Valentin Guillon, Les trois pistes, Florence Loewy Paris

Valentin Guillon, Les trois pistes, Florence Loewy Paris

De la vitesse, qui est la finalité de la course en roller, Valentin Guillon ne retient dans sa première exposition personnelle que les éléments qui la rendent possible, qui la représentent, qui l’accompagnent. Et qui donnent lieu à autant d’oeuvres : sculpture, peinture, sérigraphie et ready-made. Elles semblent autant d’effets de translation d’éléments, notions ou objets propres à cette pratique sportive. De l’aveu de l’artiste, l’expérience de la course, et l’effort de mentalisation que requiert cette pratique sportive informe sa pratique artistique. Mais, à adopter une logique de modélisation, ne risquerait-on pas de passer à côté de la réelle force du travail de l’artiste ?

La sculpture À vos marques consiste en une reproduction à l’échelle 1 d’un morceau de piste de roller de vitesse, une piste inclinée courbe au niveau du centre du virage sur laquelle l’artiste a pratiqué ce sport. Le spectateur, en entrant dans la galerie, se trouve face aux coureurs. Extraite de la piste complète d’une circonférence de 200 m, la sculpture devient une estrade, sur laquelle le public est invité à marcher, et que l’équipe de la galerie doit traverser pour rejoindre son bureau. Une nouvelle fonctionnalité, un nouvel usage requalifient les formes de la piste en oeuvre praticable.

Trois peintures géométriques sur bois renvoient, par leurs titres, à autant de moments vécus par les coureurs sur la piste : Le peloton, L’échappée, Le sprint. Ces moments de course de vitesse, donnent naissance à des formes statiques. Certes, les aplats de couleur évoquent les formes marquées au sol, les couleurs des équipements sportifs, mais ils renvoient à autant de moments de tension d’une course de vitesse, à autant d’expériences sensibles complexes dans lesquelles interviennent force physique, sens tactique, capacités musculaires et compétences techniques. Les formes sont le signe d’autant de forces, leur répétition renvoie à la répétition dans la préparation du coureur.

Un banc de bord de piste est présenté dans le white cube. Il s’agit du seul élément de cette pratique sportive qui renvoie a priori à un état statique, et conserve sa fonction. Mais il invoque moins le repos qu’il permet que la situation d’attente dans laquelle se trouve celui qui s’y assoit – et qui n’est concentré que sur la course à venir. Un banc qui oeuvre au refus de sa propre fonction – autant dire déjà une oeuvre.

On pourrait être tenté de penser que l’artiste établit des correspondances, des rapports, des transferts entre une activité sportive, qui possède son propre registre de formes, de couleurs, son propre langage, ses propres codes, et qu’il les rejoue, retente, redéploie dans l’espace d’exposition. On pourrait voir là une nouvelle stratégie qui considère l’artiste comme sportif, comme il fut déjà pensé « comme » producteur, anthropologue, ethnographe, sampleur1 … Mais ce serait là se tromper quant au sens même de la production artistique de Valentin Guillon : elle n’a pas pour modèle une pratique sportive spécifique – un modèle suppose une prise de distance. Une distance que l’artiste refuse, puisqu’en dépit du changement de vitesse, de taille, de fonction, l’expérience qu’il provoque est commune aux deux champs, plutôt qu’il ne transfère l’une sur l’autre : à la fois exercice physique et exercice de mentalisation. C’est alors autant à réévaluer l’expérience artistique qu’à réévaluer la compréhension que nous pouvons avoir de pratiques physiques que nous invite Valentin Guillon: toutes deux sont des expériences, et elles s’informent mutuellement. Ou plutôt : on retrouve chacune dans l’autre. La pratique sportive est déjà art et l’art est à nouveau pratique corporelle. Alors, dans un cas comme dans l’autre, une seule consigne : Mets la gomme ! 2

1 On reconnaîtra, dans l’ordre, les hypothèses de Walter Benjamin, Joseph Kosuth, Hal Foster, Yann Beauvais et Jean-Michel Bouhours.
2 C’est là le titre de l’ultime oeuvre présentée dans l’exposition, une sérigraphie.

Texte Vincent Romagny © 2018 Florence Loewy

 

Vue de l’exposition de Valentin Guillon, Les trois pistes, Florence Loewy, Paris © Aurélien Mole
Vue de l’exposition de Valentin Guillon, Les trois pistes, Florence Loewy, Paris © Aurélien Mole

 

Vue de l’exposition de Valentin Guillon, Les trois pistes, Florence Loewy, Paris © Aurélien Mole
Vue de l’exposition de Valentin Guillon, Les trois pistes, Florence Loewy, Paris © Aurélien Mole

 

Vue de l’exposition de Valentin Guillon, Les trois pistes, Florence Loewy, Paris © Aurélien Mole
Vue de l’exposition de Valentin Guillon, Les trois pistes, Florence Loewy, Paris © Aurélien Mole

 

Valentin Guillon, Le sprint, 2018, acrylique sur bois, 85 x 120 cm Vue de l’exposition de Valentin Guillon, Les trois pistes, Florence Loewy, Paris © Aurélien Mole
Valentin Guillon, Le sprint, 2018, acrylique sur bois, 85 x 120 cm
Vue de l’exposition de Valentin Guillon, Les trois pistes, Florence Loewy, Paris © Aurélien Mole

 

Valentin Guillon, Le sprint, 2018, acrylique sur bois, 85 x 120 cm Vue de l’exposition de Valentin Guillon, Les trois pistes, Florence Loewy, Paris © Aurélien Mole
Valentin Guillon, Le sprint, 2018, acrylique sur bois, 85 x 120 cm
Vue de l’exposition de Valentin Guillon, Les trois pistes, Florence Loewy, Paris © Aurélien Mole

 

Valentin Guillon, L’échappée, 2018, acrylique sur bois, 85 x 120 cm Vue de l’exposition de Valentin Guillon, Les trois pistes, Florence Loewy, Paris © Aurélien Mole
Valentin Guillon, L’échappée, 2018, acrylique sur bois, 85 x 120 cm
Vue de l’exposition de Valentin Guillon, Les trois pistes, Florence Loewy, Paris © Aurélien Mole

 

Valentin Guillon,Mets la gomme !, 2018, sérigraphie, 100 x 70 cm Vue de l’exposition de Valentin Guillon, Les trois pistes, Florence Loewy, Paris © Aurélien Mole
Valentin Guillon,Mets la gomme !, 2018, sérigraphie, 100 x 70 cm
Vue de l’exposition de Valentin Guillon, Les trois pistes, Florence Loewy, Paris © Aurélien Mole

 

 

Visuel de présentation : Vue de l’exposition de Valentin Guillon, Les trois pistes, Florence Loewy, Paris © Aurélien Mole