore et encore constituant ainsi une cosmogonie personnelle.