NOÉMIE PILO, SANS TITRE (2023)

NOÉMIE PILO, SANS TITRE (2023)

Noémie Pilo – Sans titre, 2022, Brique de verre, perle d’eau, 25 x 10 x 15 cm © Noémie Pilo

FOCUS / Noémie Pilo, Sans titre (2023), dans le cadre de l’exposition Les Vagues, jusqu’au 1er juillet 2023, L’Onde Théâtre Centre d’Art, Vélizy-Villacoublay

Sur pierre brûlante

En entrant dans l’atelier de Noémie Pilo on est interpelé par cette brique de verre qui renferme une bille d’eau. A la question empirique du « comment est-ce possible ? » répond la beauté de l’objet, à la fois brique solide et transparente mais aussi cet infiniment petit de la goutte d’eau elle se fait ici à la fois prisonnière et reflet du monde. D’Alembert, dans son Rêve délirant en 1769, proposait de voir l’univers entier dans une goutte d’eau. En découle cette analyse anticipant le concept d’anthropocène : « Tous les être circulent les uns dans les autres. Tout est un flux perpétuel, tout animal est plus ou moins homme, tout minéral est plus ou moins une plante, toute plante est plus ou moins animale, il n’y a rien de précis dans la nature.” Où l’on retrouve le mystère de cette goutte d’eau qui ne devrait pas pouvoir rester ici.

L’œuvre racontée ici n’est pas présente dans l’exposition mais elle traduit fidèlement de l’ambition du travail de Noémie Pilo, de son engagement esthétique comme de sa perpétuelle recherche d’un équilibre au sein de l’œuvre. Elle raconte l’architecture fragile qu’elle y développe. Pour l’exposition Les Vagues, l’artiste donne à voir trois travaux distincts qui dialoguent dans l’espace. Au mur, est présenté un vitrail monochrome en verre sur lequel apparaît un motif de tâches de buée, condensation qui est apparue en amont et qu’elle fixe ici d’une image, d’une écriture photographique. Au sol, l’artiste met en scène un « effet de serre », et le cycle de l’eau, deux démarches et procédés qu’elle va réunir dans un bloc de verre. L’eau réagit aux différences de température, s’évapore, se condense et recommence en huis clos perpétuel. Plus loin au sol, deux rayonnages de livres sont rassemblés formant un seul bloc de papier rectiligne. L’artiste m’explique : « Seule demeure la ligne de démarcation des rayons marquant leurs différentes hauteurs : particularités au sein du format standard des livres de poche. » C’est dans ce dialogue entre nature et artifice que s’écrit l’œuvre de Noémie Pilo, une démarche qui semble hésiter entre le savoir-faire technique, qui constitue le cadre de son intervention, et une sorte de « déprise », de laisser-faire, donnant libre cours au hasard.

Noémie Pilo évoque discrètement, avec cet assemblage précaire, les incertitudes de notre société contemporaine quant au futur, en nous rappelant pourtant par la vision de notre reflet dans le miroir que nous ne sommes qu’une goutte d’eau au sein de cet écosystème. Comme elle, nous essayons par des ajustements, des dispositifs, des actions et des lois aussi, de résister à la chute.

Léo Guy-Denarcy