SIGNAL – ESPACE(S) RÉCIPROQUE(S)

SIGNAL – ESPACE(S) RÉCIPROQUE(S)

Vue de l’exposition SIGNAL – espace(s) réciproque(s)
Friche la Belle de Mai, Marseille
Photo Jean-Christophe Lett

EN DIRECT / Exposition SIGNAL – espace(s) réciproque(s), du 13 mars au 10 mai 2020, Friche la Belle de Mai, Marseille

Avec Younes Baba-Ali, Justine Bougerol, Brognon Rollin, Marc Buchy, Claude Cattelain, Edith Dekyndt, Benoit Jacquemin, Lucie Lanzini, Eva Lhoest, Julien Maire, Armand Morin, mountaincutters, Anna Raimondo, Emmanuel Van der Auwera, Claire Williams
Sous le commissariat de Lola Meotti et Aurélie Faure

Signal : « Fait qui a été produit artificiellement pour servir d’indice ».
Prieto, Sémiologie, dans Le Langage, La Pléïade, p. 96

Le fait de concevoir une exposition en binôme à la Friche Belle de Mai (Marseille) a rapidement fait surgir l’un des enjeux essentiels de notre collaboration : la communication. Très vite, la rencontre s’est opérée et a généré des échanges, des rebonds, des connexions, un va-et-vient, un flux. Cette méthode du « ping-pong » a dessiné le fil rouge de nos recherches et nous a conduit à identifier l’Œuvre comme un « signal ». 

Le signal a toutes les propriétés du signe linguistique, mais il évolue hors syntaxe — il n’y a ni pensée, ni dialogue. Il a pour but de faire ré-agir : il est un message codé de façon à informer, avertir, indiquer, déclencher, provoquer, annoncer. Observer son fonctionnement et la façon dont les artistes s’en emparent a donc été le point de rencontre entre nos deux pratiques curatoriales, avec la volonté de réunir une sélection d’œuvres représentatives des codes qui régissent notre société, nos méthodes de communication, et des comportements qui en découlent et/ou qu’elle provoque. Une manière d’étudier comment connecter le vivant — l’œuvre, le corps, le regard — et ce qui rend universels les chemins qu’il empreinte aux trajectoires complexes, sinueuses, et jamais sans détour.  
Notre duo s’est ensuite approprié la notion d’espace(s) réciproque(s) tel l’endroit où converge deux entités, deux villes, que nous avons matérialisé par l’espace d’exposition ; il est le lieu où construire une nouvelle pensée à partir des expériences et des mutations qu’il engendre, et dans lequel, vient s’inscrire deux villes réciproques elles-aussi. Marseille et Bruxelles sont soeurs d’une richesse démographique et culturelle, impliquant une cartographie étendue et complexe, qui ne se satisfait pas des schémas classiques et mène à penser (à vivre) la ville autrement. Chacune génère une certaine forme d’avant-garde. Elles ne correspondent pas aux critères habituels, elles en créent de nouveaux.

Sur base de cette réflexion, nous avons continué notre approche expérimentale d’apprenties physiciennes en catégorisant les notions qui nous semblaient incontournables dans notre projet. 

Dans une première catégorie, nous identifions les œuvres qui s’imposent comme des monuments, qui se jouent du lieu et de son espace par défaut ou par convocation.
Claude Cattelain et Lucie Lanzini sont invités à mettre en péril la neutralité du « White Cube » par la production d’œuvres in-situ inédites et spécifiques pour la Tour-Panorama. Leurs interventions opèrent des tensions entre architecture et éléments de construction, présents et rapportés. Cette expérience du corps, de ses limites et de son échelle, s’intensifie avec les œuvres de Justine Bougerol, de Claire Williams, et de Benoit Jaquemin. Chacune à leur manière, elles appellent notre corps par le regard à plonger dans un nouveau monde. Justine Bougerol déploie discrètement une infinitude d’espaces fragmentés au sein d’un tumulus, tandis que Claire Williams et Benoit Jacquemin érigent ostensiblement les contours d’un « portail » à embrasser. Claire Williams propose une aventure cosmique où le corps devient l’instrument clé et permet une écoute de l’activité électromagnétique solaire par conduction osseuse. L’escalier de verre de Benoît Jacquemin s’inspire du plan en contre-plongée du meurtre d’Arbogast — dans le film Psychose, d’Alfred Hitchcock —, et des proportions altérées par cet instant cinématographique de basculement dans l’irrationnel. 

Cette question de l’œil et de l’illusion nous amène à celle de la « vision-augmentée » produite par les nouvelles technologies et utilisée par certain·e·s artistes pour dresser le portrait de mondes invisibles, ou plutôt imperceptibles.
Armand Morin nous propulse dans les airs via de long travelling filmés au drone et nous livre l’état des lieux d’un monde habituellement inaccessible, dont l’existence est pourtant bien réelle. À l’aide d’une camera Kinect— issue des jeux vidéos, et utilisée comme outil de surveillance dans certains aéroports —, Eva L’Hoest scanne les passagers endormis d’un avion : leurs corps inertes sont victimes d’une perte de signal et nous rappellent la quiétude de ceux retrouvés à Pompéï. Une technique qui transforme un voyage paisible en une vision fantasmée de crash. Chez Emmanuel Van der Auwera et Julien Maire, la technologie est malmenée et comme poussée dans ses retranchements. C’est dans la mise en place de l’installation que le protocole s’installe pour déplacer le regard et révéler l’œuvre autrement. Emmanuel Van der Auwera, par un savant jeu de dissection d’écrans, rend l’image visible dans des miroirs posés au sol. Julien Maire fait dialoguer un paysage gravé au trait d’une aiguille et celui de l’espace d’exposition par une captation en live, entrechoquant les temporalités et plaçant ainsi les silhouettes floues des spectateur·rice·s dans la profondeur de champ d’un cinéma éphémère. L’enjeu du statut du regardeur et du regardé, comme celui des médiums, est posé.

La troisième et dernière catégorie apparue, est celle des œuvres qui apparaissant comme des indices et deviennent des clés de lecture : des gestes qui proposent un voyage spatio-temporel et projettent le spectateur dans un contexte historique, politique, et/ou social précis. 
Un néon-enseigne qui renvoie à une destinée sous contrôle et tracée au creux d’une main chez Brognon Rollin. Une parabole, simple objet du quotidien et de nos paysages urbains, s’anime et symbolise un vecteur de connaissance aux horizons et aux connexions multiples chez Younes Baba-Ali. Le collectif insolite Mountaincutters — qui ne produit d’ordinaire que des expositions personnelles in situ considérées comme œuvres à part entière — propose ici trois « objets-incomplets » extraits d’expositions antérieures et forme un signal renvoyant à leur répertoire de formes, à leur vocabulaire si caractéristique. Le drapeau transparent d’Édith Dekyndt porte, avec toute sa fragilité poétique, un message éminemment politique et universel. Enfin, comment parler de « signal » sans convoquer des artistes jouant avec les codes du relationnel. Suite à son exposition personnelle Tenir à l’œil, Marc Buchy réadapte l’une de ses pièces pour La Friche et nous interpelle sur les notions de surveillance et de datas via un audit qualité absurde dont les protoganistes sont des visiteur·euse·s-mystères. Anna Raimondo réadapte également une œuvre performative dans les transports en commun marseillais interrogant la place de la femme et de l’intime dans l’espace public, comme dans l’espace d’exposition. 

L’expérience proposée par les œuvres sélectionnées et cette aventure des espaces réciproques, explorés ou fantasmés, nous a toujours ramené à cette idée du Signal : il est un signe conventionnel, ou un système de signes conventionnels, destiné à informer ou à prévenir quelqu’un de quelque chose. Le signal est un fait ou un événement qui annonce quelque chose, par lequel une action ou un processus commence. Il stimule et déclenche des réflexes conditionnés. Il transmets une information. Il indique. Il avertit. Dans la théorie de l’information, on entend par « signal » toute unité qui, obéissant aux règles d’un code, entre dans la composition de messages. 

Aurélie Faure & Lola Meotti

Vue de l'exposition SIGNAL - espace(s) réciproque(s) Friche la Belle de Mai, Marseille Photo Jean-Christophe Lett
Vue de l’exposition SIGNAL – espace(s) réciproque(s)
Friche la Belle de Mai, Marseille Photo Jean-Christophe Lett
Younes Baba-Ali, Parabole - Vue de l'exposition SIGNAL - espace(s) réciproque(s) Friche la Belle de Mai, Marseille Photo Jean-Christophe Lett
Younes Baba-Ali, Parabole – Vue de l’exposition SIGNAL – espace(s) réciproque(s) Friche la Belle de Mai, Marseille Photo Jean-Christophe Lett
Justine Bougerol, Ce qu'il reste Vue de l'exposition SIGNAL - espace(s) réciproque(s) Friche la Belle de Mai, Marseille Photo Jean-Christophe Lett
Justine Bougerol, Ce qu’il reste Vue de l’exposition SIGNAL – espace(s) réciproque(s) Friche la Belle de Mai, Marseille Photo Jean-Christophe Lett
Armand Morin, Posters & Souvenirs - Vue de l'exposition SIGNAL - espace(s) réciproque(s) Friche la Belle de Mai, Marseille Photo Jean-Christophe Lett
Armand Morin, Posters & Souvenirs – Vue de l’exposition SIGNAL – espace(s) réciproque(s) Friche la Belle de Mai, Marseille Photo Jean-Christophe Lett
Vue de l'exposition SIGNAL - espace(s) réciproque(s) Friche la Belle de Mai, Marseille Photo Jean-Christophe Lett
Vue de l’exposition SIGNAL – espace(s) réciproque(s) Friche la Belle de Mai, Marseille Photo Jean-Christophe Lett
Claire Williams, Zoryas, Electromagnetic Activity of the Sun Vue de l'exposition SIGNAL - espace(s) réciproque(s) Friche la Belle de Mai, Marseille Photo Jean-Christophe Lett

Claire Williams, Zoryas, Electromagnetic Activity of the Sun
Vue de l’exposition SIGNAL – espace(s) réciproque(s) Friche la Belle de Mai, Marseille
Photo Jean-Christophe Lett
Vue de l'exposition SIGNAL - espace(s) réciproque(s) Friche la Belle de Mai, Marseille Photo Jean-Christophe Lett
Vue de l’exposition SIGNAL – espace(s) réciproque(s) Friche la Belle de Mai, Marseille Photo Jean-Christophe Lett
Anna Raimondo, How to make your day exciting #2 - Vue de l'exposition SIGNAL - espace(s) réciproque(s) Friche la Belle de Mai, Marseille Photo Jean-Christophe Lett
Anna Raimondo, How to make your day exciting #2 – Vue de l’exposition SIGNAL – espace(s) réciproque(s) Friche la Belle de Mai, Marseille Photo Jean-Christophe Lett
Vue de l'exposition SIGNAL - espace(s) réciproque(s) Friche la Belle de Mai, Marseille Photo Jean-Christophe Lett
Vue de l’exposition SIGNAL – espace(s) réciproque(s) Friche la Belle de Mai, Marseille Photo Jean-Christophe Lett
Claude Cattelain, Split Cabin (à gauche) et Eva L'Hoest, Under Automata (à droite) - Vue de l'exposition SIGNAL - espace(s) réciproque(s) Friche la Belle de Mai, Marseille Photo Jean-Christophe Lett
Claude Cattelain, Split Cabin (à gauche) et Eva L’Hoest, Under Automata (à droite) – Vue de l’exposition SIGNAL – espace(s) réciproque(s) Friche la Belle de Mai, Marseille Photo Jean-Christophe Lett
Moutaincutters, Objets Incomplets - Vue de l'exposition SIGNAL - espace(s) réciproque(s) Friche la Belle de Mai, Marseille Photo Jean-Christophe Lett
Moutaincutters, Objets Incomplets – Vue de l’exposition SIGNAL – espace(s) réciproque(s) Friche la Belle de Mai, Marseille Photo Jean-Christophe Lett
Benoît Jacquemin, Psycho's Stairs (1er plan) - Vue de l'exposition SIGNAL - espace(s) réciproque(s) Friche la Belle de Mai, Marseille Photo Jean-Christophe Lett
Benoît Jacquemin, Psycho’s Stairs (1er plan) – Vue de l’exposition SIGNAL – espace(s) réciproque(s) Friche la Belle de Mai, Marseille Photo Jean-Christophe Lett
Emmanuel Van der Auwera, Videosculpture XIV (Shudder) - Vue de l'exposition SIGNAL - espace(s) réciproque(s) Friche la Belle de Mai, Marseille Photo Jean-Christophe Lett
Emmanuel Van der Auwera, Videosculpture XIV (Shudder) – Vue de l’exposition SIGNAL – espace(s) réciproque(s) Friche la Belle de Mai, Marseille Photo Jean-Christophe Lett
Edith Dekyndt, Une seconde de silence (Partie 1-New York) - Vue de l'exposition SIGNAL - espace(s) réciproque(s) Friche la Belle de Mai, Marseille Photo Jean-Christophe Lett
Edith Dekyndt, Une seconde de silence (Partie 1-New York) – Vue de l’exposition SIGNAL – espace(s) réciproque(s) Friche la Belle de Mai, Marseille Photo Jean-Christophe Lett